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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Comment revenir à l'essentiel pour faire communauté?

14 Octobre 2021, 08:00am

Publié par Henri Bacher

Comment revenir à l'essentiel pour faire communauté?

D'ailleurs, sait-on aujourd'hui ce qui est essentiel? Toutes les époques de l'histoire du christianisme, depuis les débuts, ont défini ce qui est essentiel, important pour le monde qu'ils étaient appelés à «christianiser». Dans les Actes des apôtres, c'était «allez par tout le monde et faites des disciples». Au Moyen-Âge c'était plutôt «pour être sauvé, suivez les rituels et activités liturgiques de l'église», avec les Réformateurs comme Calvin et Luther, on a mis l'accent sur le message extrait directement de la Bible, sans les fioritures ecclésiastico-spirituels de l'église catholique. Les «réveillés» du 19ème siècle, tout en mettant l'accent sur le retour aux sources de la Bible se sont beaucoup investi dans le social, à l'image de l'Armée du Salut, née à cette époque.

Arrêtons de «gloser»
Aujourd'hui, nous entrons dans une autre période historique. Je prône depuis longtemps que toute nouvelle avancée spirituelle commence par un délestage du passé, une simplification. Jésus l'a fait en réduisant le nombre impressionnant de lois religieuses judaïques, plus de six cents, en deux lois: «Tu aimeras le Seigneur et tu aimeras ton prochain. »

Les précurseurs humanistes des réformes calvinistes et luthériennes ont commencé par nettoyer le texte biblique en éliminant toutes les gloses ajoutées sur le texte même. Voici la définition de la glose selon Wikipedia: Une glose est un commentaire linguistique ajouté dans les marges ou entre les lignes d'un texte ou d'un livre, pour expliquer un mot étranger ou dialectal, un terme rare. Je me pose honnêtement la question, si mes vidéos, mes textes, soi-disant d'explication de la foi chrétienne ne ressemblent pas à ces gloses ajoutées au texte biblique par les religieux du Moyen-Âge. Certains de nos théologiens sont de grands spécialistes «gloseurs». Nos concerts de louange et autre spectacles pourraient peut-être plus noyer le texte biblique que le mettre en évidence.

Les réformateurs ont réduit drastiquement les activités liturgiques et cérémonielles héritées du passé religieux du Moyen-Âge.

Un fémur cassé
L'anthropologue Margaret Mead, à qui un étudiant demandait ce qu'elle considérait comme le premier signe de civilisation dans une culture, a répondu ainsi: lorsqu'on retrouve les restes de civilisation humaine, on définit souvent le degré de culture en analysant les outils utilisés, comme des crochets, des bols en argile ou des pierres à aiguiser. Pour moi, je considère qu'un fémur cassé, retrouvé sur un lieu préhistorique, qui a guéri, est la preuve que quelqu'un a pris le temps de rester avec celui qui est tombé, a guéri la blessure, a mis la personne en sécurité et a pris soin d'elle jusqu'à ce qu'elle se rétablisse. Aider quelqu'un à traverser des difficultés est le point de départ de la civilisation a expliqué Mead. La civilisation est une aide communautaire. (lu sur Facebook, transmis par Allaou Bakha).

Aimez-vous les uns les autres
Jésus, avec cette injonction, revient à l'essentiel de la foi chrétienne. Aimez, c'est prendre soin les uns des autres y compris de notre prochain qu'on déteste peut-être, qui nous est étranger.

En quoi cet exemple du fémur cassé peut-il nous servir?
Chaque période culturelle sera marquée par une dominante qui est en même temps une force et à plus longue échéance une faiblesse. Il faut admettre que la culture de l'écrit et de l'école est en train de vieillir terriblement. Comme la culture du Moyen-Âge est devenue, dans le siècle avant la Renaissance, un vrai marécage spirituel où l'on ne pouvait plus rien construire de solide et de durable.

Le Moyen-Âge, où peu de gens savaient lire, avait besoin d'un arsenal socio-culturel pour diffuser et maintenir la foi chrétienne: fêtes religieuses flamboyantes, rituels, liturgie, costumes religieux, pèlerinages, processions, images saintes, etc...

La Réforme, qui a été dans le nouveau trend de la culture montante, a misé sur le message écrit et lu. Ce qui fait foi, c'est ce qui est écrit, pas ce qui est de l'ordre du ressenti. Le message, prêché ou imprimé, construit selon des normes théologiques mis en place par la culture de l'école, est pratiquement le seul vecteur de communication de la Parole. Un jeune pasteur stagiaire, tout fraîchement sorti d'une faculté de théologie évangélique, me soutenait que l'essentiel d'un culte c'est la prédication. 

Jésus, bien avant Margaret Mead, a donné la consigne essentielle: prendre soin les uns des autres.

Comment revenir à l'essentiel pour faire communauté?

Faire passer le «prendre soin» dans son centre propulseur
Je parle bien de dominante. Aucune culture n'est capable de maîtriser et de diffuser en même temps et d'une manière équilibrée l'ensemble des activités humaines, culturelles, spirituelles. Elle va donc mettre l'accent à partir de son centre propulseur. Chaque période historique de l'église utilisera liturgie, message, le prendre soin. Au Moyen-Âge il y avait, par exemple, les frères prêcheurs, mais la prédication n'était pas le fer de lance de l'église, comme pour les réformateurs. Les «réveillés» du 19ème siècle avaient mis beaucoup l'accent sur l'aide aux pauvres, mais leur combat principal tournait plutôt autour du réveil. Ils cherchaient à rénover l'église par un réveil spirituel, fortement lié au ressenti de la foi. C'était ça leur propulseur principal. Aujourd'hui le «prendre soin» des pauvres est largement pris en charge par les services de l'état au travers des hôpitaux et des services sociaux. Apparemment, ce n'est plus un combat prédominant pour l'église. On défend bien les minorités sexuelles, mais ce sont des combats qui touchent un petit pourcentage de la population. On se lance dans l'écologie, mais là aussi, les pas-encore-chrétiens, n'ont pas besoin des chrétiens, ils sont très efficaces. Ce qui ne veut pas dire qu'il ne faut pas les appuyer, mais l'église a peut-être besoin de découvrir un combat que seule elle peut assumer pour le grand nombre et pas seulement pour des minorités.

Les gens autour de nous ont grandement besoin de conseils, d'écoute, de guérison intérieure, mais aussi de guérison physique. Ils ont besoin d'être reconnus, soutenus dans leurs déboires sentimentaux, conjugaux, familiaux, sur leurs lieux de travail. Souvent, nos compatriotes sont déconnectés d'un filet socio-culturel qui pouvait les aider. Ils sont parfois du temps seuls avec leur problème. Ils sont largués. Loin de leur terreau familial ou socioculturel.

Il est vrai que les centres de relation d'aide, comme Horizon9 à Genève, a grandement agi dans ce sens du «prendre soin», mais pour les activités de la communauté, ils se développent sur sa marge et non dans son centre propulseur.

Comment transposer cette réalité «fémorale» dans la vie d'église?

Comment revenir à l'essentiel pour faire communauté?

Pour cette partie explicative, je vous demanderais un peu de l'indulgence, même si la plupart de mes propositions relèvent d'une expérimentation à l'échelle réduite. Je vais probablement heurter vos convictions profondes.

1. La prédication n'est plus centrale pour le culte, elle est même reléguée sur la périphérie, ainsi que les études bibliques. Une des raisons, c'est que l'enseignement biblique peut se récupérer sur le net. Le pasteur devient aiguilleur pour indiquer les liens utiles à exploiter. Il n'y a donc plus d'activités liturgiques, même s'il faudra organiser la matinée. Il faut avoir en tête que nous sommes dans un monde païen, étranger au fonctionnement religieux quel qu'il soit. Ne faites pas ce genre d'activités cultuelles tous les dimanches, mais peut-être une fois par mois et faites un culte spécifique pour les «insiders» à un autre moment. Ce que nous proposons permet d'amener au culte des amis pas-encore-chrétiens. 

2. Traditionnellement, le pasteur va prêcher sur le besoin de prendre soin des autres. Nous, nous préconisons d'organiser la matinée cultuelle pour faciliter aux personnes l'expression de leurs besoins et qu'on puisse y répondre sur le champ, par la prière, par le conseil, peut-être aussi par l'entraide de type social.

3. Principe de base: les participants peuvent entrer et sortir de l'activité quand ils veulent. Toutes les activités commerciales, artistiques, culturelles laïques appliquent le même principe libre d’entrer et de sortir, à moins de devoir payer une entrée, mais qui n’empêche pas de quitter l’activité. C'est celui qu'appliquait Jésus et en plus il ne faisait payer aucune entrée. Nos concitoyens rechignent d'être enfermés dans une cérémonie rituelle qu'ils ne comprennent plus. 

Comment s'organiser pratiquement?

1. Commencez votre matinée par un café et des croissants ou autres friandises. Acceptez que ceux qui le veulent puissent être accompagnés par leur chien. Il y a beaucoup de personnes qui promènent leur animal favori le dimanche matin. Si vous avez à côté de l'église, un endroit pour faire pisser les chiens, c'est un extraordinaire bonus. Mettez à chaque table des personnes formées pour encourager les personnes à exprimer leurs besoins et leurs attentes. Ce n'est pas un accueil pour écouter plus tard un discours, ce sera l'activité principale pour discerner les besoins et y répondre. Ce sera fortement lié à un travail de prière, de conseils. Les personnes de l'église, à table, feront peut-être juste, à côté de l'accueil, un travail de détection des besoins et elles vont orienter les personnes vers d'autres qui prendront le relais. 

2. C'est possible d'y ajouter, dans un deuxième temps, un mini-concert ou la projection d'un clip vidéo de réflexion, mais en tout cas pas la projection d'un pasteur qui prêche. 

3. Vous pouvez aussi offrir, pendant ce temps matinal, des conseils spécialisés, avec des experts que vous invitez et payez, comme les conseillers d'aide d'une organisation comme Horizon9 citée plus haut ou des experts juridiques. 

4. Bien sûr, il faudra à partir de cette première «pêche» développer un accompagnement à long terme. 

Quelques pistes complémentaires
Vous pourriez faire de la publicité dans le quartier de l'église, en créant des matinées à thème: Vous envisagez de divorcer? Consultez gratuitement un expert juridique, un conseiller conjugal! Vous avez des problèmes avec vos ados? Consultez gratuitement nos conseillers en éducation! Vous avez des problèmes dans votre entreprise, consultez gratuitement un entrepreneur! Vous êtes malade, nous pouvons prier pour vous!


Conclusion
Je vous l'accorde, c'est un brin loufoque pour la spiritualité évangélique classique, mais pourquoi ne pas essayer? L'avantage, c'est qu'il n'y a presque pas d'investissements financiers à faire. Nous devons absolument innover en commençant par l'expérimentation.

#évangélisation #relation d'aide #horizon9 #conseils #care

 

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