Le prédicateur, homme ou femme, vont-ils être remplacés par l'intelligence artificiel (IA)?
Ce n'est absolument pas une blague ou une provocation de mauvais goût. Nous avons testé cette possibilité en envoyant un prompt à GPT4 sur le thème du «Bon Berger» selon l'Évangile. La formulation du prompt était hyper simple: Prépare une prédication d'église sur le thème du «bon berger». Le temps pour donner cette prédication est entre 5 à 8 mn. La réponse ou le résultat, donné très, très rapidement a été bluffant. Voyez le texte reçu ci-dessous. Nous n'y avons fait aucune retouche. Il peut être lu en chaire sans problème. Il est théologiquement parfait, comme si c'était un théologien évangélique qui l'avait rédigé.
Quelle première conclusion peut-on en tirer?
Une «machine» peut recracher une composition parfaite d'un contenu élaboré précédemment sous forme de textes, mais aussi sous forme imagée. Car l'IA ne fait que compiler ou interconnecter ce qui a été écrit auparavant. Il n'y a pas besoin du Saint-Esprit pour répéter ce que d'autres ont écrit. La robotique ne fait que copier ce que Dieu a créé et à le réinterpréter. C'est là que le pasteur, homme ou femme, se fait piéger, par sa propre culture, celle de l'écrit et des livres. Il faut juste avoir l'intelligence nécessaire, comme celle de l'IA, pour répéter ce qu'un autre a écrit. Ce qui fait que le pasteur classique, à qui on a appris à être un bon «instituteur» spirituel, qui a comme modèle l'école, ne peut que recracher un savoir «préfabriqué», «préconditionné». Nos facultés de théologie ne nous apprennent souvent qu'à puiser correctement dans un patrimoine théologique, surtout sous forme de textes. Il faut juste un peu plus d'intelligence pour sortir des réflexions originales.
Y aurait-il donc danger que le pasteur ou le prêtre soient remplacés par un robot?
Le danger existe bel et bien, puisque dans la production d'un contenu écrit, mais aussi dans le domaine des images, la possibilité existe déjà. Le principe de la production de littérature chrétienne a bien remplacé l'influence du pasteur en chaire! L'IA est simplement plus sophistiquée que la page imprimée. À quand un étudiant en théologie, pour sa thèse final, ne va-t-il pas recourir à l'IA? Dans le domaine de l'école républicaine, les profs sont déjà confrontés à cette problématique. Ce qui veut aussi dire que le diplôme universitaire de nos élites se dévalorise, puisqu'une machine peut en faire autant. Il y a beau dire qu'un robot ne sera jamais aussi performant qu'un prof. C'est le même processus dans le domaine de l'économie. Une entreprise comme Amazon peut robotiser tout le circuit achat vente, de la commande à la livraison, sans l'intervention d'un informaticien, sauf pour la création du système robotique, mais là aussi une intelligence artificielle pourra remplacer l'informaticien.
Une vision d'avenir utopique?
On utilise bien dans l'enseignement en église des clips vidéos filmant des pasteurs, homme ou femme. Comme on utilise un bouquin dans le cadre d'un cours, comme les cours Alpha. Il sera très facile, comme pour le texte du Bon berger présenté plus haut, de faire monter un clip vidéo en IA qui reproduit exactement les gestes, les mimiques, la voix d'une vraie personne. Désolé, cher pasteur, tu passeras des années à apprendre à faire ce qu'un robot pourrait très bien faire à ta place...et le fera! À la place de ta prédication dominicale, on regardera un clip d'une personne, bien plus attractive que toi, à moins que tu sois un «standupper» avec un charme supérieur que celui ou celle du clip. C'est là que tu te rendras compte de l'obsolescence de ta formation pastorale.
Y a-t-il une alternative?
Bien sûr, toute révolution socio-culturelle, comme celle de la Renaissance, a aussi produit des réponses intéressantes du point de vue de la spiritualité, à condition de changer de braquet. Dieu ne laisse pas le monde sans témoignages et c'est le dernier qui se laissera impressionner par l'IA, comme par le passé avec les livres. On assistera au même phénomène qu'après le 16ème siècle, avec les Réformateurs. En Europe, le catholicisme s'est fait brouter la laine sur le dos par les diverses réformes. Aujourd'hui l'évangélisme socio-culturel et spirituel classique se fera marginaliser par les nouveaux courants qui mettent l'accent sur l'émotion, le travail avec le Saint-Esprit et la mise en pratique au niveau communautaire d'une spiritualité pratique, compassionnel.
Quelles pourraient être les réponses?
Si le pasteur classique table sur le savoir, surtout intellectuel et scolaire, qu'il a acquis en académie, il sera de plus en plus malheureux, car il aura de moins en moins d'audience. Il faudra qu'il utilise d'autres leviers pour influencer ses compatriotes et surtout qu'il apprenne à s'en servir. Il n'aura pas besoin du numérique.
En premier, celui de la mise en pratique de la spiritualité et du modèle personnel et familial. Nos concitoyens voudront voir, avant de «lire» ou de comprendre. Ce qui pose un autre problème. Si le pasteur reste dans son «bureau», les gens ne pourront pas le «voir». Jésus n'a pas résidé dans une synagogue, mais il a navigué parmi les gens.
En deuxième, le seul «levier» pour contrebalancer l'IA, c'est le recours au Saint Esprit. Celui qui inspire, qui donne des rêves, des prophéties, des images, des visions. Celui qui permet de donner des indications pour le futur d'une personne et ce qu'aucune IA ne pourra faire. Le charismatique qu'on aura mis longtemps sur la touche ou simplement ignoré sera le plus utile dans ce monde chamboulé par le numérique. Je ne parle pas du charismatique sociologique, mais juste celui qui utilise les dons du Saint-Esprit de 1 Corinthiens 12. Le pasteur «voyant» aura bien plus d'impact chez les gens, que le pasteur «scolaire». Je donne un exemple concret: une jeune maman faisant partie de nos proches connaissances, était atteinte d'un cancer du sein. Elle nous avait demandé de prier pour elle et j'ai eu l'image d'un champ d'orties en début de croissance. Avec l'interprétation suivante: telle une ortie, la maladie et son traitement médical vont te «piquer» comme une ortie, mais ces piqûres ne te feront pas mourir. Tu guériras et après une année de traitements parfois «piquants», elle a été guérie.
Demandez à GPT4 qu'elles sont tes chances de guérison pour un cancer du sein. Elle te donnera peut-être des statistiques, mais jamais la certitude d'une guérison. C'est la seule manière de lutter contre l'impact de l'IA et ça s'apprend peu ou pas en faculté de théologie.
Des écoles de «prophètes»
Le prophète Élisée avait monté des groupes de prophètes (2 Rois 6:1). Certaines traductions parlent d'école de prophètes. Personnellement, je pense que c'est l'avenir de nos formations pastorales. La théologie enseignée d'une manière «scolaire», n'est plus l'avenir ou disons deviendra de plus en plus marginale et les communautés qui embauchent des pasteurs issus de ces modules de formations seront de moins en moins efficaces. Le «scolaire» devra passer en arrière-plan.
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