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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Te sens-tu bien dans ton ministère pastoral?

29 Juin 2023, 08:00am

Publié par Henri Bacher

C'est le documentaire «L'école est finie» de Julie Chauvin (2022) qui m'inspire pour faire la relation avec le pastorat. Le documentaire part de ce tragique évènement du suicide en 2019, à Pantin, de Christine Renon, dans l'école dont elle était directrice. Dans une lettre pour expliquer son geste, elle parle de harassement, de la difficulté de gérer seule des gamins en détresse absolue, d'affronter les exigences exponentielles des parents, de s'adapter à la multiplication des réformes. Elle qui avait embrassé un job par vocation, s'est senti trahie.

Quelle relation avec le pastorat?
Comme les églises protestantes et évangéliques s'inspirent encore majoritairement, aujourd'hui, du système d'éducation et d'enseignement de l'école républicaine à la Jules Ferry, les pasteurs formés dans ce moule culturel peinent à trouver la réalisation de leur vocation. D'autant plus qu'on a misé sur l'élévation du niveau d'enseignement du «métier» de pasteur en les faisant passer par le moule académique. Hélas, il faut constater que cet effort de tirer la formation vers le haut, n'a pas forcément amélioré le confort émotionnel, culturel, intellectuel du pasteur classique, très littéraire et scolaire. Je ne parle pas ici de ces théologiens qui se sont formés pour des tâches très pointues, comme celui de l'étude des textes anciens, les cultures anciennes, l'anthropologie, l'Histoire, la philosophie, la sociologie des religions, etc...

La multiplication des réformes dont s'est plaint Christine Renon nous affecte également. Les réformes qui nous affectent ne sont pas forcément d'ordre programmatique: les évolutions culturelles, le brassage avec d'autres cultures, d'autres religions, la mondialisation, l'évolution technologiques qu'on n'a plus le temps d'apprendre correctement, puisque les évolutions sont tellement rapides. Aujourd'hui le pasteur doit avoir une quantité impressionnant de cordes à son arc. Même «l'arc» a changé, il est devenu électronique. De quoi perdre son latin «académique». 

Ce qui change avec l'école républicaine
Les élèves qui fréquentent cette école sont captifs du système. De même que le maître ou la maîtresse qui doit appliquer un programme, le même de Lille à Marseille. Contrairement à l'église où les participants peuvent quitter sans préavis et rejoindre un autre pôle culturo-religieux qui leur correspond mieux ou simplement de laisser tomber la vie communautaire chrétienne du culte du dimanche matin. Pourtant, le drame du pasteur, c'est qu'on lui demande continuellement d'évoluer, de se «réformer» pour garder son public. Nos communautés chrétiennes sont rongées par le système de «l'entertainment»: faire plaisir à son public. Les transformer en «followers» qui mettent des «likes». C'est épuisant! C'est fini comme l'école du titre du documentaire où il suffisait une grande Réforme au 16ème siècle pour tenir durant quatre siècles.

Les difficultés du passage dans ce gué culturel et théologique
Autrement dit, pour reprendre une citation bien connue: «à quel saint se vouer?». Les uns se lancent dans la nouvelle culture à corps perdu comme Camille Gerber en Suisse romande qui use de son impressionnante batterie de diplômes et de son charme naturel pour crever l'écran. D'autres prônent le reflux vers plus de «froideur» culturelle et théologique comme la Gospel Coalition dont le défunt Timothy Keller a été l'un des promoteurs. Les catholiques vivent le même reflux face à la post-modernité. Le pèlerinage annuel de Chartres à Pentecôte à drainer, en 2023, dans les 16 000 participants dont beaucoup de jeunes. Tout en lançant depuis quelques années le groupe musical Glorious qui cartonne aussi bien chez les évangéliques.

Quelles attitudes adopter dans ce malström?
La définition du malström correspond bien à notre situation:
Courant tourbillonnant des côtes de Norvège (îles Lofoten), produit par l'accélération de la marée et le déferlement des fortes houles entre l'îlot Mosken et la pointe sud de l'île Moskensöya.

1. Apprenez à nager
La majorité de nos pasteurs a appris leur métier sur la terre ferme. Le nouveau mode d'apprentissage requière plus un modèle qui évolue dans l'eau avec plutôt un maître-nageur qu'un descriptif avec images sur papier glacé comme les formations académiques que nous proposons actuellement. C'est terriblement frustrant surtout si on déteste l'eau.

2. Regardez les autres nager et se réjouir de leur aisance
Dieu ne va pas vous faire de reproches de vous abstenir de vous jeter à l'eau. Surtout ne magnifiez pas votre savoir acquis sur la terre ferme. Vous pouvez prier pour les «nageurs», leur fournir une aide matérielle, un soutien financier, psychologique, spirituel, mais abstenez-vous de leur donner des conseils sur la manière de nager.

 

 

3. Sélectionnez les «nageurs» potentiels, doués, talentueux, adjoignez-leur un entraîneur
Peut-être vous faudra-t-il construire un bassin à côté de votre école spirituelle pour accueillir un club nautique spirituel.

4. Rappelez-leur les buts à atteindre
La nouvelle culture favorise la star ou le champion adulé par un grand nombre de personnes. Vos «nageurs» ne s'entraînent pas pour décrocher des médailles, mais pour apprendre à affronter ces courants contraires du malström et surtout à y entraîner d'autres.

Conclusion
Il restera toujours des chrétiens, des pas-encore-chrétiens sur la «terre ferme» qui auront besoin de votre expertise et qui détestent se mouiller.

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