Comment les réseaux sociaux vont transformer le culte
Comme le levier technologique de l'imprimerie a fortement influencé la spiritualité post-Moyen-Âge, ainsi en est-il des réseaux sociaux. Le problème pour l'église, c'est qu'elle considère que le livre et maintenant les réseaux ne sont que des supports. L'écrit et le livre ont surtout servi a booster l'enseignement de la foi, basé sur des textes. Les réseaux, liés à internet, boostent la socialisation, mais en arrière-plan, il y a surtout la présence du marchand. Peut-on vivre la spiritualité, le dimanche matin, dans le sens de la Réforme du 16ème siècle, en faisant abstraction de la mentalité des réseaux sociaux? That's the question!
Métaverse?
Le problème principal pour nos églises, c'est que les outils culturels ont changé et ces outils ne sont pas interchangeables pour obtenir le même résultat, celui d'une relation de confiance avec Dieu. Dans la mentalité de nos responsables de communautés, on change simplement de support culturel pour transmettre le même message de l'évangile. Il faut juste mettre un peu plus d'images et de clips vidéos. Il faut adapter le message, mais on reste dans la même ligne de transmission que par le passé.
Il est intéressant de voir comment le Christ a fonctionné dans sa culture judaïque, en pleine évolution, sous l'influence de l'invasion romaine. On pourrait comparer cette invasion à celle que nous vivons aujourd'hui avec les réseaux sociaux. Mark Zuckerberg et d'autres marchands du net commencent à parler de métaverse qui va être la seconde révolution numérique, après celle boostée au CERN, du côté de Genève, par Tim Berners-Lee, avec l'invention du langage HTML. Les réseaux sociaux sont des instruments de socialisation non pour rendre les gens meilleurs, plus intelligents, même s'il y a beaucoup «d'intelligence» non scripturaire, mais pour les transformer en consommateurs assidus, en clients. Contrairement à l'invention de l'imprimerie qui a favorisé la transmission de la connaissance, du savoir, les nouveaux marchands étendent leurs réseaux pour se faire du «blé» avant tout. Ce qui se passe, c'est que les marchands du métaverse, éliminent peu à peu le commerce local, au même titre que les multinationales ou organisations nationales de la foi chrétienne, basées sur des réseaux numériques ne servent pas vraiment l'église locale, mais elles se servent du potentiel de ces communautés pour booster leur audience et la captation de ressources financières. Je ne veux pas démolir ces grandes œuvres chrétiennes, j'y participe et je les alimentent par mes clips et articles, mais en même temps je suis conscient qu'il faudrait aussi développer une certaine autocritique.
Pour revenir au Christ, il a certes lancé ses adeptes sur la «toile» romaine, comme il nous demande de nous lancer sur la toile internet, mais il souhaitait que les envoyés deviennent des modèles de vie, des disciples, pas des lecteurs de Bible ou des élèves d'une yeshiva chrétienne, mais des transformateurs de société. Les premiers apôtres, comme Paul, ont utilisé les réseaux de routes romaines y compris les routes commerciales. Ils sont entrés de plein pied dans la structuration sociale et politique de leur époque pour faire des disciples, comme le Christ nous demande d'entrer dans la mentalité «métavers».
Comment entrer dans la mentalité «métavers»?
De prime abord nous sommes, de plus en plus, formatés mentalement, émotionnellement, économiquement par les réseaux sociaux. Ces réseaux ne sont plus prioritairement des supports de messages, comme l'étaient le livre, les librairies et les écoles. On y cherche des relations sociales, pas l'acquisition en premier, de connaissances, des interprétations de la réalité qui nous entoure avec les philosophes et les théologiens. La communauté chrétienne devrait changer de braquet. D'«école» spirituelle ou de transmetteur de messages par la prédication et les études bibliques, elle devrait miser sur les relations sociales à développer en son sein comme internet. Le culte du dimanche matin pourrait devenir une rencontre de «speed dating» avec Dieu. C'est un peu ou même très caricatural, mais j'insiste sur la notion du lien social pour transmettre la foi et l'expérience de la foi. Ça s'est toujours fait dans la communauté chrétienne, mais ce qui change, c'est que la socialisation, la création de relations sociales devrait devenir prioritaire, avant le désir d'enseigner et de créer une communauté par l'enseignement.
Comment organiser les cultes du dimanche matin pour les transformer en plateforme sociale pour faciliter la rencontre avec Dieu et avec les membres de la communauté? Je donne un exemple très simple avec ma proposition d'animation pour l'Avent. L'idée de base, c'est de créer du lien social dans la communauté qui soit aussi un support pour transmettre l'évangile et se faire mutuellement du bien.
L'exemple du Christ
C'est bien lui, le «réseauteur» par excellence et si on prend sa rencontre avec la samaritaine (Jean 4), il nous donne un canevas de structuration:
O Dans un premier temps, il engage la relation sur un besoin tout à fait physique. Il a soif. Ce besoin pourrait aussi être émotionnel, simplement celui de causer, de partager son souci or le dimanche matin nous engageons la conversation autour du «puits liturgique» avec cette notion que le pasteur devrait savoir à l'avance ce que son interlocuteur a besoin. Il sait, parce qu'on le lui a enseigné à l'académie théologique, mais il ne demande jamais, sur le moment, ce dont le chrétien a besoin. Ça ne lui viendrait pas à l'idée de faire une enquête de marché, dans le style du marketing. Comme l'instituteur de l'école qui ne demande jamais à ses élèves ce dont ils auraient envie de discuter ou de parler, encore que c'est aussi une réalité qui a évolué. Il a un programme à respecter, comme le pasteur qui a décidé de traiter, dans ses prédications, par exemple une lettre de l'apôtre Paul. Je sais que mon constat pose de sacrés problèmes d'organisation, mais ici je voudrais surtout parler de mentalité à promouvoir. Le Christ n'a jamais organisé des rencontres selon un programme prédéfini. Les réseaux sociaux nous ont appris à scroller, butiner, à sauter d'une proposition à une autre. C'est vrai que ce genre de récupération d'informations nous est bien étrangère, mais gardons-nous de juger trop vite ces «scrolleurs». Ils sont aussi capables de gérer les contradictions, les imprévus, les distorsions, les assemblages et collages pittoresques et incongrus pour en faire quelque chose de compréhensible pour eux.
O Dans un deuxième temps, s'engage une discussion d'ordre culturel: «Mais, tu es Juif! Comment oses-tu donc me demander à boire, à moi, une Samaritaine?». Pour l'instant, on n'est pas encore dans la théologie.
O La théologie et les vraies questions existentielles, viennent à la fin de la rencontre.
Comment traduire cette approche inspirée des réseaux sociaux dans les activités de la communauté chrétienne?Pour toute activité, il faut créer, au début, des espaces de socialisation «autour du puits». Un simple lieu de rencontre physique. Le «physique» des réseaux sociaux, c'est le numérique et c'est là qu'on discerne rapidement la fragilité de ces réseaux pour vivre et transmettre la foi. Le numérique zappe complètement la notion d'incarnation. La spiritualité, pour être performante, doit faire se toucher des corps physiques. On doit voir la foi dans les yeux de son interlocuteur, dans ses mains, dans sa manière d'écouter, de compatir. Mais ce problème d'incarnation, n'est pas nouveau. Avant les réseaux sociaux, le livre a souvent pris ce rôle d'intermédiaire entre Dieu et les hommes. On lit avec beaucoup de plaisir des théologiens qu'on n'a jamais rencontré et peut-être qu'en les fréquentant journellement, on se détournerait très rapidement de leur théologie. C'est un peu comme ces peintres dont on admire les chefs-d'œuvre, mais avec lesquels on ne voudrait pas passer une seule journée, au vu de ce qu'on en sait par leurs proches. Conclusion: la vraie socialisation, porteuse de fruits pour l'éternité, se vit dans un espace physique. Autant dire que les rencontres physiques de personnes entre elles sont primordiales et que ça reste la base de l'église. Ce qui ne veut pas dire qu'il faut boycotter ces réseaux. Au contraire, ces réseaux nous façonnent comme l'école nous a façonné et pour faire communauté «physique» nous devons absolument prendre en compte ce «formatage» social et culturel.
Ce que les gens recherchent sur les réseaux sociaux doit aussi se retrouver en priorité à l'église
O Ils cherchent la diversité. Si vous reproduisez dimanche après dimanche la même litanie liturgique, vous n'allez pas satisfaire le monde issu des réseaux sociaux. N'hésitez donc pas à inventer des rassemblements cultuels qui soient, au moins de temps en temps très innovateurs. Un culte uniquement axé sur la musique et la Sainte Cène, un autre destiné aux familles avec enfants, un autre avec un message basé sur une vidéo et aussi un bon culte classique à l'ancienne. Pourquoi pas une activité liturgique et spirituelle qui fait la part belle au silence.
Annoncez à l'avance le type de culte que vous allez développer. Il n'est pas nécessaire d'être tous les dimanches au culte, surtout qu'on peut se nourrir spirituellement parlant sur le net et puis on peut aussi organiser des activités parallèles pour les personnes qui souhaitent autre chose.
O Ils cherchent la participation. Le plus courant, ce sont les commentaires. Pourquoi pas, à la fin du culte, permettre que les gens échangent leurs impressions, avec un café ou un verre de vin à la main. Surtout si vous avez permis avant le culte un moment de socialisation avec les copains où on se partage les dernières nouvelles, où on s'enquiert de la santé du petit dernier, etc... Bien sûr, souvent on organise une participation fonctionnelle: apporter le bouquet de fleurs pour mettre sous la chaire, préparer l'après-culte, ranger les chaises, mais les gens veulent souvent s'exprimer et exprimer en public ce qu'ils vivent ou croient. Pourquoi ne pas organiser des «salons» de témoignages. Dans ce cas, il faudra peut-être juste avoir un moment cultuel très restreint, réduit au stricte minimum: un chant, la lecture d'un texte biblique, un encouragement verbal, la Sainte Cène.
O Ils cherchent à être vu. Les réseaux sociaux boostent beaucoup l'égo des personnes. Le nombre de pasteurs, entre autre, qui montrent leur couple, les endroits (valorisants, bien sûr) où ils passent leurs vacances, où ils habitent, ce qu'ils font. Même certains, montrent ce qu'ils mangent à midi. Ils publient leurs photos. Pourquoi par exemple, ne pas organiser des galeries numériques photographiques sur un thème de culte? Juste pour donner une fenêtre d'expression pour certains.
OOOO Une progression à suivre et à développer en sachant que c'est aussi une source de stress et d'inconfort pour le «maître d'école» qui préfère suivre un programme dont il maîtrise le contenu. Le Christ était le spécialiste de l'imprévu, de l'improvisation, du sur-mesure. Bon n'est pas Christ qui veut! Pourtant un exemple à suivre...
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