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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Un début de réveil en Haute Savoie? (France)

2 Mars 2023, 08:22am

Publié par Henri Bacher

Nous vous proposons d'analyser une «story» postée sur Facebook et qui rend compte d'un évènement assez exceptionnel qui s'est produit, récemment en 2023, dans une ville près de la frontière suisse. La communauté dont il est question et dont je ne révèle pas le nom pour une question de protection, je l'ai visitée, il y a quelques années. Elle fait partie d'un réseau évangélique fort respectable, reconnu par l'ensemble des fédérations évangéliques francophones. Voici donc la «story» dans son intégralité:

Les frémissements d’un réveil de la manifestation de la gloire de Dieu est là… Hier soir alors que nous avions notre célébration au                            , nous avons été débordés d’une manifestation de repentance et gloire. D’où sont venus tous ces jeunes ? Certainement poussés par l’Esprit. Nous avons tout simplement suivi l’Esprit là où il nous a conduits. Nous avons vécu un déversement d’amour, les jeunes étaient à genoux dans des larmes de repentance, visités pas le Saint-Esprit. On ne voulait plus stopper d’adoration. S’il y a une chose que nous devons observer, être attentifs, c’est que le Seigneur est en train de souffler sur la jeune génération. La France est sur le point de vivre une visitation sans précédent de sa présence dans un baptême d’amour qui réveillera la passion pour Jésus. N’arrêtons pas de le chercher là où il nous attend, les portails des cieux sont ouverts. Je ne sais pas à quoi doit ressembler un réveil, mais si le fleuve s’approche de nos pieds, sautons ! Si le vent souffle, attrapons-le ! Si le feu se présente, saisissons-le, et quand Jésus se déploie sur ses chars de feu et ses chevaux ardents, sautons dans ses bras. 4 jeunes ont donné les vie à Jésus. Dans une autre salle le groupe (-de 10 ans) FullPack, plusieurs ont donné leurs vies à Jésus. La manifestation de sa gloire est instoppable. France lève-toi !

Un début de réveil en Haute Savoie? (France)

Que faut-il en penser?

Évidemment les membres d'une communauté dite «froide» vont tout de suite parler de manipulation, de superficialité. Je ne vais pas critiquer ce culte, puisque d'une part, je n'y étais pas et que d'autre part, je prône l'importance d'introduire de l'émotion dans nos cultes. Le léger clignement des yeux, tout en retenue, pour manifester son plaisir à l'écoute d'une très bonne prédication, n'est pas plus spirituel que celui qui manifeste bruyamment son attachement à la foi chrétienne, soit par des pleurs, de la joie ou par des mouvements corporels.

Comment analyser une telle prestation?

Il faut analyser ce que nous pensons être spirituel avec trois clés:
O celle de la culture et nos cultes sont toujours produits dans le cadre de celle-ci. Un bon pasteur saura toujours utiliser ce levier essentiel pour communiquer. De plus, il faudra avoir un charme naturel qui scotche le spectateur. Regardez sur les réseaux sociaux l'impact d'un homme ou d'une femme qui est charmant. C'est un don de Dieu, comme celui qui a le don de chanter juste. Souvent, il faut aussi que la personne soit belle physiquement. Ce n'est pas un péché que d'utiliser ces avantages. C'est comme le chanteur qui se restreindrait dans sa prestation pour paraître plus humble. Il faut juste savoir que la beauté, le charme, la tchatche sont de puissants leviers pour convaincre, ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas les utiliser, mais au moins de ne pas tout de suite mettre l'impact sur le Saint Esprit.
O l'ambiance produite par la communauté. Lors d'une manifestation spirituelle dans le cadre d'une assistance complètement acquise à la culture de l'émotion, nous sommes plongés dans un bain à bonne température qui nous procure beaucoup de bien-être. Sauf qu'on ne peut pas passer notre vie dans une salle de bain. C'est juste important pour nous rafraîchir et nous détendre pour mieux bosser dans la «mine» de nos existences.

O la difficulté de gérer le monde de nos émotions. Nous sommes plongés, de par les réseaux sociaux, dans un monde qu'on ne nous a pas encore appris à gérer et à maîtriser. C'est comme confier une Porsche ou une Tesla super puissante à un adolescent. Je ne suis pas en train de dire que l'église en question est adolescente. Moi, qui suis à la retraite, je fais aussi partie de ces personnes qui doivent apprendre à se mouvoir spirituellement parlant, dans ce nouveau monde de l'émotionnel, des images, mais, je comprends ces communautés qui rejoignent la mouvance de la Gospel Coalition. Ce nouveau monde est casse-gueule. On fait une énorme place au Saint Esprit par le truchement de l'émotion et pas seulement au potentiel de la pensée analytique et systématique, le pôle «froid» de nos personnalités.

Passons à une analyse plus «froide»

O La possibilité de s'émouvoir d'une prestation musicale, artistique, d'un beau discours, fait partie de la création de Dieu. Un coup de foudre pour un homme ou une femme ne doit pas être mis tout de suite sur le compte du péché ou du diable. Ce qui fait que ça déraille, c'est la manière dont je vais le traiter. Si je suis marié, je vais le traiter différemment que si je suis célibataire. En étant marié, c'est plus facile à gérer, puisque je peux me référer à la parole donnée à mon conjoint. Ce sentiment de fulgurance va disparaître aussi vite qu'il est venu... à condition que je ne fasse aucun geste, même subliminal, pour rendre visible mon émotion.
O La gestion de l'émotion, c'est comme le processus de formation de la mayonnaise. On tourne, on tourne la spatule et à un moment donné l'émulsion prend forme. Un culte peut se «cuisiner» comme la mayonnaise. En général la mayonnaise n'est pas l'ingrédient principal du repas, mais elle donne un bon goût à un aliment qu'on a parfois du mal à apprécier. Si je parle de coup de foudre, je pense qu'un culte, comme décrit plus haut, peut être une sorte de coup de foudre spirituel. La difficulté principale c'est d'apprendre à le gérer.
O Les émotions spirituelles, les pleurs, ne sont pas un baromètre efficace pour d'emblée authentifier l'action du Saint Esprit, car ces manifestations se retrouvent dans toutes les religions. Si l'humoriste Gad Elmaneh, d'origine juive, se convertit au christianisme, il fait justement référence à Lourdes et à la figure de la Vierge Marie. Il parle surtout des émotions qu'il ressent dans ce lieu de pèlerinages. Le déversement d'amour décrit dans la story Facebook me rend perplexe. Pour moi, l'amour chrétien se manifeste avant tout dans la pratique, pas spécialement dans le sentiment.
O Faut-il donc, tout de suite, se méfier de ce qui s'est passé dans ce culte en Haute-Savoie? Ce n'est pas la «mayonnaise» qu'il faut mettre en cause, mais juste qu'on attribue la qualité d'un repas à la seule mayonnaise. Et j'irais plus loin, un repas sans «mayonnaise», comme dans les églises dites «froides» peut aussi remplir son objectif, sauf que nos contemporains sont de moins en moins habitués à la bonne bouffe calviniste qu'on sert de préférence froide ou de type vegan avec d'innombrables «sans»: sans viande, sans lait, etc... Sans émotions, sans mouvements de corps, sans pleurs, sans l'utilisation des dons du Saint Esprit.

Quelques conseils pour gérer le «coup de foudre»

O L'action du Saint Esprit ne peut pas s'authentifier à partir des seules manifestations émotionnelles (pleurs, sentiment de plénitude, de puissance, etc...). Elle se vérifie dans la pratique. Lors de mon activité pastorale au Pérou, il y a déjà quelques années, on me demandait ce que je pensais de ces personnes qui tombaient dans les pommes (le repos dans l'Esprit), lors d'un culte, sous l'action du Saint Esprit. J'avais une réponse très simple: si cette personne refuse le lundi matin, sous le coup d'une contravention pour une infraction très élémentaire, un dessous de table au policier qui l'arnaque en menaçant de mettre sa voiture à la fourrière, alors je conseille qu'elle tombe dans les pommes tous les dimanches! Donc, parler d'un réveil francophone, c'est un brin exagéré. Attendons le «lundi»!
O Autre conseil important: il faut aménager un espace de temps entre «l'explosion» émotionnelle vécue dans le moment cultuel et la réalité du quotidien. Après le miracle de la multiplication des pains (Jean 6), Jésus n'a pas capitalisé ce moment pour faire des disciples, mais il s'est, tout de suite après, tiré dans la montagne. Et le lendemain il y a même eu des disciples qui vont le quitter.
O Lors d'une soirée dans un camp de plus d'une centaine d'adolescents, j'avais fait un appel puissant, selon le vocabulaire usité aujourd'hui. J'avais demandé que ceux qui veulent s'engager avec le Christ, se lèvent. Je souhaitais que leur décision soit publique. Il n'y a eu qu'une poignée de ces jeunes qui sont restés assis à leur place. Heureusement que j'avais compris que «l'ambiance produite par la communauté» était à l'origine de ce raz de marée. J'ai donc fait assoir ces personnes, en leur signifiant que mon appel était biaisé. Par contre, je leur ai donné rendez-vous le lendemain, avant le petit-déjeuner, pour ceux qui voulaient s'engager. Il n'y a eu qu'une poignée de jeunes. C'est ça créer un sas entre «l'explosion» émotionnelle et l'engagement.

 

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