Comment évaluer à quel stade se trouve le développement de votre communauté?
Nous proposons une grille de lecture et une analyse pour accompagner, évaluer la croissance de nos communautés. Il s'agit aussi de définir les limites de croissance, les avantages et les faiblesses.
Grille de lecture utilisée
Nous utilisons une courbe en S qui représente le développement du départ (1) d'une communauté, à sa maturité (3), en passant par sa croissance (2). Cette courbe peut aussi s'appliquer à la vie humaine, au développement d'une communauté chrétienne, d'une institution, d'une organisation, d'une entreprise, ou d'un projet.
Le début est souvent difficile, laborieux. On peut même être contesté, dénigré, Sans conviction et sans appel de la part de Dieu, ce sont des initiatives qui capotent, malgré la bonne idée de départ. Le maître mot de cette période, c'est la persévérance. C'est un temps qui se prolonge souvent et les résultats ne sont pas immédiats. Il va changer de rythme avec le point de bascule qui accélère la croissance.
Pour une communauté chrétienne, c'est le temps des moissons, avec un équilibre entre jeunes et vieux. Il est clair que cette période n'est pas boostée par des retraités. Ce sont souvent des couples avec enfants qui en sont le moteur.
La communauté vieillit. Les jeunes couples se font rares. Maurice Ray, un pasteur vaudois, disait, dans les années septante, qu'il faut aussi des pasteurs qui accompagnent les mourants et certains sont très doués dans cet accompagnement final. Ce dont il faut être conscient, c'est que dans cette période finale s'installe la sécurité de l'habitude (formulation piquée au théologien et formateur protestant Jean-Christophe Emery). On rechigne à devoir s'adapter à de nouveaux concepts théologiques, comme le développement d'une approche plus charismatique de la foi, à des liturgies à la sauce numérique, avec des vidéos, des «gesticulations» corporelles qui s'inspirent plus de la scène du stand-up que de la culture classique «évangélico-chrétienne». Comme quand on est dans cette période vieillissante où la pub présente une vielle personne courant avec souplesse à côté de son chien. Dieu ne pénalise pas le vieillissement d'une communauté, il l'accompagne. Arrivé dans cette troisième phase de l'existence d'une communauté, inutile de croire qu'on va encore «monter sur scène» comme en phase deux.
La malédiction du S
Elle repose sur l'humanité et toute la création depuis la nuit des temps. Cette trajectoire des humains commence avec la naissance (1), puis continue par la croissance vers l'âge adulte (2), pour terminer par la mort (3). Ce sont des étapes-paliers qui se terminent un jour. Le verset 15 du psaume 49 est lapidaire: «... on les conduit comme des moutons dans le monde des morts».
Mais toute la vie, toute la création, toute occupation et activité humaine est soumise à ce cycle infernal. Les arbres grandissent et un jour ils sèchent, tombent et pourrissent. Les empires ont commencé petit et à un moment donné, ils disparaissent. Pourrait-on imaginer qu'un jour l'intelligence artificielle (IA) va être considérée comme des hiéroglyphes? À l'image du S ci-dessus, dont le tracé final se termine par un trait oblique. Bien sûr, on me rétorquera que l'Église ne va jamais disparaître. L'église, corps du Christ, restera jusqu'à son retour, à la fin des temps, mais les articulations communautaires, faites d'existences et de «chair» humaine est à la merci de cycles de croissance et de décroissance parfaitement humains et prévisibles. Une communauté ne peut pas se perpétuer éternellement de la même manière dont elle a commencé. Par le passé, on pouvait avoir l'impression, qu'en innovant un tant soit peu, on pouvait encore se maintenir à flot. Malheureusement, ce n'est plus le cas, car le temps s'accélère prodigieusement et les cycles de vie se compressent drastiquement. On ne lancera plus, surtout pas en Europe, un mouvement d'églises, comme le protestantisme, qui va perdurer pendant quatre siècles.
Organisez un sondage systématique avec les participants au culte, au moins sur trois dimanches. Distribuez un bout de papier pour que chacun y mette son âge. Incluez aussi les enfants et les ados. Par exemple, l'église MLK de Créteil, affiche un âge moyen de 26 ans. Forcément, cette communauté se développe dans la phase 2. La cible des prédications va en tenir compte. Si votre résultat est plus près de la soixantaine, inutile d'organiser des concerts pop rock pour attirer des plus jeunes. Le problème, c'est que les fans du pop rock rechignent à se retrouver le dimanche matin dans un patchwork de style musical hérité de la glorieuse période des réveils du 19ème siècle mélangé à la Glorious musique catho-pop de Lyon. Ou ces adeptes TikTok qui n'ont plus envie de se coltiner un prédicateur qui lit un texte en chaire, composé pour être lu et non «tiktokisé» (ma production personnelle).
Les innovations que vous allez apporter au niveau liturgique et ne parlons même pas du point de vue théologique, vont plutôt perturber votre assistance qui aura plutôt besoin de sécurité générée par l'habitude d'un rituel qu'elle connaisse et apprécie. Ce n'est pas Dieu qui va sermonner des retraités en quête de tranquillité et de sécurité, surtout ceux qui ont été les chevilles ouvrières de la croissance des débuts.
Une des solutions, c'est de trouver un noyau de passionnés de nouvelles cultures et de spiritualités qui souhaiteraient se lancer dans une nouvelle phase de développement, du type «phase une». Fini la notion de téléverser ce nouveau départ, dans les activités cultuelles du dimanche matin. Le fossé culturel entre la génération numérique et l'ancien tissu en phase trois est tellement énorme et qui évolue à une vitesse grand V, que c'est le clash assuré, voir l'expérience du LAB de l'église réformée de Genève. Sans adhérer pleinement à l'orientation du LAB genevois, j'y vois cette difficulté de coudre du «neuf» dans un vieux tissu. L'article cité en référence de Jean-Christophe Emery me paraît plein de sagesse.
Donc, ouvrez, sous le même toit, un espace adapté pour ces nouveaux «migrants» qui viennent de la culture numérique. Ne clonez pas la liturgie ni les activités de votre ancienne communauté. Inventez une nouvelle manière de faire communauté. Dégraissez les vieilles habitudes liturgiques. Laissez la bride sur le cou aux créatifs et ne donnez pas le lead à des «instituteurs» spirituels. Créez, sous le même toit, un réseau inter-communautaire et le pasteur principal deviendra le pasteur de ce réseau interne. Celui qui gère la référence à la Bible, comme instrument d'évaluation et de contrôle en sachant bien que la lecture du texte sacré aura toujours une teinte culturelle, pour ne pas dire théologique. Ce nouvel espace sera comme un greffon de vigne. Il profitera de la sève nourricière, donc aussi financière, mais le cépage sera différent du pied. Créez des liens non-liturgiques dans le réseau (compagnonnage, coaching, entraide, activités sociales, conseils, relation d'aide, recherche de l'homme ou de la femme de sa vie, etc... ). Ce sera comme un domaine vinicole qui produirait différents cépages spirituels, avec différentes vinifications et peut-être différentes mises en bouteille pour atteindre différents publics. Dommage qu'on ne boive souvent qu'une piquette standardisée. Et à l'occasion, il n'est pas interdit de goûter le cru dans le carnotzet du vigneron qui fait partie de la même «coopérative» spirituelle, même s'il vinifie un vieux cépage!
L'être humain traverse la vie comme une ombre. Qui sait ce qu'il a de mieux à faire chaque jour de sa fugitive existence? Personne ne lui indique ce qui arrivera après lui ici-bas. (Ecclésiaste 6:12)
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L'autrice du livre " Smart Growth " explique pourquoi la courbe en S de l'apprentissage peut aider à mieux comprendre comment nous nous développons.