Comment faire passer l'église dans la culture numérique?
L'ancien formatage utilisé pour les églises chrétiennes
Les églises issues de la Réforme protestante du 16ème siècle et des Réveils du 19ème siècle, se sont principalement développées sur la base de la culture du livre et plus spécialement de la Bible.
L'instrument et le support culturel utilisé a été l'école.
Le nouveau formatage à prendre en compte
Ce nouveau formatage est le résultat de l'influence de la culture numérique qui se comporte comme un cheval fougueux, puissant, rapide, mais dont les cavaliers sont invisibles. Ici le cheval n'a ni selle, ni mors, il donne l'impression qu'il est sauvage et la culture qu'il représente est «sauvage», «débridée», bien qu'elle soit en train de se faire «dresser». Devant cette culture «pixelisée» se profile une autre dont on connaît pas mal de choses: c'est la culture de l'oralité électronique or l'Ancien Testament est tiré, en partie, de l'oralité. Cette illustration est une vue idéale ou en devenir de la réalité de l'église actuelle.
Ce qu'on cherche à faire
On est bien conscient que cette nouvelle culture n'est pas le fruit de la culture scolaire qui pourrait se gérer comme un développement harmonieux, mais que la culture numérique est un sérieux concurrent, simplement par le fait qu'elle n'apprend plus à lire et à écrire: les deux clés pour s'épanouir avec l'école. Bien qu'on constate la problématique, on essaye de faire passer les images, le son, les clips vidéos dans le monde de l'église alphabétisée et de créer ce que je nomme un «patchwork» culturel.
Pour évangéliser, nous avons été «piégés» par le modèle missionnaire du passé
Nos missionnaires, surtout lors de la grande expansion missionnaire du 19ème siècle, ont d'abord créé une école et l'église s'est greffée sur l'école qui a servi d'interface entre l'évangile et les personnes. Ce n'était pas seulement l'apprentissage de la lecture, mais la manière de transmettre la foi se calquait sur celle de faire école. Le pasteur-missionnaire devenait, par la même occasion, un «instituteur» spirituel. C'était en même temps, ne nous voilons pas la face, une colonisation culturelle. Ce qui me fait poser une question fondamentale: faut-il savoir lire pour devenir et être chrétien? Nous y répondons en enregistrant, par exemple, l'évangile de Marc qui allie audio et images.
L'école républicaine perd de plus en plus son pouvoir culturel, donc par ricochet les églises perdent leur pouvoir de transmission de la foi, mais nous gardons le modèle d'enseignement scolaire de la foi par le truchement de l'explication. On explique le vocabulaire, les doctrines et on ne se rend pas compte que la colonisation culturelle se fait dans le sens inverse. La culture numérique va nous éliminer progressivement au profit de l'expérience visuelle, émotionnelle de celle-ci.
La nouvelle église du futur
Ce nouveau type de communauté est déjà en train de se développer. Elle s'oriente vers la fraternité, la prééminence de la parole. Pas celle composée et prêchée comme si elle était destinée à être lue, mais celle qui est déclamée, qui parle de ses propres expériences, qui utilise le langage parabolique du Christ, qui travaille en premier avec le ressenti et non avec l'analyse et la systématique, avec la logique. L'église façonnée par le monde de l'école restera, mais comme dans l'image, elle sera très réduite.
Y a-t-il un futur pour l'église-école?
Faut-il donc accepter que l'ancienne église disparaisse ou qu'il n'en reste que des miettes, comme l'Arménie, le premier empire chrétien ou l'Afrique du Nord qui a été largement chrétienne, au temps de Saint Augustin?
Il ne faut pas se faire d'illusion, l'effet colonisateur de la culture numérique va de plus en plus s'amplifier. La colonisation des incas par les hispaniques a détruit une civilisation florissante.
Nous ne préconisons pas d'agrandir nos bâtiments, de les rendre présentables pour la culture numérique. C'est un investissement très lourd qui n'aidera que très peu au développement de la communauté. Ni d'ailleurs de peaufiner nos théologies élaborées dans des «écoles». Il faut garder ce patrimoine immobilier et théologique, puisqu'il y a encore un certain nombre de personnes qui s'y sentent bien. Mais l'avenir, c'est de suivre l'élan généré par la culture numérique qui s'élance dans un espace «non-construit», également du point de vue théologique. Le cheval a surtout besoin d'un hippodrome, pas d'une écurie électronique. Et «l'hippodrome spirituel» doit encore s'inventer, puisqu'on ne sait pas quelle forme il devrait avoir. Au même titre que les premiers chrétiens qui ont dû apprendre comment adapter la spiritualité élaborée à Jérusalem à Antioche. Pour l'instant, avec le cheval on peut arpenter la campagne, avant d'en faire un vrai cheval de course.
Ce qui veut dire qu'on peut tout à fait garder des liens avec l'église-école, mais ceux-ci ne devront pas se vivre sous forme de culte. La foi et la confiance en Dieu restent les mêmes, mais elles ne se vivront plus de la même façon. Le théologien et le pasteur devront apprendre à monter un cheval, mais l'église-école aura toujours besoin d'un pasteur-scolaire, sauf qu'il aura de moins en moins d'élèves à enseigner. Dommage que nos facultés de théologie ne savent que décrire l'équitation, mais ne savent pas maîtriser un cheval de course et en course.