Le post-évangélisme et les risques de déséquilibre
Il n'y a aucune évolution culturelle qui ne passe pas par des dégâts. C'est comme les changements climatiques qui ne se font pas en douceur. La culture du livre, donc aussi celle liée à la Bible, perd plus que ses plumes. Le travail fondamental avec la Bible risque de refluer, comme lors du Moyen-Âge, dans des monastères spécialisés, appelés aujourd'hui faculté de théologie. Le grand public verse dans l'oralité électronique, où on ne lit plus.
Le nouveau surfeur d'existence
Il ne maîtrise pas la nouvelle vague, mais il l'utilise à son profit. Contrairement à l'ancienne vague liée à la maîtrise de l'écrit. Dans ce contexte boosté par le levier de l'imprimerie, le pasteur avait l'impression qu'il pouvait encore donner une inflexion très profonde par ce qu'il pense et qu'il met en écrit. Le pasteur et le chrétien, dans et sur la nouvelle vague, pensent être totalement libres de leur direction, de leur temps, de leur corps, de ce qu'ils ressentent. Ce qu'ils ne comprennent pas, c'est que derrière toute culture, il y a des « autorités » invisibles qui les pilotent. Derrière la nouvelle culture « liquide », il y a le dieu argent qui, au besoin, crée des vagues artificielles pour donner l'impression de liberté. Comme le dieu de la culture rationnelle de l'écrit qui nous a conduits dans les colonisations, les guerres, l'esclavage, le marxisme, le capitalisme, le libéralisme et tous les autres « ismes » de la spiritualité chrétienne, etc. ?
Quelle va être la réaction des uns et des autres?
C'est l'érection des protections contre l'envahissement. Le livre des Actes des Apôtres rend très bien compte de toutes ces protections mises au point par les Juifs, mais aussi par les païens, comme les orfèvres d'Ephèse (Actes 19), pour préserver leur religion, leur culture, leur business. Après les réformes du 16e siècle, il y a eu la contre-réforme catholique. Ce qui nous pend au nez, ce n'est déjà plus un risque, ce sera une réalité. Les évangéliques classiques ont énormément investi dans leurs institutions de formation, leurs éditions de livres, de journaux, qu'ils vont se sentir obligés de perpétrer la spiritualité du 19e siècle, avec peut-être quelques relookages, d'ordre esthétique, aux « abords » de leurs églises, mais en tout cas pas à l'intérieur de leurs lieux de culte.
Pour nous évangéliques, c'est la Bible qui risque de passer aux oubliettes
Tout simplement, parce que l'oralité électronique marginalise la lecture et l'écrit. La culture actuelle nous désapprend à lire et produit des illettrés fonctionnels. Nos smartphones lisent nos textes en haute voix. On peut dicter nos textes. Même nous, dans ce blog, on est limite, lorsque le texte biblique, par exemple, pour nos idées de prédications, ne prend la Bible plus que comme référence et non comme matière première à expliquer. Nous faisons la part belle aux images, aux paraboles, aux clips vidéo. Nous allons au-devant des mêmes « loufoqueries » qui se sont vécues au Moyen-Âge, mais entre nous, la production écrite a développé bien des théologies bancales.
Les risques d'une théologie disruptive
Hélas, nous ne croyons pas que l'avenir va nous permettre de développer une théologie évolutive. Les premiers chrétiens de Jérusalem ont cru dans des évolutions du judaïsme vers le christianisme. Antioche a été une rupture, même si ça ne veut pas dire qu'ils ont balayé toute la spiritualité de l'Ancien Testament. Le risque n'est pas tellement pour les surfeurs d'existence, mais pour ceux qui veulent préserver les spiritualités et les pratiques du passé, mais pour ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas entrer dans la nouveauté. Aujourd'hui, on a encore l'impression que l'évangélisme classique a encore le vent en poupe, mais dans quelques décennies, on s'en mordra les doigts.