L'habitude, le plus grand obstacle à l'innovation
On a pris l'habitude de se promener avec son portable à la main. Un peu comme la sucette, la lolette du bébé. Il rassure ! Il est jouissif pour mettre du baume dans la vie de merde (VDM) de nos existences. Loin de moi de critiquer les réseaux sociaux, mais juste de rendre attentif à l'habitude. L'habitude est une création de Dieu. On peut l'utiliser en bien comme en mal. Et qu'en est-il de nos habitudes théologiques, liturgiques?
Le côté positif de l'habitude en spiritualité
Toute activité spirituelle est liée à des habitudes. C'est comme un filet à provisions. On ne peut pas s'en passer. Le plus difficile avec l'habitude, c'est de la créer et de la maintenir. On peut la promouvoir sous la contrainte, par le « teasing » en attirant le participant, avec un culte « spectacle » ou en utilisant bien d'autres stratagèmes.
La Ligue pour la lecture de la Bible a créé une habitude de lecture et de méditation magnifique depuis 1867, année de sa fondation à Londres. J'y ai exercé, en Suisse et au Pérou, mon ministère pendant une douzaine d'années pour les moins de quinze ans. Des centaines de milliers de croyants ont bénéficié de cette organisation internationale touchant 140 pays. Le problème, c'est que la France arrive en dernière position dans un sondage européen sur l'habitude d'ouvrir un livre: deux minutes par jour. L'habitude se casse la gueule toute seule, on lit de moins en mois, donc encore moins la Bible.
L'habitude fonctionne comme les rails du train
C'est-à-dire qu'elle est aussi liée au « matériel roulant ». Depuis la Renaissance et les réformes protestantes on a gardé les mêmes gares et les mêmes lignes. Bien sûr, on a amélioré les « trains spirituels ». Les bancs sont remplacés par des chaises. Dans certaines communautés, on a même adjoint des canapés. Le voyageur, pardon, le chrétien, peut regarder pendant le culte des clips vidéo. On lui sert même un apéro à la fin du voyage. Le top quoi! Et voilà que se pointent des innovateurs qui veulent tout chambouler. On fait circuler des trains panoramiques, à étages, avec un étage dédié à la nouvelle culture numérique (une de nos propositions) et l'autre le compartiment classique avec les chants du 19ème siècle. C'est le même train, à la même heure, mais avec des habitudes liturgiques différentes.
L'innovation devrait toujours aller plus loin, mais elle est freinée par les habitudes socio-culturelles
Le problème que nous rencontrons, c'est qu'une grande partie de nos concitoyens ne voyagent plus, culturellement parlant, dans le « système ferroviaire »: un point de départ et une arrivée bien définie. La majorité des gens ne savent pas d'où ils viennent, donc leur « gare » de départ, ni où ils veulent aller. Pourquoi prendre l'habitude de s'embarquer sur la ligne église ? Autant faire du jogging le dimanche matin !
L'exemple du Christ
Nous devons inverser nos habitudes pour rencontrer les européens: aller chez eux et avec eux. Ne plus vouloir les faire monter dans nos « trains » et nos habitudes qui ne concordent plus avec les leurs. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut embarquer tout le monde à vadrouiller spirituellement hors « lignes ». Le « joggeur » a ses propres habitudes. Il faut apprendre à courir avec lui. Pourquoi pas, avec quelques chrétiens, lancer une mini communauté de joggeurs, visant surtout des pas-encore-chrétiens, où on leur propose de méditer, en courant, un seul verset biblique et de partager les impressions recueillies à la fin, pendant un court moment. Inutile de dire que vous ne pouvez pas courir avec une guitare sur le dos, donc exit l'habitude de chanter pendant ce genre d'activité. Mais est-ce nécessaire ? Jésus, non plus, n'a pas fait chanter des psaumes pendant la multiplication des pains. Il est clair que ce genre d'activité n'est pas destiné à remplir les chaises de la communauté classique, le dimanche matin. Il faudra développer une nouvelle habitude liturgique très différente.
Autre exemple
Les gens font souvent leurs courses le dimanche matin. Pourquoi ne pas louer une arcade dans un centre commercial pour offrir une « mini-habitude » liturgique ? Ce sera important de ne pas copier l'habitude liturgique classique. Les passants n'ont que quelques minutes à accorder à ce genre d'activité. Comment créer une habitude liturgique condensée sur cinq minutes, par exemple ? Dieu est créateur et nous sommes créés à son image ! Comment transformer ce premier contact en une « habitude » plus conséquente ? Nous proposons de les inviter dans un repas Fraterpoly. C'est comme la structure d'une fusée qui fonctionne par étages.
L'habitude est de plus en plus un obstacle
On continue sur notre lancée, surtout lorsque la communauté est composée d'une bonne proportion de personnes de la classe moyenne qui soutiennent financièrement l'église. Certes, avec le vieillissement de nos membres, l'avenir s'assombrit, mais comme on est sur la lancée de l'habitude, on ne prend pas ou peu la chose au sérieux. Il suffit de n'être pas trop monotone dans ses prestations liturgiques et on espère pouvoir tenir encore longtemps, même si les enfants et les jeunes couples se font rares. Combien d'entreprises ont capoté, presque du jour au lendemain, comme Nokia le leader mondial du téléphone, lorsque son concurrent Apple, avec Steve Jobs, est apparu sur la scène mondiale ? L'entreprise a dû se vendre à d'autres. L'habitude peut faire tenir une communauté pendant des décennies, surtout si le contexte socioculturel la favorise. Lorsqu'il était acquis, dans les pays protestants et catholiques, que le dimanche était un jour chômé et en principe dédié à une activité religieuse, cette habitude rejoignait celle des communautés religieuses. Dans un village protestant ou catholique, ça ne faisait pas bon genre de ne jamais aller au culte. On était culpabilisé, si au moins de temps en temps, on n'allait pas à un culte. Puis, les gens se sont rendus compte que leur abscence ne les pénalisait pas outre mesure. D'autre part, avec les réseaux sociaux, on est souvent mieux servi en louange, en enseignement que dans sa propre communauté. Donc, l'habitude s'étiole comme le fait de ne plus vraiment lire fait souffrir une association comme la Ligue.