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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Quelle avenir pour la formation en vidéo?

19 Mars 2014, 14:26pm

Publié par Henri Bacher

Henri Bacher, comme à son habitude, ose bousculer. il est retraité, donc il n’a pas grand-chose à perdre. Ça lui permet de poser des questions qui fâchent. En ce qui concerne la formation sur le web et par vidéos, il ne donne que peu de chance aux professionnels de nos écoles de théologie. A-t-il raison?


Génération des pousseurs de boutons contre la génération des tourneurs de clés
Umberto Ecco disait que la génération de son fils est née en poussant des boutons tandis que la sienne est née en tournant des clés. Ma petite fille de deux ans manie sa tablette avec dextérité, alors qu’à son âge, je ne jouais que dans le bac à sable, avec quelques objets du quotidien.

Dans les questions de formation, le problème principal, c’est que la génération des tourneurs de clés veut enseigner la spiritualité à des pousseurs de boutons. Nous sommes des fils de Gutemberg qui ont provoqué la libre interprétation de la Bible, mais ont aussi causé la ruine des enlumineurs et facilité l’émergence d’une nouvelle pédagogie. La nouvelle transmission de la foi se fit par un enseignement de type scolaire, affaiblissant du coup la transmission de la foi par immersion dans un corps socio-culturo-spirituel. La Renaissance a laminé les pratiques du Moyen-Âge.

Aujourd’hui, nous sommes dans une situation similaire. Les pousseurs de boutons, ou plutôt les navigateurs digitaux, font s’écrouler ou chavirer le monde scolaire du passé. Nous les chrétiens issues de la Réforme et des Réveils du XIXème siècle, nous sommes des “scolaires”.

Nous pensons qu’internet n’est qu’un livre électronique qui va pouvoir reprendre, tel quel, nos écrits du passé. Mais la civilisation d’internet va éliminer un certains nombre “d’enlumineurs”, de pédagogues du passé.

Le web demande la mise en place d’une nouvelle pédagogie
Avant de vouloir se profiler dans l’enseignement par vidéo, il faut d’abord se poser la question de la nouvelle pédagogie qu’on va mettre en oeuvre. L’internaute n’apprend plus comme l’écolier. Beaucoup d’efforts vont se perdre sur la toile, simplement parce que nous n’avons pas pris le temps de comprendre comment les gens apprennent aujourd’hui.

J’ai été impressionné récemment par les résultats d’un système de formation par vidéos interposées qui rassemble 6 millions d’utilisateurs, dont les clips ont été visionnés 280 millions de fois. Les formations basées actuellement sur 4375 vidéos sur Youtube par la Kahnacademy ont été créés par des américains en Californie. Actuellement, Salman Khan, le fondateur de cette ONG, à but non lucratif, est soutenu par des Bill Gates ou par Google et d’autres sponsors. L’enseignement est totalement gratuit.

Cet analyste financier, qui n’est pas issu du sérail de l’enseignement classique, a commencé par donner des cours d’appui par téléphone à sa cousine en échec scolaire. Il raconte dans un livre(1), paru fin août, en français, qu’il a tourné ses premières vidéos dans le placard de son appartement. Cela a duré plusieurs années jusqu’à ce que le directeur des ressources humaines de la Fondation de Bill Gates l’appelle pour un rendez-vous. Les propres enfants de Bill Gates ont profité de ces cours de maths, entre autre.

L’impact des outsiders
Nous, européens du vieux monde, on crée des commissions, on théorise avant de se lancer. Le placard, ce n’est pas pour nous et surtout, surtout on ne confierait pas le renouvellement de l’enseignement à un non-professionnel en la matière. C’est comme si vous demandiez à un analyste financier de transformer l’enseignement de la théologie.

Pourtant, si Khan a eu du succès, ce n’est pas parce qu’il met des cours de maths en vidéo, c’est aussi parce qu’il a repensé l’enseignement. Il engage, par exemple, des profs de maths qui sont aussi des créatifs. Matheux et artiste? Paradoxal et pourtant le résultat est au rendez-vous, au point que le système scolaire d’une partie de la Californie est en train de basculer dans la manière d’enseigner de la Kahnacademy.

Moralité de l’histoire? Ne laissez pas aux mains des enseignants classiques votre profilage sur internet en matière de formation. Ils ne vont que conditionner les anciens schémas à la sauce numérique. C’est comme si on avait demandé au théologien Thomas d’Aquin et à ses disciples de penser la Réforme. Et je vous signale que Calvin, lui aussi était un outsider. Il était formé en droit et non en théologie. Et les “réveillés” du XIXème siècle ne sont pas sortis des facultés réformées de l’époque à quelques exceptions près comme ces étudiants en théologie genevois coachés par l’écossais Robert Haldane, formé, lui, dans la marine anglaise (encore un outsider).

Les enseignants classiques sont-ils superflus? Oui et non, mais il faut qu’ils descendent de leur piédestal et fassent confiance à des pousseurs de boutons qui ne comprennent pas forcément le fonctionnement des clés. Khan a continué à faire appel à des enseignants formés d’une manière classique, mais ceux-ci ont appris à se soumettre aux exigences de la nouvelle culture numérique. De pilotes, ils sont devenus co-pilotes!

(1) L’éducation réinventée de Salman Khan Ed. JC Latès

Henri Bacher

En parcourant Youtube à la recherche de vidéos formatrices dans le domaine de l’église, on trouve, certes, beaucoup d’enseignements. Ce sont surtout des pasteurs qui se font filmer sur une estrade et derrière un pupitre ou encore dans un canapé. Je les appelle des instituteurs spirituels; certains sont talentueux, mais ils restent des “instituteurs” classiques. Ce qui manquent, c’est une approche globale de formation, une sorte de Kahnacademy. Le Topchretien est, à ma connaissance, la seule organisation qui se dirige vers un système d’enseignement structuré dans la mentalité du web. Ce sont des outsiders par rapport à nos grandes écoles théologiques. On les regarde probablement avec condescendance. J’ai moi-même suivi un cours en video, sur le thème de “8 jours pour apprendre à témoigner aux musulmans” avec Saïd Oujibou, plus connu dans nos milieux comme humoriste! Le Topchretien n’est qu’à ses débuts. Actuellement, il offre une dizaine de thèmes suivis par plus de 31000 personnes. Ce qu’il faut savoir, c’est que l’internaute qui suit le cours doit s’engager à le suivre jusqu’à la fin. Il est clair que certains calent et n’arrivent pas jusqu’au bout, mais ces résultats ne sont pas simplement une compilation de clics sur des vidéos. Les responsables de cette formation doivent encore faire de gros efforts pédagogiques pour affiner leurs cours. Ce n’est pas évident puisque tout est encore à inventer et qu’on ne peut pas prendre comme modèle nos écoles de théologie. Co-pilote que proposes-tu?

http://topchretien.jesus.net/topformations/

Quelle avenir pour la formation en vidéo?
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