Que veut dire se convertir ou aller convertir nos concitoyens aujourd'hui?
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Avant de répondre à la question, nous faisons un peu l'historique de la manière dont les évangéliques s'y prenaient pour évangéliser et surtout d'où ils tiraient leurs convertis. Nous devons absolument repenser la manière d'appeler nos concitoyens européens à suivre le Christ et avec quel message.
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L'église-maison-qui-flotte-sur-l'eau
Elle a souvent été symbolisée par un bateau. Nous choisissons la maison. Elle flotte sur l'eau socio-culturelle et politique du monde. En réalité, tout en étant dans le monde, elle n'est pas de ce monde. La maison de gauche représente celle des réformés et de tous les courants issus des Réformes, non catholiques, lors de la Renaissance. Les courants évangéliques, de droite à l'image (ce n'est pas une allusion politique ou culturelle), se sont extraits, à partir du 19ᵉ siècle, de la Maison calviniste, luthérienne, anglicane, etc... . Ils ont fait dissidence, tout en gardant comme socle de base la Bible et le Credo. Ils ont même reconstruit une maison presque à l'identique pour son fondement et sa manière d'y vivre du point de vue ecclésiastique. En se délestant de certains rituels tout en rajoutant d'autres. La Bible chez les évangéliques était prise comme un texte qui allait plutôt se manifester dans leurs «entrailles»: par l'émotion, par une foi plus concrète, personnelle, par l'hymnologie qui puisait pour la mélodie dans les fredaines de bistrots. Alors que les réformés ont peaufiné de plus en plus leur approche intello, rationnelle, analytique. C'est une tendance universelle que de commencer une rénovation par de profonds changements et que, finalement, on les approfondit à l'extrême pour, par exemple, arriver chez certains théologiens protestants à mettre la divinité du Christ en doute. Les évangéliques suivent le même chemin pour s'enfoncer souvent dans un conservatisme exaspérant. Symboliquement, le protestant accroche sa Bible aux cimaises de son édifice, mais il avait de la peine à descendre de son piédestal académique. Pour comprendre la foi, il fallait surtout l'étudier, alors que les évangéliques proposaient de la vivre dans leurs tripes.
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La conversion
Les évangéliques ont construit des ponts pour chercher chez le voisin la brebis perdue selon leur théologie et leur expérience spirituelle. Ils pouvaient utiliser le même vocabulaire que tout le monde comprenait, y compris chez le voisin catholique (voir l'image suivante). La théologie de l'évangélique ne se démarquait pas des fondements du christianisme et de la théologie du salut. Ils préconisaient juste une autre manière de l'appliquer et de la vivre personnellement et en communauté. Le Christ mort sur la croix, ressuscité et qui reviendra restera le dogme de base.Le monde d'alors était largement «formaté» culturellement par le christianisme. Par «pont», nous entendons surtout des espaces d'évangélisation et pas tellement un lieu pour faciliter les relations avec son voisin. C'est arrivé plus tard avec l'œcuménisme. Faire de l'évangélisation chez les voisins était plutôt aisé. Les réformés et les catholiques ont préparé le terrain en catéchisant les populations qui se trouvaient sous leur responsabilité aussi du point de vue géographique.
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Ces ponts, surtout en France où les protestants n'étaient de loin pas majoritaires, se sont aussi établis avec les catholiques. On pourrait même dire que la majorité des gens en France, avant l'implantation de religions différentes comme l'islam, était «vocabularisé» chrétien. Même les rites fondamentaux comme le baptême, la confession des péchés, la manière de prier, la prise de l'hostie avaient certes une interprétation différente, mais la connotation basique pouvait se comprendre.
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La culture numérique et l'intelligence artificielle marginalisent en Europe le judéo-christianisme
C'est un coup de boutoir donné dans la culture de l'écrit et de la lecture et, pour moi, c'est la première cause du déclin du judéo-christianisme. Comme la Renaissance et l'invention du levier technologique de l'imprimerie ont grandement favorisé l'éclosion des protestantismes. De quoi perdre son latin! Justement, les codes de fonctionnement et le vocabulaire de la culture numérique ont totalement changé. On parle de surfer, de scroller, alors que dans les églises du passé on lit et on étudie. Pour évangéliser, on n'utilise plus de pont, mais on rejoint son interlocuteur, son voisin en naviguant. Encore un terme phare du numérique. Le pasteur devient un capitaine de bateau. Il ne sera plus ni maître d'école, ni maître-dans-sa-maison, mais il saura surfer.
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Que veut dire se convertir ou aller convertir les gens selon le vocabulaire utilisé par les évangéliques?
O En premier, ce n'est pas faire venir nos contemporains dans la maison «paternelle» ou «maternelle». La maison «évangélique» ressemble à un foyer traditionnel, comme celle d'un jeune homme qui s'allie avec une femme qui vient d'une autre culture, d'une autre ethnie et qui n'a jamais mis les pieds dans sa nouvelle culture. Elle ne connaît même pas la «langue» et le vocabulaire de celle-ci. C'est un brin caricatural, puisque le monde devient de plus en plus global et la jeune femme est née avec un smartphone dans ses langes.
O Jésus nous recommande d'«aller» vers le monde et non de faire venir celui-ci dans nos «maisons» respectives. Toute la Bible est imprégnée par cette immense vision d'aller. Abraham a dû sortir de son pays «maternel» pour aller dans une contrée inconnue. Le peuple d'Israël a dû sortir d'Egypte pour aller dans un pays promis. L'apôtre Paul a dû sortir de son carcan théologique pharisien pour s'ouvrir à une nouvelle spiritualité. Pierre l'apôtre a dû quitter la théologie de sa communauté chrétienne judaïsante pour rejoindre celle qui se forgeait à Antioche (Actes 10).
O Ce qui se passe en réalité, c'est que nos communautés, pour se développer, louent des étages entiers dans le nouvel immeuble numérique pour y installer des espaces virtuels qu'elles peuvent piloter et alimenter à partir de leur petite maison «maternelle». Il suffit d'un smartphone, d'une connexion internet et c'est parti! On aménage des studios, on embauche des spécialistes du net, des informaticiens, des mediamaticiens et ça coûte des fortunes. Pour créer quoi? Des communautés virtuelles?
O Désolé de vous décevoir, la spiritualité chrétienne est totalement liée au corps physique, à celui qu'on voit, qu'on peut toucher. Jésus a dû s'incarner et mourir dans un corps physique. Le virtuel, en spiritualité, est un emplâtre sur une jambe de bois. Pour paraphraser, je dirais un emplâtre sur une jambe de foi! Si le diable arrive à séparer la réalité qu'on peut toucher, vivre dans un corps, tout en croyant au Dieu invisible, il aura sérieusement entamé l'essence de la foi chrétienne. C'est le drame qui s'est déjà installé avec l'imprimerie qui a permis de vivre la foi par l'intermédiaire d'un texte. On se croit spirituel parce qu'on connaît notre Bible, parce qu'on adhère intellectuellement parlant à un corpus matérialisé par des écrits. Alors que le Christ nous demande de vivre la spiritualité dans notre tête, mais aussi dans nos tripes et avec notre corps physique devant nos concitoyens (geste de conciliation, d'aide, de réconfort, prendre dans les bras, montrer la direction par son comportement, etc..)
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Que faudrait-il entreprendre?
O Mettre le virtuel, non en sourdine, mais en arrière-plan. Le virtuel nous apprend à comprendre les codes dont les gens se servent. Leur manière de communiquer.
À la Renaissance, il aurait fallu ne pas interdire d'écrire et de lire, mais mettre en avant la notion de parole, celle qui sort de notre bouche. Le témoignage le plus efficace, c'est lorsqu'on peut allier directement ce qu'on dit à ce qu'on fait. Le diable a beaucoup intérêt à dissocier ces deux vecteurs de transmission, car il est le plus efficace à long terme.
O Dans cet immeuble numérique, il y a des gens qui y habitent, qui travaillent, qui s'engueulent, qui s'aiment, qui vendent, qui achètent. Nous devons nous y installer, pas en grande surface, mais par petits groupes de vie et de témoignages. Ce que nous appelons des communautés de palier.