Prendre soin des enfants, c'est se construire un avenir pour la communauté
Dans le développement des communautés évangéliques, issues des Réveils du 19e siècle, les enfants faisaient partie du « packaging » familial. Puisque ce sont surtout des familles entières qui rejoignaient l'église. Chez les protestants calvinistes et luthériens, la filière d'intégration était balisée depuis le baptême de l'enfant, l'école du dimanche, le catéchisme, la confirmation. Comme l'église faisait partie, surtout dans les régions protestantes, du tissu socioculturel, l'intégration définitive se faisait plutôt par le social et l'instruction et moins par la spiritualité familiale.
L'intégration version « évangélique »
Elle se faisait par la famille. Ce qui a permis le développement d'une spiritualité par immersion. Les parents et les membres de la fratrie étaient des modèles de comportement de foi, et offraient aussi une sorte de cadrage socioculturel, à dominante évangélique. Bien que ce modèle des débuts du Réveil ait été très puissant, il s'est aussi érodé par la suite. L'intégration socioculturelle « large » a également joué un grand rôle. On se mariait souvent dans le même courant spirituel. Et ce qui a beaucoup aidé dans l'intégration, ce sont les camps pour enfants organisés par des organismes évangéliques hors église. Les enfants et les jeunes s'y « convertissaient », selon la formule de l'époque et encore aujourd'hui.
Pourquoi cette intégration s'avère être de plus en plus difficile ?
Pour les protestants, comme on a énormément investi dans l'école du dimanche et le catéchisme, qui s'inspiraient du modèle scolaire, on pensait que les enfants allaient suivre logiquement la filière, comme l'enfant qui termine sa scolarité obligatoire et qui tout naturellement s'insère dans le monde du travail ou dans la filière des études secondaires. Sauf que les parents, eux, étaient très souvent des intermittents de la communauté. Le modèle était plutôt négatif.
Pour les évangéliques, on cultive encore très fortement cette notion de la famille qui intègre l'enfant dans la communauté, sauf qu'on pense que ça se fait automatiquement, d'une manière fluide. D'ailleurs, l'enfant et l'adolescent n'avaient pas le choix. Certaines communautés classiques font encore participer, tous les dimanches, les enfants à la partie hors prédication et c'est ennuyeux pour eux. D'autre part, dans leur
« École du dimanche » qui a souvent changé de nom, et les groupes d'ados : on joue, on danse, on regarde des clips vidéo, on chante des chants pour enfants, on les enseigne avec un langage approprié et du jour au lendemain, à l'âge de l'intégration définitive, on leur demande d'adopter une liturgie dont ils ne connaissent pas le maniement et encore moins la signification. On me rétorquera que c'est justement en les faisant participer au début des cultes pour adultes qu'ils l'apprennent. Comme le modèle adulte n'est souvent plus du tout adapté à la culture numérique dont ils ont largement bénéficié à l'école du dimanche, ils se « perdent », par ennui !
Comment une communauté florissante peut-elle perdre son dynamisme ?
Je vous donne un exemple pratique. Nous fréquentons, comme retraités, une vieille communauté dont l'histoire remonte à la Réforme zwinglienne. Nous avons invité une de nos connaissances chrétiennes, avec un petit gamin, à rejoindre notre communauté. On habite dans la même ville, presque dans le même quartier. Elle est venue une ou deux fois et puis elle a rejoint une nouvelle communauté post-évangélique, à quelques encablures, qui elle justement avait un groupe conséquent d'enfants, puisque notre communauté en manque drastiquement. La moyenne d'âge de la nôtre, avoisine plutôt les 60 ans. La réponse à ma question est donc simple : il y a une tranche d'âge, jeunes couples avec enfants, qui fait défaut et on ne s'en est même pas alarmé, alors qu'on aurait dû s'en préoccuper très rapidement. L'habitude a servi de fil conducteur, mais aussi le fait que notre communauté est de la classe moyenne et qu'elle a suffisamment de ressources financières pour se maintenir.
Le point de bascule
Dans un de mes précédents posts, je parle de ce phénomène appliqué dans le marketing des entreprises.
Une communauté peut ressembler à cette personne qui grimpe sur une bascule. Il arrive le moment fatidique où la situation bascule et il est très difficile de revenir en arrière. Lorsque le noyau moteur d'une communauté, représenté par les couples avec enfants, se rétrécit à vue d'œil, vous êtes en train de basculer vers la descente et de disparaître. Les églises sont légions à avoir quitté les plateaux de la vie.
Que faut-il faire ?
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Faites un sondage organisé, sur plusieurs cultes, pour définir quelle est la moyenne d'âge de la fréquentation de vos cultes, de vos autres activités (études bibliques, réunions de prières, etc...).
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Si vous constatez une lacune dans la tranche d'âge des couples avec enfants, mettez le paquet pour offrir des activités, rien que pour eux. Faites, tous les dimanches un culte parents-enfants, spécialement adapté dans ce contexte. Invitez des couples pas-encore-chrétiens. Il y a bien des parents qui aimeraient encore donner un "vernis" chrétien à leurs enfants. Déconseillez aux retraités d'y participer et faites un culte spécialement pour eux en leur expliquant que le poids socio-culturel d'un groupe de personnes peut plomber une ambiance et une manière de comprendre l'évangile. Les problèmes des parents avec enfants ne sont pas les mêmes que ceux des retraités. Ce qui ne veut pas dire que des grands-parents ne peuvent pas venir avec leurs petits-enfants. Je sais que je suis en train de couler cette sacro-sainte conviction qu'un culte est forcément fait pour que tous les âges soient ensemble. Mais là, on est dans une situation de sauvetage d'une communauté. Par la suite, lorsque celle-ci aura pris un peu d'embonpoint jeune, on pourra à nouveau l'ouvrir à tous les âges.