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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Analyse d'un festival évangélique au Zénith de Clermont-Ferrand

10 Août 2023, 07:00am

Publié par Henri Bacher

Ce festival Echo dont même Romain Choisnet, le directeur de la communication du CNEF fait référence sur son Twitter, semble être un évènement exceptionnel pour les évangéliques de France. Nous allons en faire une analyse parce que ce genre de manifestation et d'autres semblables vont forcément avoir un impact sur les communautés traditionnelles francophones.

Quelques coups de projecteur positifs et négatifs pour résumer

Le clip réalisé pour le compte du journal Le Parisien est assez soft dans son évaluation par rapport à d'autres productions médiatiques qui n'hésitent pas à brocarder les évangéliques. Y avait-il eu un sponsoring de la part d'une église ou d'une fédération? Je ne l'ai pas vérifié. Si ce n'est pas le cas, chapeau! 

Ce qui en ressort, c'est que le christianisme ressemble à une fête permanente et ce festival était en adéquation avec la culture de l'entertainment dominante parmi les jeunes, donc une adaptation réussie. Bon, c'est aussi la magie d'une production vidéo qui sélectionne des personnes à interviewer qui passent à l'écran, qui savent jouer de leur charme. Ça ressemble plus à une pub, mais ce genre de prestation, transmis en numérique, ne peut pas échapper aux exigences de ce format. C'est le principe du «teaser».

Les personnes interviewées, les musiciens, le prédicateur sont des personnes qui montrent leurs convictions. Ils n'en parlent pas seulement. Ils n'en font pas un discours. Ils savent jouer de la scène. Indépendamment du message, du discours, ils se mettent en scène et ne ressemblent pas au pasteur qui lit en chaire un message, écrit et composé pour être lu et non déclamé comme au théâtre. Un bon point pour le tandem prédicateur / traducteur.

Comme chrétien, nous pouvons affirmer que ce que ces jeunes disent, témoignent est authentique, réalisable. Ils n'exagèrent pas les résultats de la foi produits dans une existence humaine. C'est vrai qu'on ne peut pas vérifier leur exactitude. C'est la faiblesse d'une vidéo, mais aussi d'un texte.

Consultez le post qui parle de la transmission de la foi par initiation, par immersion, par instruction. Le festival est un transmetteur de la foi par immersion.

L'adaptation culturelle ne suffit pas pour devenir, d'une part chrétien et d'autre part le rester, mais c'est important de temps en temps, d'avoir ce genre de bouffée spirituelle pour se renouveler.

On a aussi l'impression que les participants interviewés répètent un catéchisme fait de formules «lyophilisées». Ce n'est pas faux en soi. C'est important de se répéter parmi ce genre de phrases. C'est comme une liturgie. Sauf que dans un monde européen, plus du tout catéchisé, c'est des formules vides de sens, incompréhensibles, pour des invités qui ne viennent pas d'une église.

Le côté business qui colle à ce genre de manifestation est justement l'antithèse de l'évangile: prix d'entrée, vente de t-shirts, de bracelets, de gadgets. C'est en fait un festival pour les jeunes de la classe moyenne, surtout s'il y a encore les frais de voyage. Pourquoi ne pas travailler avec le chapeau à la sortie et faire confiance qu'un Dieu qui appelle à monter un tel évènement se charge aussi de le financer par des dons? Ce serait un superbe témoignage pour contrer le culture de l'entertainment, très axée sur l'aspect économique. La spiritualité chrétienne doit se vivre en dehors de la sphère marchande; le service à autrui ni l'évangélisation ne sont pas liés à la merchandisation

Pour les communautés chrétiennes traditionnelles qui envoient leurs jeunes dans de telles manifestations, c'est plutôt les pousser hors de l'église. Ils vont revenir au culte et ils s'ennuient. Le pasteur leur rappelle l'école, les musiciens chantent des cantiques du 19ème siècle, d'autres s'endorment au son de l'orgue, même s'il y a eu aussi une évolution musicale très importante. Les études bibliques ne débordent pas d'enthousiasme sauf pour les penseurs. Bref, il y a souvent un fossé culturel infranchissable entre le festival et la communauté locale.

Petite analyse culturo-historique
Nous prônons de nous inspirer de ce qui se passait au Moyen-Âge. Les réformateurs, comme Calvin et Luther ont sauté par dessus ce temps d'avant la Renaissance, pour se ressourcer avec les Pères de l'église et les philosophes de l'antiquité tout en mettant à l'honneur le travail avec la Bible. Aujourd'hui, on est dans l'impasse avec cette culture calviniste, froide et cérébrale. Les évangéliques classiques tentent de relooker cette théologie en essayant de la repenser pour la post-modernité, mais ce festival nous montre qu'il faudra changer de braquet et repenser également la spiritualité et la théologie à l'aide de l'émotion.

Le Moyen-Âge avec les fêtes patronales, les processions, les pèlerinages, les gestes liturgiques n'ont pas coupé la «fête», de l'activité de la messe. La spiritualité faisait un tout, un ensemble. Les réformateurs, en mettant l'accent sur le «penser» Dieu, nous ont coupé de nos émotions qu'on retrouve dans la fête. Du coup nous sommes conditionnés par une dichotomie entre la «tête» et les «tripes». Donc, on cherche à compenser par des festivals et autres activités de type religieux plus liés à l'émotion. Mais le culte traditionnel du dimanche est à l'opposé du festival, difficilement intégrable dans le quotidien de nos jeunes. C'est comme ça que nous les perdons.

 

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