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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Comme il y a des cultures d'entreprise, il y a aussi des cultures d'église

4 Novembre 2021, 09:00am

Publié par Henri Bacher

Microsoft, Apple, Facebook, Amazon ne sont pas gérés et développés de la même façon. Chacune de ces entreprises a sa propre culture initiée le plus souvent par ses fondateurs. Une présentation d'un nouveau produit Apple par Tim Cook, s'inspire encore largement du défunt fondateur Steve Jobs, sauf que Cook n'a pas le même charisme que Jobs. Ainsi en est-il souvent des communautés chrétiennes. Je vais vous présenter quelques cultures de communautés qu'on retrouve aujourd'hui sous nos latitudes occidentales. 

Culture et culture
Ici je ne parle pas des cultures dominantes, comme par exemple celle des réseaux sociaux ou celle du livre et de l'école, mais de ces cultures d'église qui sont en fait des «personnalités culturelles», un peu comme le «marseillais», par rapport au «parisien» ou le «genevois» et le «vaudois». Il y a bien sûr la langue et l'accent, mais aussi les us et coutumes communautaires. La culture familiale autour de la Méditerranée est différente de celle du nord de l'Europe. La culture communautaire nord-américaine n'est pas celle de la France ou de la Suisse.

Quelques typologies qui pourraient nous inspirer

O La communauté «clan» 

C'est le leader, le pasteur, qui est au centre, comme la pierre centrale de l'image ci-dessous et qui est soutenu par ses fidèles qu'on pourrait aussi appeler «follovers». C'est une mentalité de type clanique. Ce sont souvent des communautés qui se sont constituées autour d'une bande de copains, acquis à la vision de leur leader. Parfois, ce sont aussi des clans familiaux. Ce sont des groupes très soudés, cohérents dans leurs actions. Souvent les fondateurs transmettent leur communauté à leur fils (moins à leurs filles) et même aux petits-enfants. Les successions pastorales sont toujours très difficiles à assumer. Cette mentalité clanique n'est pas très loin de l'expérience des patriarches de l'ancien Testament et elle correspond bien à la montée de l'oralité électronique.

Comme il y a des cultures d'entreprise, il y a aussi des cultures d'église

O La communauté «temple grec» 

Pour illustrer ce thème, l'image ci-dessous est authentique. Ce n'est pas un montage. C'est l'entrée principale de la cathédrale de Genève (protestante) où Calvin a prêché. La façade avec piliers, date de 1756. C'est donc un rajout postérieur, mais il montre bien le principe protestant de la gouvernance et de pas mal d'églises évangéliques qui s'en s'inspirent. 

Comme il y a des cultures d'entreprise, il y a aussi des cultures d'église

Le toit triangulaire c'est le chapeau de la communauté. Le pasteur réformée et évangélique n'est plus l'intermédiaire entre Dieu et les hommes, mais dans un certain nombre de communautés, lui et son conseil représentent le passage obligé pour les questions d'autorité. Le pasteur, contrairement au prêtre catholique, se barde de diplômes pour acquérir cette place d'autorité. Le prêtre, lui, étudie également, mais il est consacré, pas seulement reconnu officiellement. Ce qui veut dire qu'un laïc ne peut pas le remplacer pour la communion sacramentelle. On lui transfère un rôle spirituel comme intermédiaire entre Dieu et les hommes.

Les colonnes peuvent représenter les colonnes doctrinales, théologiques, ecclésiologiques. C'est une sorte de système de gouvernance spirituelle. Les chrétiens qui entrent dans cette cathédrale, sous la structuration des «colonnes», acceptent cette configuration. Ils sont invités à suivre les parcours «fléchés» de cette spiritualité: pour les réformés, luthériens, être baptisé comme enfant, suivre le catéchisme, confirmer son baptême, aller au culte tous les dimanches, se marier à l'église. Pour les églises évangéliques, le parcours est un peu différent. Pour caricaturer, on pourrait juste avoir deux colonnes: celle de la doctrine, héritée la plupart du temps par les initiateurs du 19ème siècle et la Bible.

Dans ce système le pasteur est formé dans un lieu central appelé faculté de théologie ou institut biblique. Il est aussi formaté, terme que je n'utilise pas pour en parler négativement. Il y a un standard de base d'où la grande possibilité de permuter les pasteurs d'une communauté à une autre. Dans ce cas, les successions pastorales sont plus faciles à gérer, encore qu'aujourd'hui, même ces communautés, ne suivent plus aussi limpidement le gabarit doctrinal et ecclésiologique du passé. 

O Communauté «club de foot» 

C'est l'église «commando». Ils résolvent des problèmes, mais ne produisent pas grand chose sur la longue durée. C'est la communauté qui est très créative pour trouver de nouvelles idées. Ils donnent le maximum, s'investissent comme pour gagner un match de foot. Ils connaissent leur but et ils ont certaines victoires, mais ils ont de la peine à durer, à rester toujours «gagnant». Le pasteur est un entraîneur. Sa doctrine de travail c'est de marquer des buts qui peuvent être d'ordre numérique (le nombre de membres), le rayonnement local ou national. La qualité de l'église est liée aux compétences de l'entraîneur et au choix de ses «joueurs». On mettra en avant les gens doués, talentueux. Ça peut devenir épuisant, ce besoin de toujours «gagner». Le coach peut être rapidement dans le burn-out. Ici la succession pastorale, c'est de trouver un entraîneur qui soit aussi bon que celui qui est parti dans un autre «club» spirituel qui offre un meilleur potentiel.

Comme il y a des cultures d'entreprise, il y a aussi des cultures d'église

O La communauté «compagnie d'opéra»

La prima donna c'est la chanteuse principale dans une compagnie d'opéra, c'est-à-dire la personne à laquelle le rôle principal est attribué. Le pasteur peut justement se positionner en prima donna.

Comme il y a des cultures d'entreprise, il y a aussi des cultures d'église

Je vous l'accorde, cette comparaison est un brin caricaturale, mais on observe aussi que la culture numérique, liée aux images, favorise et surtout revendique cette position de leadership très bien illustrée par un Steve Jobs. Un certain nombre de pasteurs évangéliques qui cartonnent aujourd'hui, ont bien compris ce leadership: créatif, inventif, rassembleur autour d'une idée, dynamique, charismatique (dans le sens de présence, pas forcément en relation avec les dons spirituels de 1 Cor. 12, mais ça peut aider...). Le leader a un ego très développé. Il a besoin d'être aimé, ce qui est le lot de beaucoup d'artistes plasticiens, de comédiens, d'humoristes ou de politiciens. Le pastorat n'est pas à l'abri de ce genre de leadership et beaucoup de croyants sont très friands de suivre ce type de pasteur. Ce sont des stars. Les croyants ressemblent aux groupies et fans d'un chanteur, comme notre Johnny national. Ils pardonnent beaucoup de choses à leur «idole» (à ne pas mettre tout de suite dans le domaine de l'idole biblique) et on a l'impression de faire partie d'une sorte de communauté qui a enfin un leader en vue. Le problème de la succession est encore plus délicat à gérer, car on ne peut pas remplacer une star par une autre.

Quelles conclusions peut-on en tirer?

Si on regarde le développement de l'église depuis ses débuts à Jérusalem et à Antioche, il faut admettre qu'on est loin d'un modèle uniforme, percutant, performant, équilibré. Pour se retrouver un tant soit peu dans ce fouillis de possibilités, d'expériences, de leaderships, je ferais référence à une de mes théologies basiques appelée théomimétisme. Je fais référence à la Création, à la manière dont Dieu a créé l'univers et notre monde. Je prendrais le modèle de la forêt. L'écosystème d'une forêt est impressionnant. Ce ne sont pas des plantes qui se juxtaposent, mais des arbres, des plantes, des arbustes, des fleurs qui s'entraident, se protègent mutuellement, offrent de l'ombre, mais ne font pas forcément de l'ombre aux autres, se nourrissent en s'associant. D'ailleurs un des principes de base en permaculture, c'est d'associer des plantes dont l'une protège l'autre de certains prédateurs. Il faut arrêter de juxtaposer les communautés chrétiennes, mais les faire travailler en symbiose pas spécialement sur le modèle œcuménique. Une grande église «séquoia», pilotée par une prima donna pourrait aussi favoriser et financer l'émergence de petites entités qui sont d'une toute autre nature et qui elles atteignent des personnes d'un autre milieu. 

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