Avons-nous des modèles pour visualiser le message de Dieu pour nos contemporains?

31 Octobre 2024, 08:00am

Publié par Henri Bacher

Nous nous inspirons d'un manuscrit* qui se trouve à la Fondation Bodmer à Cologny (CH) pour vous expliquer comment les premiers évangélisateurs du peuple mexicain, dans les débuts du 16e siècle, s'y sont pris pour enseigner la foi chrétienne.
* TEOTL Carmen Bernand Ed. Fondation Martin Bodmer / PUF

Le profil de ces premiers missionnaires catholiques
Ils ne faisaient pas partie du clergé séculier. Les premiers furent trois moines flamants dont deux seront emportés par la maladie. Ce sont des Frères Mineurs qui vont leur succéder. Cet ordre a été fondé par Saint François d'Assise et avait comme devise la pauvreté et la pratique concrète de la fraternité chrétienne. Ils priaient, cherchaient à faire le bien autour d'eux, avaient une vie communautaire structurée autour d'activités de type liturgique à vocation interne. Ce n'était pas des centres de recherches théologiques.

Au début, au Mexique, ces premiers évangélistes ne sont que douze. Un parallèle à faire avec notre situation européenne. Ce n'est pas le clergé formé qui va faire ce travail d'évangélisation, mais bien ces franciscains, dominicains, augustins qui seront, par exemple, comme ces «JEMmiens» qui n'auront fait qu'une formation de disciples hors académie, mais qui seront habités par la fougue de l'Esprit et un esprit de corps: un groupe socio-spirituel qui s'aventure vers l'inconnu. Il y en a d'autres comme eux. Autant dire que notre «clergé» formé dans de prestigieuses facultés ne sera pas à la pointe de la réévangélisation de l'Europe. Je ne méprise pas du tout nos élites formées à l'académie, mais ils doivent quitter leur chaire de savoir, non pas quitter leur savoir, pour descendre dans l'arène et faire équipe avec ces primo-missionnaires qui justement, comme au Mexique, vont trouver de nouvelles approches pour transmettre la foi. Faire équipe ne veut pas dire que le théologien doit avoir le lead sur le JEMmien, Il restera un «géniteur spirituel», mais ceux qui vont porter le «bébé» spirituel, ce sont surtout ceux et celles qui sont sur le terrain. Pour le théologien, il faudra qu'il apprenne à «inséminer» la bonne parole autrement que par l'écrit ou le clip conçu pour valoriser celui-ci.

La grande différence entre ces missionnaires catholiques et les protestants ou évangéliques
Ces moines se trouvent face à une culture qui n'a aucune écriture, mais qui communique à fond avec des images et des représentations visuelles. Les protestants et les évangéliques, fidèles à leur grille de lecture imposée par leurs élites académiques, ont commencé par installer des écoles. On a systématiquement ignoré ou même détruit, pour la diffusion de l'évangile, la culture visuelle et orale de ces peuples autochtones. L'école fut l'instrument supérieur et non pas un parmi d'autres pour devenir chrétien, comme si le fait de ne pas savoir lire empêchait l'homme ou la femme de devenir des chrétiens à part entière. Aujourd'hui, les gens lisent de moins en moins et nous continuons à vouloir « scolariser » nos contemporains. Ce sont eux qui détruisent notre culture évangélique scolaire et nous n'avons plus le pouvoir de les faire revenir à l'école. Le pire, c'est que notre staff ecclésial ne sait parler que le langage de l'école et sa manière de formuler le message, même en utilisant des clips vidéos. Nos évangélisateurs au Mexique sont partis de l'idée qu'il fallait mettre au point une approche visuelle pour transmettre leur message, d'où cette élaboration d'un système de «lecture» visuelle sur la base d'illustrations que nous retrouvons aussi aujourd'hui dans nos messages sous forme d'émoticons.

Vous allez lever les bras à votre «ciel» scolaire. Comment peut-on réduire la spiritualité à une série de pictogrammes. Ils faisaient comment les Noé, les Abraham qui n'avaient pas de textes écrits à disposition?

Une des solutions pour aujourd'hui
En partant de cette recherche de visualisation, nous avons mis au point plusieurs catéchismes basés sur le langage parabolique, ainsi que d’autres textes comme le Notre Père (voir ci-dessous). Fait intéressant à noter: en prenant une parabole contemporaine comme nouveau « configurateur » du message chrétien et biblique, ça nous aide à sortir d'une formulation classique de la foi. Jésus a opéré de la même façon en s'extrayant du carcan des 613 lois du judaïsme. Il a utilisé les paraboles liées à la vie socio-culturelle des gens de son époque. En écolier fidèle, nous ne faisons que reprendre ces paraboles comme si le berger et ses moutons arpentaient régulièrement les Champs-Elysées. Dans un de nos catéchismes, nous filmons une championne mondiale de Pole Aerial (2024). Elle nous a même donné, pour ce catéchisme, le fil conducteur de la relation à Dieu en montrant que nous pouvons nous «suspendre» à Lui, comme elle fait ses chorégraphies sur un cerceau suspendu au plafond. Mélody est chrétienne et a passé, entre autre deux ans avec son mari dans un service missionnaire au Mexique.