La fixité fonctionnelle un handicap majeur pour l'innovation dans l'église
La fixité fonctionnelle, c'est la difficulté d'envisager, pour un objet ou une activité, une autre manière d'utilisation que celle attribuée à l'origine de sa création. Par exemple, mon épouse, ma dessinatrice préférée, sous la signature de Ma', utilise des cotons tiges, en dessin, normalement conçus pour nettoyer les oreilles. Un des plus célèbres exemples de fixité fonctionnelle, reste celui du naufrage du Titanic. Il n'y a eu que 705 survivants sur 2200 passagers, surtout par manque de canots de sauvetage suffisants. Alors que soixante ans plutôt 127 émigrants partis d'Irlande pour le Canada ont également heurté un iceberg. Leur bateau a coulé, mais tous les naufragés ont pu, grâce à une manœuvre astucieuse, s'approcher suffisamment de l'iceberg, avant de couler, pour s'y réfugier et être sauvés. L'innovation en église bute souvent sur cette fixité, comme lorsqu'on n'imagine pas une autre manière de célébrer un culte ou de prêcher que celle qu'on a l'habitude de faire. Je parle ici de chamboulement complet, pas de relookage d'une activité dominicale.
L'origine de cette fixité
Cette question de fixité n'est pas à mettre en relation avec un aspect moral. Une culture, un environnement socio-culturel, une spiritualité a toujours besoin d'une certaine «fixité». Trop de changements, trop d'innovations peuvent faire chavirer le «bateau» église. Là où le problème se pose, c'est lorsque nous sommes, comme pour le Titanic, dans un environnement instable à long terme. Les églises en Europe se rétrécissent à vue d'œil. Nous arrivons en bout de course. Selon un reportage d'Arte-L'Hebdo (à voir jusqu'au début septembre 2023) à l'occasion des JMJ de Lisbonne, dans 12 pays européens les 18 - 30 ans, sans confession, sont majoritaires. Va-t-on se contenter de nos «canots / canaux de sauvetage» qui prennent l'eau, au lieu d'innover une nouvelle manière de faire église pour ces 18-30 ans? Au contraire, j'ai l'impression qu'on serre davantage les écrous et on s'arque boute sur d'anciennes manières de faire et de penser. Certaines communautés construisent de nouvelles salles de cultes à grand frais, sans se demander, si la salle de culte traditionnelle correspond encore aux attentes des personnes extérieures à l'église. Souvent c'est juste pour renforcer le confort de la communauté existante. C'est le résultat d'une fixité fonctionnelle. Cette fixité fonctionnelle se retrouve aussi dans les entreprises. Ce n'est pas une spécificité chrétienne, elle colle à chaque être humain et à chaque groupement de personnes qui sont appelées à travailler ensemble. Dans l'entreprise, où j'ai travaillé pendant deux décennies, à mes idées d'innovation, l'on me répondait toujours que ça en marchera jamais. Peut-être, mais pourquoi ne pas essayer!
Quelques conseils pour sortir de cette fixité
Commencez par regarder l'activité spirituelle non à partir de sa définition faite par le passé et qui a porté des fruits, mais à partir de la réalité du moment. Pour le Titanic, «sauvetage» était forcément lié aux canots de sauvetage, même s'il n'y en avait pas pour tout le monde. L'équipage du paquebot, dans la panique, ne s'est pas rendu compte que les soutes contenaient des centaines de malles qui flottent très bien sur l'eau et qui auraient pu servir en attendant l'arrivée des secours. On est bien d'accord, il est clair qu'avec des si, on mettrait Paris dans une bouteille. Ce n'est pas aussi simple. Ce qui montre aussi que l'équipage n'a pas été préparé à l'éventualité d'un naufrage. En église, nous avons besoin de préparer nos «équipages» à voir la réalité aussi d'une autre manière.
Une de nos fixités majeures aujourd'hui, c'est le culte du dimanche matin. On n'imagine pas qu'un culte puisse être différent dans sa périodicité, sa forme, son contenu, sa longueur, etc... On est convaincu qu'une personne qui se convertit doit forcément participer au culte du dimanche matin, ou à la rigueur le dimanche soir. On est prêt à relooker la manière de faire, de chanter, de prêcher, mais en aucun cas de laisser tomber cette activité cultuelle du dimanche matin, je précise pour les nouveaux croyants et peut-être aussi pour ceux ou celles qui ne se sentent plus en adéquation avec la culture de leur communauté. Il y a d'autres manières d'apprendre la communauté pour des personnes absolument hors d'un circuit chrétien. Un repas en semaine où l'on mange ensemble ne pourrait-il pas servir de support pour une activité en l'honneur de Dieu? La Bible comporte bien des repas qui ont contribué à la spiritualité communautaire. Ce serait important pour des personnes dont le conjoint n'adhère pas au christianisme et préfère faire du sport en famille le dimanche matin.
Faut-il absolument célébrer un culte le dimanche matin à 10h? À Lima (Pérou) ou j'ai travaillé pendant plusieurs années, une communauté chrétienne organisait, le dimanche, un culte aux aurores, spécialement pour les marchands et leurs employés qui allaient travailler sur les marchés, leur principale source de revenus et de subsistance. Ils ont quitté à leur manière la fixité fonctionnelle d'un culte type d'une communauté évangélique.
Dans vos projets, quels qu'il soient, donner le «lead» à des créatifs, à des expérimentateurs qui n'ont pas froid aux yeux et vous, n'ayez pas peur de leurs «extravagances» que vous avez probablement estampillées «extravagant» à partir de votre fixité fonctionnelle.
Passez au crible toutes vos activités avec ce filtre de fixité fonctionnelle, si vous voulez évangéliser l'Europe: catéchisme, études bibliques, vie de prière, évangélisation, théologie du salut.