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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Cultures et fin des temps: parabole de l'entonnoir

6 Mai 2021, 08:00am

Publié par Henri Bacher

Cultures et fin des temps: parabole de l'entonnoir

Aujourd’hui nous vivons un profond changement culturel dû à la poussée des mass-médias électroniques, au fonctionnement en réseau électronique, à la montée en puissance des comportements archaïques. L'Église, pour survivre, surtout en occident, doit se poser des questions fondamentales. Nous ne sommes pas seulement dans une évolution de mentalités et de pratiques, mais c’est de changement qu’il faut parler. Changement comparable aux temps de la Renaissance, à la fin du Moyen-Âge.

Rénovation?
Lors d’un changement de ce type, il y a toujours deux tendances qui se profilent : celles des rénovateurs et celles des innovateurs. Luther a ses débuts était un rénovateur. Il voulait simplement bousculer l’institution catholique pour la rendre plus «missionnelle». Il a vite déchanté et comme il a été exclu de l’institution, il s’est transformé en innovateur. Les premiers chrétiens à Jérusalem étaient des rénovateurs. Ils fréquentaient le temple et se soumettaient même à certaines pratiques issues du judaïsme. Par la force des choses et sous la poussée des chrétiens d’Antioche, l’église est devenue innovatrice d’une nouvelle manière de vivre la foi.

Pour nous, au XXIème siècle, il ne faut pas investir trop de forces dans la rénovation, mais il faut innover dans tous les domaines, qu’ils soient théologiques, ecclésiologiques, pratiques, etc. Ce qu’il faut faire avec l’église actuelle, c’est de négocier des espaces de libertés pour pouvoir innover sans rompre la communion fraternelle. Par espaces de liberté, j’entends, espaces séparés et autonomes.

Les évolutions culturelles dans une perspective apocalyptique

Cultures et fin des temps: parabole de l'entonnoir

Nous avons tendance à garder le nez sur nos problèmes à résoudre sans les mettre dans une perspective historique. Avec cette parabole de l’entonnoir, j’aimerai partir d’une vision d’ensemble qui englobe à la fois les débuts des humains et la fin des temps, le point alpha et le point omega, le point bêta étant la tranche intermédiaire de l’expérimentation humaine, bêta faisant référence aux versions bêta de nos logiciels d’ordinateur. Dans l’espace «bêta» se développent les cultures et les civilisations successives qui progressent à l’intérieur de l’entonnoir du temps et de l’espace, par ricochets, comme la lumière dans une fibre optique. Mon entonnoir n’a rien de scientifique, c’est une parabole, une pâle image de la réalité pour aider à comprendre.

Nous sommes tous convaincus qu’il y aura du point de vue culturel, politique et religieux un rétrécissement de l’expérience humaine. Pour se faire comprendre l’antéchrist aura besoin de systèmes de communications uniformes, standardisés, accessibles à tous, sinon il ne pourra pas dominer tous les hommes. Mais la communication ne suffit pas, il faut également que la culture et le religieux suivent la même voie. Les cultures vont être un puissant vecteur de modélisation comportementale et aujourd’hui les «GAFAM» font partie de ces entreprises qui formatent en profondeur les humains en vue de la fin des temps. Nous chrétiens contribuons également à cette standardisation. Nous sommes probablement, «l’entreprise» la plus performante dans ce domaine. Si on calculait ce que l’ensemble des chrétiens dans le monde dépense par jour pour l’avancement du Royaume de Dieu, Google, Amazon, Microsoft, Facebook, Twitter, Instagram, TikTok, feraient figure de nains ! Nous avons de plus en plus une culture chrétienne homogène sur toute la planète et si vous parcourez Youtube, vous verrez des vidéos tournées en Corée du Sud qui auraient pu se tourner ici en France ou en Suisse.

L’image de l’entonnoir montre que du fait du rétrécissement final, les cycles des cultures deviennent de plus en plus courts. Au début de l’existence humaine, les civilisations peuvent atteindre de longues périodes. Maintenant, ces temps d’incubation et de développement se font de plus en plus vite, surtout à cause de l’impact de la communication électronique. Cette accélération des cycles culturels opère comme le mixer de nos cuisines. Le mixage à l’échelle planétaire, sous l’impulsion d’internet, de la télé, de la radio, de la téléphonie, va transformer les blocs épars de cultures en une «bouillie» malléable pour l’antéchrist.

Je ne veux pas m’étendre dans cette perspective apocalyptique, mais juste montrer, que le cycle de nos formes d’églises est étroitement lié à cette accélération. Après presque quatre siècles, les églises historiques de la Réforme sont en perte de vitesse. Le mouvement évangélique n’a guère qu’un siècle et déjà on constate un certain fléchissement, surtout sur l'hémisphère nord. Il est clair que les changements ne sont pas aussi linéaires et aussi mathématiques que je les décris. La civilisation des incas, en Amérique du sud, n’a duré que 150 ans ! Aujourd’hui le mouvement évangélique est en pleine expansion dans l’hémisphère sud. C’est une constatation qui pourrait contredire ma thèse, mais il faut aussi admettre que les évangéliques du sud se sont probablement mieux adaptés à ces nouveaux changements qui mettent en avant l’émotion et les expériences dites «archaïques».

La progression des cultures
On a tendance à croire que les civilisations se suivent et s’emboîtent comme des legos. Je préfère parler de progression par ricochets. Les civilisations sont comme une balle de tennis qui rebondit sur les bords d’un entonnoir et qui, sous l’impact, changent de direction. On pourrait aussi parler du coup du balancier. La culture n’englobe jamais l’ensemble de l’expérience humaine, surtout lorsqu’elle est étroitement liée à des leviers technologiques comme l’imprimerie et aujourd’hui les mass-média électroniques et internet. L’utilisation intensive de la technologie dans le domaine de la culture amène un appauvrissement indéniable et la foi réformée et évangélique classique a été amputée de tout l’aspect émotionnel à cause du rouleau compresseur de l’imprimerie. Tout se disait et s’expliquait à travers la page écrite. Comment expérimenter le rêve avec l’écrit ? On ne peut que le décrire ! Nous, les gens du livre, on est bien conscient de la pauvreté du contenu des réseaux sociaux comme Instagram ou TikTok : riche en émotion et vide de sens !

Ce qui m’intéresse le plus dans cette démonstration, c’est les points d’impacts, source de turbulences. C’est là que nous remettons le nez dans nos problèmes. Actuellement la civilisation change radicalement de direction, mais nous n’avons pas encore quitté les zones de turbulences. Nous avons réellement des problèmes de communication entre nous, des problèmes de langage et des concepts différents quant au développement de l’église. On ne peut prendre une bonne direction que dans des conditions de stabilité. D’où aussi nos tâtonnements actuels.

Un exemple historique peut nous aider dans notre recherche. Les débuts du christianisme se situaient exactement dans une zone de turbulences. Les juifs étaient sous domination romaine et bientôt le temple sera détruit. Ce sera aussi un changement radical pour tous les protagonistes de cette période. La «bi-culturalité» de l’apôtre Paul témoigne d’un autre aspect de ces changements en profondeur. Les premiers responsables chrétiens, issus de la première génération, après le Christ, pataugeaient littéralement dans leur transmission de l’évangile. On ne garde en mémoire que les hauts faits, mais on oublie vite les dissensions, les tentatives mal gérées. Un certain nombre d’évangélistes est parti sur la bande côtière vers le nord avec un message très apocalyptique. Ils annonçaient le retour imminent du Christ et certains ont même arrêté de travailler à tel point que l’apôtre Paul a dû les rappeler à l’ordre dans une de ses lettres. Finalement, c’est le modèle d’Antioche qui a eu le vent en poupe, bien loin de «Jérusalem». Les solutions pour l’avenir ne viendront pas des communautés issues de la Réforme ou des mouvements évangéliques classiques, mais elles émergeront loin de nos viviers d’origine.

Dans cette période instable, il ne faut plus investir dans des bâtiments, ni dans des plateformes internet très sophistiquées, ni dans des chaînes de télévision, à l’image des grandes chaînes nationales. Nous ne sommes pas au bout de l’évolution technologique. Par contre, il faut expérimenter, se donner les moyens pour mettre au point des prototypes de communautés. Il faut surtout passer du temps, pour ne pas détruire les anciennes communautés. La culture est très étroitement liée à l’identité d’une personne. Nous n’avons pas le droit de pousser constamment les croyants dans la nouveauté, à des rythmes de plus en plus accélérés. Nous allons casser des gens. C’est d’autant plus que je préconise de construire des communautés parallèles restant en communion fraternelle avec les anciennes structures. Favoriser «Antioche» tout en récoltant de «l’argent» pour aider «Jérusalem».

Les cultures parallèles
Dans le schéma de l’entonnoir les cycles de cultures sont parallèles, mais pas à intervalles différenciés. Celles qui se suivent directement sont asymétriques. La culture qui démarre actuellement est parallèle à celle qui a précédé la culture du livre.

Le système des valeurs
Les valeurs du christianisme transcendent toutes les cultures, d’où cette ligne médiane sur le schéma. C’est vite dit et vite écrit, nos valeurs sont facilement perverties par la culture. Nos liturgies s’articulent aussi sur des canevas culturels. Il est extrêmement important de faire un travail d’élagage pour faire émerger les valeurs éternelles du christianisme, sinon nous allons rapidement nous retrouver dans des impasses.

La course est ouverte
Vous l’aurez compris, je ne suis pas très favorable à la rénovation des églises. C’est une source permanente de conflits pour finalement arriver dans des évolutions qui ne satisfont personne. Je suis aussi réticent au patchwork culturel dans nos communautés. Ce n’est pas très unificateur. Il faut plutôt choisir et encourager des personnes qui ont envie de se coltiner à la réalité actuelle. A l’époque des Hudson Taylor, tout le monde n’était pas apte à aller en Chine. Il fallait avoir une sacrée vocation, une persévérance hors du commun. Aujourd’hui, il faut découvrir des missionnaires qui aillent dans la nouvelle culture, sans forcément y envoyer toute la communauté. J’ai parfois l’impression qu’on veut envoyer l’église entière en «Chine». Dieu nous demande d’être témoin, mais il met certain à part pour être missionnaire. Quels sont les missionnaires sur Youtube, Facebook, Instagram, TikTok, Twitter, etc. ? Ce sont des «territoires» virtuels qui parlent «chinois» pour la plupart d’entre nous ! Il faudrait déjà commencer par apprendre la langue … comme Hudson Taylor !

 

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