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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Analyse d'une prédication numérique réussie

1 Décembre 2022, 14:43pm

Publié par Henri Bacher

Nous analysons une prestation numérique, juste pour en tirer des conseils pratiques pour des prédicateurs qui parlent à partir d'une scène et face à un public. La prédicatrice choisie est 

Par prédication numérique nous entendons, une personne qui parle sur une scène, avec un micro et devant un auditoire. C'est presque pareil que le prédicateur installé dans une chaire surélevée, sauf que c'est très rare qu'il ne lise pas un texte écrit. Je compare Justine Robichaud à une «standuppeuse» à l'instar des humoristes de cabaret ou sur les réseaux sociaux, sauf que ce qu'elle dit est très sérieux. Elle enseigne tout en «se produisant sur une scène» et non dans une chaire.

Le conditionnement technique entre la chaire et la scène
L'espace «chaire» conditionne la manière de se mouvoir devant son public. C'est un espace réduit qui ne permet pas de grandes expressions corporelles. On ne voit que la partie supérieure du prédicateur, surtout s'il est de petite taille et ses gestes sont souvent cachés par le pupitre pour poser son texte à lire. En quelque sorte, il est prisonnier de son espace et celui-ci lui dicte sa manière de communiquer. La plupart des églises aujourd'hui n'utilisent plus ce genre de chaire, mais souvent le pasteur, même s'il est sur une scène, se comporte comme le prédicateur en chaire du passé. Parfois, il se présente derrière un lutrin transparent, mais il ne bouge pas pour autant. Il est immobile. Deuxième limitation lorsqu'il lit un texte. La lecture ne permet pas une large panoplie d'expressions corporelles. Il va donc devoir amplifier sa pensée, le contenu de son discours pour intéresser son public et en même temps, il se coupe de son langage corporel qui appuie sa pensée. Il devient prédicateur «désincarné» du point de sa communication.

L'espace «scène» conditionne aussi, mais d'une autre manière. Justine Robichaud n'est pas prisonnière (conditionnée) par son lutrin et par un texte à lire. Il ne lui sert que de pense-bête. Elle communique oralement, donc elle se libère aussi d'un type d'expression lié à l'écrit. On ne parle pas en public, comme on écrit. C'est très difficile d'écrire pour une diffusion radiophonique ou théâtrale (pour la scène). C'est un art et à nos pasteurs on ne leur a pas enseigné l'homilétique parlée. Elle n'est non plus prisonnière d'un micro sur pied et fixe. Par contre, elle aurait encore plus de liberté d'expression avec un micro cravate. Mais c'est peut-être aussi son objet de sécurisation, comme le prédicateur qui se cramponne sur les bords de sa chaire. Son langage corporel et l'expression de sa féminité se comporte comme un style en écriture. Observez son jeu de jambes, très sobre, de même que ses gestes de la main qui sont parfaitement naturels et spontanés. C'est comme lorsqu'on stabilobosse un texte écrit. En fait, elle est avant tout actrice et non enseignante scolaire. À l'instituteur de l'école républicaine, qui est encore le modèle par excellence du pasteur, on ne lui demandait pas d'être acteur. On lui demandait de penser correctement et de savoir transmettre sa pensée et non pas forcément de «visualiser», d'acter corporellement son enseignement.

L'ingrédient de base pour la personne en scène: le charme
Pour la femme, comme pour l'homme. Justine Robichaud a ce talent qu'on a ou qu'on n'a pas. C'est comme la couleur des yeux. Dieu nous a créés avec ou à très petite dose. Ça n'a rien ou peu à voir avec la sensualité ou la beauté physique. Une personne avec du charme attire et on ne sait pas pourquoi. Presque comme un aimant. Et cette attirance est encore accentuée par le filtre numérique. Notre prédicatrice n'en abuse pas, s'habille sobrement, mais suffisamment bien pour être repérable visuellement, ne se maquille pas outrageusement. Elle est très soft dans l'expression de sa féminité. Le problème c'est que parfois, ces personnes «charmantes» attribuent au Saint Esprit l'effet qu'elles ont sur leur entourage, alors que c'est de l'ordre de la création ou du talent comme pour l'expression musicale.

Parler à partir de son intimité
Avec Justine Robichaud on a l'impression qu'on est avec elle en train de partager un café. Elle s'identifie à son public, elle se dévoile en parlant de ses expériences personnelles. Elle communique, non en premier avec sa pensée, mais avec ce qu'elle vit, en tant que mère, en relation avec le texte biblique. Elle analyse un texte biblique avec la grille de lecture de sa sensibilité de mère. Ce qui ne veut pas dire qu'elle néglige l'aspect analyse biblique, sous-entendu, théologique, historique, textuel, mais ce n'est pas sa porte d'entrée. 

Justine Robichaud ne commence pas par enseigner point par point. Elle raconte avant tout l'histoire d'une famille et elle y accroche des réflexions spirituelles et personnelles. En fait, elle se sert de cette histoire comme d'une parabole. C'est une exégèse parabolique.

En conclusion: l'opinion de la conteuse et écrivaine Marie Ray
Justine Robichaud est une prédicatrice remarquable. Elle a une aisance sur scène qui est simple. Sans artifices ni grandes emphases, elle délivre ce qu’elle a à dire en consultant de temps en temps ses notes. On voit qu’elle connaît son sujet et l’a travaillé. Elle a un langage simple et clair que je qualifierai de «tous les jours». Lors de sa prédication, elle prend des exemples concrets de sa propre vie qui rejoignent facilement le vécu de l’auditeur. Elle arrive avec l’histoire de Moïse, (archi connue et archi prêchée) à sortir des sentiers battus, à donner un éclairage nouveau, moderne. Sans culpabilité, mais avec beaucoup de sagesse, elle nous amène sur une réflexion très pertinente sur le regard que nous portons sur nos enfants. 

Je crois que plus de femmes devraient se lever pour prêcher. Elles apportent cette sensibilité féminine et ce vécu féminin au texte biblique qui manquent parfois cruellement aux hommes. Expliquer «l’abandon» de Moïse à trois mois par une femme donne une autre dimension à l’histoire. 

 

Comment prêcher avec des images 
(Ebook / 48 pages)
Nous sommes en postchrétienté, où la culture est étroitement liée au monde des images. Comment la prédication ne devrait-elle pas changer au contact de cette réalité? Mais au-delà de la prédication, il y a bien d’autres aspects de la vie d’église qui sont concernés par cette montée du visuel. 

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