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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Quand le développement de Nespresso pourrait servir d'exemple pour l'église

23 Janvier 2023, 09:00am

Publié par Henri Bacher

On a tellement été biberonné par le slogan des réformateurs du 16ème siècle qui prônaient le «Sola scriptura» (l’Écriture seule) qu'on a tout concentré dans l'étude de la Bible: la théologie du salut, mais aussi le développement d'une communauté. Sa structuration socio-culturelle, son développement économique (le fameux vivre par la foi), sa manière d'enseigner celle-ci, l'éthique professionnelle et familiale, etc... Je ne conteste absolument pas cette approche, sauf que ce médicament qu'on a appliqué pour remédier à des carences, des maladies spirituelles, on continue à l'administrer au 21ème siècle, alors que le monde et la manière de penser notre existence a changé. Il faut juste développer un nouveau «médicament», mais qui demande bien plus de complexité que par le passé.

 

Quand le développement de Nespresso pourrait servir d'exemple pour l'église

Why not?
Comment peut-on associer un produit destiné au commerce à un développement spirituel comme celui de l'église? C'est bien ça notre problème de base. La culture de l'écrit et de l'école, nous a appris à séparer, à décortiquer, à singulariser l'existence. Donc, sans problèmes on a étudié en «standalone» la Bible et son contenu, sans le mixer à d'autres réalités, comme la révélation de la Création (Romains 1:20) ou les aspects économiques, socioculturels, politiques, climatiques, etc... Comme on a mis la Bible au-dessus de tout, on a toujours évalué, analysé la réalité à partir du texte, sans avoir l'idée de le juxtaposer à d'autres réalités. La Bible reste la vérification ultime, sans discussion, mais cette vérification n'est pas seulement un système, une grille de lecture. Il y a une différence entre vérification et grille d'interprétation et de lecture.

Toutes les facultés intellectuelles, émotionnelles, aussi économiques ou les techniques commerciales font partie de la Création. Que le diable déstructure, bien aidé en cela par les humains pour détourner la Création ou le commerce, c'est un autre problème. Abraham en négociant le sort de Sodome et Gomorrhe a bien utilisé une technique commerciale de marchandage de son époque. Donc, avec l'exemple du développement des produits Nespresso, nous allons analyser un fonctionnement, que nous croyons universel et que nous croyons aussi porter la marque de «l'engineering» divin.

Le saviez-vous?
Nestlé, la boîte qui a lancé les produits Nespresso a déposé les premiers brevets à l'Institut Battelle en 1974. Nespresso ne deviendra rentable qu'en 1995, soit 21 années après. Ce développement d'un nouveau produit a passé par des négociations internes pour se répartir les budgets dans une entreprise qui distribuait déjà du café, comme le Nescafé et d'autres produits. De plus, le projet ne correspondait pas du tout à l'axe principal de cette multinationale suisse. Elle vendait du café, pas du café lié à une machine. Nespresso ne révolutionnait pas seulement le conditionnement du café, mais aussi la manière de le consommer, la facilité de sa percolation qui ne laisse pas de trace sur la machine. Elle a aussi créé des magasins Nespresso directement géré par Nestlé. En interne, il y a eu des débats houleux entre ceux qui devaient partager les finances du groupe avec des innovateurs dont on ne savait absolument pas si ça allait réussir. Même les études de marché étaient négatives. Selon l'article de Philippe Silberzahn, dont je m'inspire, c'est le PDG de l'époque, qui a tranché en faveur des innovateurs, alors que l'entreprise était florissante et n'avait pas besoin immédiatement de nouveaux développements. Le projet Nespresso était géré par des cadres pur-sucre de Nestlé et le PDG a décidé de recruter un directeur qui venait de l'extérieur et qui n'avait aucune expérience dans le café et l'alimentation. Il a engagé Jean-Paul Gaillard, qui avait lancé la marque de vêtements de Marlboro! Silberzahn termine son article en écrivant «21 ans d'échecs qui aboutissent à l'un des produits actuels les plus profitables de Nestlé. 21 ans pour une simple cafetière».

Que peut-on en tirer comme enseignement pour l'église?
O Je commencerais par la fin de l'article de Silberzahn. Ça paraît si simple de construire une nouvelle cafetière plus fonctionnelle. 21 ans pour arriver à un tel résultat! Le christianisme a mis plusieurs siècles pour diffuser et faire accepter un message aussi simple que l'évangile. Si nous voulons lancer de nouvelles versions du christianisme et de l'église adaptées à la culture numérique, il faudra peut-être plus que quelques décennies et essuyer un certain nombre d'échecs et de déboires.
O Nespresso était une innovation de rupture et non un relookage d'une ancienne manière de consommer du café. Comme du temps des réformateurs, qui eux aussi ont créé une théologie et une pratique spirituelle de rupture.
O Ce ne sont pas les cadres pur-sucre de Nestlé qui ont amorcé le nouveau développement, mais un «étranger» à la culture de l'entreprise. Nos cadres pur-sucre dans l'église sont majoritairement issus de la culture scolaire et de l'écrit. Ce ne sont pas eux qui vont provoquer le changement ou disons plutôt qu'une petite minorité le fera.
O On n'imagine pas les quolibets qu'a dû affronter Gaillard lorsqu'il a été installé à la direction de Nespresso, lui le «tailleur» de vêtements. Il allait tailler un costard sur mesure à Nestlé.
O Nestlé n'a pas attendu la décadence de son business pour innover. En Europe, pour l'église, c'est déjà presque trop tard pour innover. On est déjà arrivé au point de bascule. Innovez au moment où vous êtes encore en pleine forme. La réaction du courant
Gospel Coalition, ce sont comme ces cadres de Nestlé qui ne croyaient absolument pas à la réussite de Nespresso. Ils mettent les pieds contre le mur et redoutent le glissement définitif vers la marginalisation de l'église.
O Le fond du problème, c'est aussi la question du financement. Pour perdre de l'argent pendant 21 ans, il fallait avoir les reins solides. Or, l'église commence à innover lorsqu'elle n'a plus les moyens. D'autant plus, qu'elle finance des institutions de formation de ses cadres qui ne sont plus capables de mettre en route des théologies et des pratiques de rupture.
O Le dernier élément important qui a permis le succès de Nespresso, c'est qu'ils ont sorti l'entreprise de la maison-mère et par la même occasion de l'emprise culturo-commerciale de celle-ci. C'est exactement ce que les églises traditionnelles et classiques devraient faire: lancer de nouveaux types de vivre l'aspect communautaire ainsi que des expérimentations, tout en restant
 sous le même «toit», en tout cas, financier, mais non connectés culturellement à l'ancien tissu.
O Je suppose que Gaillard n'a pas embauché des cadres de Nestlé ou peut-être, certains qui étaient culturellement prêts à entrer dans une nouvelle manière de penser.


Conclusion
Tant qu'on reste dans cette idée qu'on peut faire évoluer nos communautés, on n'ira pas loin. Comme pour Nestlé, Nespresso n'a pas remplacé la maison-mère, mais cette nouvelle entreprise (sous le même «toit») a fortement enrichi Nestlé. Comme les Réformateurs n'ont pas remplacé l'église catholique, tout en enrichissant le christianisme. Il faut garder en tête l'idée d'innovation de rupture.

 

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