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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

La formulation occidentale de la théologie chrétienne, peut-elle se considérer comme universelle?

14 Octobre 2024, 07:00am

Publié par Henri Bacher

J'aborde un sujet délicat. Je souhaiterais nous questionner sur notre manière d'avoir érigé la théologie protestante et évangélique occidentale comme le modèle universaliste que nous appliquons au monde entier, qu'il soit blanc, noir, jaune ou métissé. 

 

Résumé pour ceux qui sont pressés
L'auteur souligne l'importance de remettre en question le modèle universaliste de la théologie occidentale appliqué à des cultures diverses.

L'auteur critique le christianisme conquérant et ravageur qui a été propagé sous couvert de l'Évangile, sans adaptation au contexte culturel des populations visées.

Présentation alternative du christianisme dans des contextes culturels variés
Il souligne l'importance de trouver des symboles culturellement pertinents pour transmettre la foi, en s'adaptant aux spécificités de chaque culture.

Leçons générales à tirer
L'auteur remet en question l'idée selon laquelle seuls les Occidentaux détiennent les clés de la spiritualité chrétienne, soulignant l'importance des influences théologiques non occidentales, tout en se référant à la Bible.

Il suggère que Dieu a implanté des moyens pour le trouver dans chaque culture, comparant cela à des "poignées" sur un mur d'escalade, et met en avant des symboles culturels significatifs comme la pierre à douze angles des Incas.

Rôle de la Bible et nécessité de réévaluation
La Bible est présentée comme un outil de contrôle qui ne doit pas être mis au même niveau que le Christ, incarné dans la vie et la culture des peuples.

L'auteur met en garde contre l'illusion de l'homme blanc occidental selon laquelle sa culture et ses constructions théologiques perdureront éternellement, soulignant la nécessité d'une réévaluation pour éviter leur disparition.

La théologie blanche
Je me hasarde à avancer quelques convictions qui n'ont rien de prophétique. Je ne suis ni théologien ni pasteur, mais j'ai l'avantage d'avoir transité par plusieurs espaces culturels, allant de la sphère germanique, où j'ai grandi dans un village alsacien bilingue, à la sphère suisse romande de culture francophone et le Pérou hispanique. Je me considère comme un passeur qui conduit le chrétien d'une rive culturelle à une autre, par un gué pas très bien défini. Dans ce dernier pays, j'ai été particulièrement marqué par l'impact d'un christianisme évangélique importé des États-Unis qui a frelaté et non pas revitalisé un contexte socio-culturel mâtiné par le catholicisme et les cultures ancestrales comme celle des Incas. Ces derniers, par exemple, ont construit leurs temples sur des fondations antisismiques dont on retrouve encore les vestiges aujourd'hui. Les catholiques, qui sont entrés au Pérou dans les basques des conquistadors espagnols, ont rasé ces temples païens pour y mettre des églises construites à la manière espagnole, donc sans les connaissances architecturales des résidents légitimes du Pérou. Au premier tremblement de terre, ces églises se sont cassées la gueule. Les conséquences sociopolitiques et religieuses dramatiques de ces «conquêtes» dites chrétiennes ont durablement fragilisé l'Amérique du Sud. Il semble que l'apport évangélique, spécialement dû aux missionnaires nord-américains des temps modernes, n'ait pas amélioré la situation. Nous, Évangéliques, on nous a inculqué ce christianisme conquérant, ravageur, niveleur. Le «Allez par le monde et faites de toutes les nations des disciples» (Matthieu 28:18-20) est devenu le blanc-seing à la conquête et à l'assujettissement de nombreuses tribus, populations et pays sous couvert de l'évangile. Bien sûr, ce n'est pas l'Église chrétienne qui a fomenté ces conquêtes, mais elle ne les a pas vraiment freinées. On a utilisé l'outil culturel de l'école comme moule incontournable sans se soucier de la manière de comprendre et d'assimiler la réalité humaine de ceux qu'on veut évangéliser. On n'a pas adapté le message christique, sauf en traduisant nos textes dans la langue vernaculaire de ces personnes qu'il fallait atteindre par l'évangile. On refait la même faute dans la culture montante du numérique. On «numérise» nos textes, sans se poser la question si, dans un monde dédié majoritairement au visuel, aux émotions, il ne faudrait pas repenser une nouvelle théologie. Je crains que nos théologies et pratiques vont se faire dégommer comme les églises catholiques sur les constructions incas.

Avec les outils liés à la culture de l'écrit et de l'école, on a cassé ces cultures locales en croyant que l'école républicaine était l'outil le plus performant pour transmettre la foi. On pourrait qualifier cette manière de penser «d'ignorance blanche». Une culture et par ricochet une théologie systématique et analytique visualisée par ces constructions en jaune sur l'illustration ci-dessous. Le Christ, pierre angulaire, a été défini en réalité comme celle de nos constructions occidentales. Une pierre angulaire, verticale, rectangulaire. Toute construction théologique doit parfaitement se calquer et s'ajuster à ce modèle de base. Cette théologie a fait ses preuves, justement dans une culture scolaire lancée avec le levier technologique de l'imprimerie, mais aujourd'hui, elle tourne à vide.

 

Peut-on envisager une autre manière de présenter le christianisme dans des cultures différentes ou comme celle du numérique qui émerge aujourd'hui?
Je vais tout simplement prendre comme exemple la culture des Incas, puisque j'ai aussi vécu pendant plusieurs années au Pérou. C'était de fabuleux constructeurs. Ils savaient construire sans mortier et avec des pierres taillées qui n'avaient aucun standard de forme comme nos briques (scolaires). De plus, c'était un système de construction antisismique. Un des plus célèbres murs inca se trouve à Cuzco.

Cette fameuse pierre à douze angles (je n'en ai signalé que quatre), dans un mur de Cuzco, est pour moi celle que j'aurais utilisée pour évangéliser les incas. Elle n'est pas angulaire comme celle des Européens, mais sa fonction est la même: être au centre. Elle sert de modèle et de structuration centrale. Toutes les pierres autour partent de cette pierre et adoptent la même configuration, avec des angles. Théologiquement, on pourrait parler de la ressemblance au Christ, comme modèle de nos vies. Ce mur est antisismique parce que les pierres sont assemblées pour amortir les secousses. L'onde de choc se propage et elle est freinée et absorbée par les angles qui s'opposent. Voilà le modèle d'un Christ antisismique! Il n'est pas une pierre quelconque, mais dans ce mur, c'est la pierre-clé qui consolide tout l'édifice. Les incas ont quelquefois utilisé des constructions avec des pierres-clés qui sont souvent invisibles.

Les secousses sismiques sont absorbées par le système des angles dans les pierres, mais en définitive, c'est la pierre centrale, angulaire qui absorbe en final les secousses. Le Christ a porté les secousses, le MAL. Tout est retombé sur lui.

Quelles leçons générales peut-on en tirer?
L'homme blanc occidental pense que Dieu n'a implanté que chez lui les seuls indices pour se convertir et qu'il est le seul à posséder les clés de la spiritualité chrétienne. Combien y a-t-il d'éminents théologiens non occidentaux qui, actuellement, influencent le christianisme? Personnellement, je pense et je crois que Dieu a implanté dans chaque culture des poignées pour le trouver. Un peu comme les taquets sur un mur d'escalade. C'est intéressant de noter que les incas sont connus pour leurs capacités de construire des villes, des temples, des canaux d'irrigation dont on est encore admiratif aujourd'hui. Pourquoi Dieu n'aurait-il pas choisi d'y implanter, comme symbole, somme toute une petite pierre de construction à douze angles? Ça ne vous rappelle rien ? Douze tribus d'Israël, douze disciples du Christ. Par exemple, le chiffre 12 permet aussi de comprendre la mention des 144 000 dans l'Apocalypse. 144 étant le carré de 12, il représente donc le peuple parfait. Et le 1000, en Grec, fonctionne comme un suffixe pour signifier beaucoup. La pierre de Cuzco serait-elle donc le symbole parfait pour cette culture? Ce qui me fait poser la question suivante. A-t-on trouvé l'image-symbole qui va parler aux «numériciens»?. Pas le texte, puisque les gens ne lisent plus ou peu. Les incas n'avaient non plus d'écriture, enfin pas comme celle des Européens qui les ont envahis.

Quel serait le rôle de la Bible?
Celui qu'il n'aurait jamais dû quitter. Celui d'un outil de contrôle et non un outil qu'on a eu tendance à mettre au même niveau que le Christ. La Bible, message de Dieu, ne s'est pas incarnée dans un texte, tandis que seul le Christ a pu le faire dans la vie et dans la culture d'un peuple. C'est pourquoi j'ai mis la Bible en grisé et en arrière-plan.

 

L'illusion de l'homme blanc
Il a cru que sa culture et sa civilisation, ses constructions théologiques, allaient traverser tous les siècles. Elles risquent de disparaître, sans même laisser des traces aussi percutantes que celles des incas.

 

 

 

L'éternité dans leur cœur
L'histoire ignorée du christianisme dans les religions locales des peuplades anciennes
Don Richardson

Librairie CLC

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