Avons-nous aussi des rituels comme dans d'autres religions?
Evidemment, puisque même la vie sociale, culturelle, politique, économique, mais aussi la création de Dieu est liée, orchestrée, agencée, soumise à des rituels. Forcément toute activité dans le cadre de l'église est ritualisée. Ces rituels qui se construisent sur des rythmes, des cadences, des répétions sont très prisés sur les réseaux sociaux à l'image du clip ci-dessous.
Définition du rituel dans le cadre de l'église
Comme dans le clip ci-dessus, un rituel se construit avec des gestes et des attitudes qu'on répète en groupe. Se lever, s'assoir, lever les bras pendant un moment de louange, danser, sont des expressions basiques. Dans le protestantisme classique, on lit un texte tiré de la Bible ou on répète un texte liturgique pour signifier par exemple le pardon des péchés. Les évangéliques sont de grands réducteurs de rituels liturgiques dans le style réformés ou catholiques. Souvent le rituel préprogrammé de la liturgie codifiée par écrit a été remplacé par la tchatche du président du culte qui se doit de meubler le temps par des considérations toutes personnelles sur la pluie et le beau temps, la situation économique ou politique, etc... C'est aussi un rituel.
Il y a le rituel communautaire et le rituel personnel. Lire la Bible et prier chaque début de journée est un rituel personnel porteur de sens. Il ne faut pas croire que dans nos communautés évangéliques on n'a pas de rituels.
À quel moment un rituel peut-il passer de la socialisation à l'impact spirituel?
C'est un peu comme le chargement d'une batterie. Difficile à dire.
Il est assez facile de mettre le rituel du baptême dans la partie verte. Par contre, on pourrait aussi avoir tendance à charger un évènement lié à l'expérience émotionnelle communautaire comme un profond rituel de bénédictions et d'interaction avec le Saint Esprit. Dans ce dernier cas, il est important de ne pas éliminer l'impact émotionnel, mais de ne pas lui attribuer d'emblée un rôle de connecteur privilégié et direct avec Dieu. Les rituels plus liés au séquençage d'une rencontre devraient rester comme un facilitateur et non un moyen transformateur comme pour celui qui se fait baptiser et qui témoigne publiquement de son engagement, en étant bien sûr adulte! Se pose donc la question suivante: est-ce que le rituel nous donne seulement l'impression de vivre une émotion collective ou est-il transformateur de vie? Apprenons à vérifier le chargement de nos «batteries», selon les bons critères.
Quelles sont les dérives de certains rituels?
Des rituels peuvent servir à la manipulation spirituelle, surtout ceux qui utilisent à fond l'aspect émotionnel. Si la jauge de l'impact est l'émotion et l'ambiance, comme le rituel du moment de louange, on est dans des zones non pas à éviter, mais où il faut activer davantage la vigilance et le discernement. Les rituels qui produiront le plus de fruits sont ceux qui utilisent la volonté. Quelqu'un qui se fait baptiser adulte, même s'il ressent de l'émotion, va d'abord mettre en route sa volonté, celle de témoigner publiquement de sa foi.
Chaque période historique et culturelle n'utilisent pas tout le corps d'une personne pour exprimer leurs émotions spirituelles sous formes rituelles
Ainsi au Moyen-Âge (1) on marchait beaucoup sur des chemins de pèlerinages. On utilisait aussi ses mains pour toucher, bénir, se signer, tremper ses doigts dans l'eau bénite.
La Réforme protestante au 16ème siècle (2) a mis l'accent sur la pensée. On pense Dieu, les bras croisés, assis sur un banc. Les réveils du 19ème siècle n'ont pas beaucoup fait évoluer les pratiques corporelles, mais ont initié la spiritualité liée aux émotions.
Le charismatisme et les courants chauds du 20ème et 21ème siècle (3) lèvent les bras, se touchent pour l'imposition des mains, dansent, utilisent à fond l'aspect musical.
Bien sûr, c'est une manière caricaturale de présenter la réalité des rituels. C'est surtout pour montrer que chaque période culturelle a besoin d'adapter sa spiritualité, dans un langage «rituel» que les gens comprennent et qui correspond aussi à ce qui se passe culturellement hors de la communauté chrétienne. On n'est plus au 19ème siècle où la tendance des églises évangéliques, toutes confessions confondues, prônaient de se séparer du «monde» (ne pas danser, boire de l'alcool, jouer aux cartes, etc...). En ayant un smartphone on est directement inclus dans ce monde.