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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Créons des «monastères» évangéliques

26 Août 2021, 08:00am

Publié par Henri Bacher

Créons des «monastères» évangéliques

Pour se ressourcer, je vous propose de faire un saut vers le Moyen-Âge central, (7 - 8ème siècle), ainsi qu'au temps de St François d'Assise (11ème siècle). Saviez-vous que la Bretagne et une partie de l'Europe de l'ouest ont été évangélisées par des moines irlandais? Ils ont fondé des villes comme Saint-Malo, Saint-Brieuc, Saint-Corentin. Ils ont commencé par implanter leurs monastères au fond des forêts. En ce qui concerne Saint François, il est sorti à poil de la cathédrale d'Assise pour aller rebâtir une église en ruine non loin de sa ville natale et fonder l'ordre des frères mineurs. Ce qui m'intéresse dans le monastère (1), ce n'est pas le concept monastique de vie méditative (vivre entre hommes ou femmes, avoir une vie de prière réglée comme une horloge), mais c'est leur capacité de contestation, non par le discours, mais par la pratique, de la société et de l'église, tout en se marginalisant par rapport à l'institution officielle, sans rompre les liens fraternels.

Pourquoi quitter le giron de l'institution officielle?
Toute église commence bien, mais au fil du temps, elle se charge de fardeaux qui ne sont pas toujours nécessaires pour la transmission de l'évangile. Ces moines celtiques ne voyageaient pas avec tout un attirail cultuel (autels, ustensiles, habillement sacerdotal). De plus, ils prônaient un christianisme décentralisé, contrairement au christianisme inspiré par le monde romain, très centralisé. Ils partaient avec les poches vides. Lorsque nous, nous implantons une nouvelle communauté, on a horreur de partir les poches vides, avec peu de soutien spirituel, de l'appréhension, la peur de l'échec et parfois de vrais échecs. Avoir les poches vides, c'est déjà commencer par travailler pour subvenir à ses besoins. Quels sont nos évangélistes et implanteurs de nouvelles églises qui sont prêts à bosser, comme les fondateurs de monastères? J'ai moi-même travaillé en entreprise plus d'une vingtaine d'années pour subvenir aux besoins de ma famille. L'intérêt de travailler de ses propres mains ou de sa propre tête, c'est de pouvoir laisser tomber, dans son ministère, ce qui n'est pas vraiment important. Il y aussi le fait qu'un certain nombre de personnes rejoignent une communauté pour en tirer un bénéfice, souvent matériel, mais si le fondateur a les «poches vides», mais le cœur rempli de compassion, ils vont peut-être mieux s'intéresser à l'essence de l'évangile.

Le monastère, surtout à l'époque où l'Église était déjà bien installée, était aussi une contestation de la puissance de celle-ci, de ses apparats, de ses rituels fastueux. En faisant vœu de pauvreté, ils contestaient le rôle de l'argent, en faisant vœu de chasteté, ils contestaient l'immoralité ambiante y compris dans l'église, en faisant vœu de soumission, ils contestaient l'insubordination. Bien sûr, il y a eu aussi beaucoup de dérives à l'intérieur de ces monastères. Aujourd'hui, surtout chez les évangéliques, nous avons une montée du «professionnalisme de pensée et de scène». Il faut de préférence un diplôme universitaire pour les pasteurs, une stature d'acteur, une carrure musicale pouvant rivaliser avec le monde de la scène musicale, un éclairage de night club, des chaises rembourrées pour pouvoir rejoindre le monde extérieur. Bref, on pense devoir construire des «cathédrales» de culte pour attirer le pas-encore-chrétien. Saurons-nous aussi contester cette course aux superlatifs?

L'exemple du monastère
Le monastère s'implante dans des endroits impossibles, improbables, mais bien sûr à côté d'une source d'eau. C'est-à-dire, qu'il ne faut pas non plus se projeter dans le rêve. Il faut s'implanter là où il y a des possibilités de développement. La vision du monastère, c'est de créer des modèles de spiritualité, mais aussi de développement économique. Les deux tendances sont étroitement liées parce que les gens à atteindre étaient dans les environs du monastère. Un implanteur de nouvelles communautés doit être vu par ceux qu'il veut atteindre, dans sa vie familiale, dans son activité «économique» (pourvoir aux besoins de sa famille). Il va devenir un modèle à imiter. Or, nous sommes encore au stade où le modèle reste scripturaire. Comme réformés et évangéliques classiques, nous mettons en avant le message et celui-ci, grâce au livre, à la prédication et maintenant au numérique est trop souvent détaché de la vie réelle. L'incarnation du Christ c'était de vivre parmi les gens. Nous devons faire de même et si le modèle devient petit groupe dans un quartier (au fond d'une «forêt») il sera visible et non virtuel. J'ai l'impression, qu'avec le numérique, nous créons une spiritualité virtuelle, alors qu'elle devrait juste représenter le «fond d'écran». Beaucoup de communautés rassemblent des croyants qui ne connaissent même plus le contexte de vie de celui qui est assis à côté de lui au culte du dimanche matin. Comment peut-il s'intéresser et aider son prochain, sans le connaître vraiment?

Les quatre piliers d'un «monastère» 
Prière. Elle devrait s'orienter, surtout, si elle implique des personnes extérieures au groupe l'aspect surnaturel: prière pour les malades, révélations sous forme de prophétie, d'images, de conseils inspirés. Le monde pas-encore-chrétien est de plus en plus sous l'influence de l'ésotérisme, des médecines liées à des pratiques occultes, de l'irrationnalité politique, etc... On n'entre pas là dedans, on propose un contremodèle sensible, émotionnel.

Fraternité / service. Fraternité spirituelle, mais aussi économique, conviviale. C'est le principe de l'entraide. Ils sont d'autant plus efficaces lorsque les personnes habitent dans un rayon très rapproché.

Formation. Il s'agit de la formation du disciple et c'est là que la Bible va être mise à contribution. Vous remarquerez que nous nous éloignons de la traditionnelle étude biblique par laquelle on intègre le nouveau venu. Nous évitons de faire entrer d'abord l'intéressé par le message. La formation concerne aussi le contact régulier avec la Bible, par les supports écrits, audio ou vidéo.

Évangélisation. Un «monastère» doit se multiplier ou se diviser dès qu'il atteint plus d'une dizaine de personnes.

Personnalité du «monastère»
Comme à la grande époque de l'essor des monastères dans l'église catholique, les réseaux monastiques ne se ressemblaient pas forcément dans leurs objectifs ou même dans leur expression de la foi. On pourrait développer des «monastères» artistiques, théologiques, sportifs, culinaires, mécaniques (réparation de voitures!), écologiques, politiques, etc... Tout dépend des talents de l'initiateur du «monastère».

Connexion avec l'église institution
Le monastère n'était jamais conçu pour concurrencer ou supplanter l'église ni pour servir de pompe aspirante pour celle-ci. Il se positionnait pour atteindre les gens d'une autre manière. 

(1) Je parle ici des monastères ouverts, pas comme, par exemple, celui de la Grande Chartreuse qui vit complètement coupé du monde.

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