Nouvelle théologie et nouveaux messages pour l'avenir
La fin du Moyen-Âge, en Europe, a été marquée du point de vue spirituel par la peur de l'enfer couplée à l'émergence de la Renaissance. Ce profond changement culturel du passage d'une culture plus axée sur l'oralité que sur l'écrit a généré beaucoup de craintes, d'incompréhension et de questionnements. La théologie du passé a pris pas mal de coups de boutoir. Nous vivons actuellement ces mêmes passages casse-gueule d'une culture à une autre. On n'a plus confiance dans les théologies du passé et dans leurs dépositaires patentés. Du temps de la Réforme, des Calvin et des Luther ont développé une nouvelle théologie du salut. Et nous? Qu'allons-nous proposer? Un remake en vidéo de la théologie calviniste?
L'homme électricisé est devenu l'homme pétrifié
C'est l'affirmation de Vincent Cocquebert* dans son livre dont j'ai emprunté le titre pour l'illustration en en-tête. Nos contemporains se retirent dans des «cocons» pour se protéger des intrusions de l'extérieur et oublier les peurs générées par la montée du remplacement culturel et politico-religieux annoncé par nos experts politiciens. Par le contrôle systématique par caméras interposées. Par des algorithmes sophistiqués pilotés par des entrepreneurs qui cherchent surtout à nous faire la peau financière. Par les supports d'information qui font leur beurre en exploitant nos peurs. Pas besoin d'en rajouter, vous m'avez compris! Nous sommes pétrifiés par nos peurs, à la seule différence près, par rapport à la fin du Moyen-Âge, que l'évolution culturelle et philosophique nous a appris à nous «foutre» de l'enfer. Ce qui est pire. Au moins, avec l'enfer, la définition était très claire, circonscrite à une image physique, celle du feu, parfaitement compréhensible. Aujourd'hui, tout est confus, flou, mouvant, polysémique.
Quelle est la réaction des églises?
Elles se lancent dans la «médecine» spirituelle alternative, dans le sens de proposer des remèdes pas trop frontaux. On présente plutôt un Dieu bon, compatissant, ouvert, sans œillères, une sorte de nounou spirituelle. Le chrétien a peur d'être vrai, de parler de péché. On ne veut pas rajouter de la peur «religieuse», aux peurs existentielles. Ce qui ne veut pas dire pour moi qu'il faut muscler nos messages, retrouver une saine doctrine bien carrée et une éthique calibrée sur les anciens standards en la matière, surtout celles d'avant mai 68. Nous devons avoir une réponse intelligente, charpentée, pas bétonnée. Ces réformateurs du 16ème siècle ne sont pas revenus, en arrière, sur le 12ème siècle, époque où se sont passées bien de belles choses avec, par exemple, une brillante théologienne comme Hildegarde de Bingen. Ils n'ont pas réadapté Thomas d'Aquin. Ils se sont lancés dans l'avenir, en prenant appui, sur la nouvelle culture liée à l'imprimerie et qui allait transformer la société. À notre tour de nous lancer dans cette culture numérique qui nous fait peur, pour développer un nouveau message de salut qui ne soit pas un relookage des théologies du passé.
Civilisation du cocon
Ces cocons sont nombreux. Je connais des adeptes du véganisme qui pratiquent très sérieusement leur philosophie de vie. Ils sont tellement désespérés de voir que le monde est en train de se désagréger écologiquement parlant, qu'ils décident de vivre plus ou moins à l'écart dans leur chalet de montagne, dans leur potager «permaculturé». Surtout aussi parce que leur entourage n'y croit pas. Une autre de nos amies vit une partie de l'année sur une île en Bretagne, à plus de 800 km de son domicile. C'est son refuge, son cocon où elle est à l'aise. Ces cocons sont très nombreux et on peut se poser la question si certaines de nos activités d'église ne sont pas des sortes de cocon. On se retrouve avec les gens qui pensent comme nous. Les concerts de louange peuvent faire office de cocon. On est au «chaud» avec des chrétiens qui chantent comme nous, qui se contorsionnent comme nous au son de la musique, où personne n'est agressif, malpoli et on est avec «papa gâteau».
Faut-il secouer le cocon?
Surtout pas et je me réfère à la création de Dieu où les cocons sont essentiels pour, par exemple, donner naissance à un papillon.
Dans notre civilisation du fast-food, nous oublions tous les temps de gestation. Un embryon humain vit pendant neuf mois dans une sorte de cocon, chaud et nutritif, ainsi en est-il de l'évolution spirituelle. On ne peut pas passer d'un stade à un autre rien qu'en accélérant les processus culturels. Ce n'est pas aussi simple que ça. Le temps «cocon» d'avant les réformes protestantes a mis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, si on prend en compte les premiers soubresauts avec Pierre Waldo (1140-1217) . La nouveauté aujourd'hui, c'est que nous sommes dans un temps qui s'accélère. Nous sommes plus près de la fin du monde et les technologies numériques contribuent largement à cette accélération.
Cocooning jusqu'à quand?
La nature est ainsi faite et là aussi la création nous l'apprend, il n'y a pas seulement de jolis papillons qui sortent d'un cocon, mais aussi des prédateurs nuisibles. Ce n'est donc pas le passage par le cocon qui va automatiquement générer une bonne théologie et la meilleure réponse aux peurs d'aujourd'hui. Du temps de la Réforme protestante, il y a eu aussi des déviances peu souhaitables. Ce qu'il faut éviter, c'est de maintenir le chrétien dans son cocon et de le materner comme la mère prend soin de son embryon. Même si nous sommes encore dans ce temps du «cocooning» où nous devons prendre soin des membres de nos communautés, nous devons regarder plus loin. Nous sommes au milieu d'un gué, sans pont et nous devons traverser à pied, sans rampe d'appui et aider d'autres à le faire pour rejoindre la nouvelle rive. C'est drôlement inconfortable. En même temps, nous devons affiner, expérimenter de nouvelles théologies «papillon» en attendant d'être «plus loin».
Quel est le «papillon» que le cocon devrait produire?
Pour les réformateurs protestants, c'était le salut par grâce. Dieu pardonne toutes nos fautes à condition de le lui demander. Plus besoin d'avoir peur d'aller en enfer. Pas besoin de gagner le salut en faisant de bonnes œuvres. Le salut est gratuit.
La nouvelle théologie devrait travailler plusieurs points:
O La souveraineté du Dieu qui se révèle dans la Bible, mais aussi dans sa création. Au vu de l'avancée technologique et des robots qu'on envoie sur Mars, on se prend un peu pour des dieux. C'est donc une théologie de la soumission à Dieu à promouvoir. Elle exclut toute soumission à des élites, à une caste de «prêtres». Dieu ne partage et ne sous-traite pas son autorité. Par exemple le pasteur ou le prophète n'est pas un intermédiaire entre Dieu et les hommes, mais un simple serviteur qui reste un serviteur pas toujours fiable à 100%.
Cette soumission totale veut aussi dire que nous acceptons de ne pas tout comprendre, surtout en relation avec les évènements de nos vies. Dieu est un Dieu bon avec ses créatures, même si sa bonté n'est pas toujours perçue comme bénéfique à court terme.
O Dieu prend soin de nous. Individuellement, familialement, communautairement. Dans les moindres détails de la vie. Il travaille en sous-main pour tous les hommes et chaque fois qu'un humain dira «j'ai eu du bol», c'est que Dieu était à la manette. Nous devons aider les chrétiens à se jeter dans les bras de Dieu au moindre désagrément. Il est notre Père.
O C'est Dieu qui décide de la fin du monde et non les hommes. Nous n'avons pas à porter le mal, entre autre écologique, sur nos épaules et croire que nous sommes appelés à sauver la planète. Le Christ l'a fait pour nous. Comme pour nous qui vieillissons, nous savons que nous allons mourir, mais ce qui ne veut pas dire que nous nous laissons, pour autant, mourir.
O Le Christ s'est incarné et nous devons, nous mêmes nous incarner. Comme les théologiens protestants qui ont tout axé sur la grâce, nous devons repenser la théologie actuelle à partir de l'incarnation et non à partir de la virtualisation de la société.
Ce ne sont que des esquisses, je ne suis pas théologien (bac -2). Je ne souhaite qu'une chose, c'est que le théologien ne se fasse pas une idée à partir de la berge que nous sommes en train de quitter, en croyant que la nouvelle berge ressemble à l'ancienne, mais qu'il retrousse ses bas de pantalons académiques pour se mouiller avec nous.
* La civilisation du cocon, Vincent Cocquebert, Ed. ARKHE, 2021
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