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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Les missions devraient s'inspirer de la débâcle des occidentaux en Afghanistan

31 Août 2021, 08:27am

Publié par Henri Bacher

Les missions devraient s'inspirer de la débâcle des occidentaux en Afghanistan

Les occidentaux ont investi des sommes colossales en Afghanistan pour faire bouger les curseurs de la démocratie, de l'économie, les droits de l'homme, l'émancipation des femmes et des filles. Pour quel résultat? Les missions occidentales ont aussi investi des sommes colossales dans leur travail dans l'hémisphère sud. J'ose à peine demander pour quel résultat en profondeur et à long terme. Bien sûr, on a fait beaucoup de bien sur le moment même, mais j'ai l'impression que ce n'était que du «sparadrap» spirituel et de plus qui a favorisé sur place pas forcément les plus démunis, mais ces classes moyennes qui avaient déjà une position de privilégiés et qui avaient accès à la pompe à fric. Vous me voyez très critique, mais je connais assez bien la réalité, puisque j'ai travaillé pendant presque cinq ans, dans ce que j'appelle une multinationale de l'évangile actif dans l'hémisphère sud.

Pourquoi tant de gâchis?

Rassurez-vous, je ne me venge pas, puisque mon séjour «missionnaire» a eu lieu il y a plus de trente ans, mais je peux vérifier aujourd'hui que l'organisation pour laquelle je travaillais est morte cliniquement malgré l'apport, pendant des décennies, de financements de l'extérieur très conséquent. En occident, on est terriblement influencé par cette idéologie qui veut qu'en investissant, financièrement parlant, on produit de la richesse et pas seulement dans le domaine économique. C'est une idéologie qui n'a rien à voir avec l'évangile. A ce stade, il faut faire la part des choses. Les montants d'argent qui ont été envoyés dans l'hémisphère sud, par les églises, pour aider et soutenir les pauvres, sont probablement bien supérieurs aux finances données par des états et des multinationales. Je ne suis pas contre les financements, mais il faut être sage et prudent et il faut aussi accepter que ça n'a pas toujours été bénéfique sur le terrain.

Il faut admettre que nous avons souvent pourri les institutions et les personnes que nous voulions servir. Je me rappelle, qu'à l'époque de mon séjour dans un pays de l'Amérique du sud, un membre du conseil de mon organisation, m'a invité, juste avant une période de congé en Europe, pour me montrer des plans pour construire des gloriettes, dans un camp de vacances qui se trouvait sur une des plus belles plages du pacifique. Un parasol aurait largement suffit, mais le camp était destiné de facto à la classe moyenne de la capitale. Bien sûr, que je n'ai jamais fait d'appels d'argent pour ce genre de «coquetterie». Le problème, c'est qu'en revenant, je n'étais pas forcément perçu comme un grand bienfaiteur, puisque je n'ai pas ramené le moindre financement pour l'institution. La mission de l'église se vit aussi avec des personnes, qui ont des égos, des besoins, des rêves. Ne pensez pas que je suis meilleur que tous les autres, moi aussi j'ai souvent poursuivi des rêves, des utopies. Ce petit exemple, c'est juste pour montrer que Dieu doit travailler avec la pâte humaine qui n'est pas toujours idéale.

Un des grands problèmes dans l'église de l'hémisphère sud, c'est la corruption. Pas celle en relation avec le vol, le détournement de fonds à des fins propres, mais cette corruption passive, où les membres d'un comité directeur vont faire profiter leur entourage des mannes occidentales, comme par exemple, pourvoir financer un séjour à leur progéniture à l'étranger, sous couvert d'approfondissements spirituels, alors que ce ne sont que des «vacances». Comme on jauge les églises d'après nos propres standards européens on a de la peine à comprendre. Il faut aussi accepter que nos standards éthiques occidentaux ne sont pas toujours ceux de l'évangile.

Quelques conseils

1. Ne pensez jamais qu'un investissement financier important de départ va favoriser la croissance de l'église ou de la mission. Surtout, évitez de financer des bâtiments, piège à fric, lorsque les gens du lieu ne sont pas prêts à financer aussi les réalisations, mais ce conseil vaut aussi pour les communautés européennes. A ce stade, il faut faire la différence entre un endroit où il n'y a pas de chrétiens et celui pourvu de communautés chrétiennes. Il n'y a qu'une rare mention, d'un transfert de finances vers Jérusalem, c'était un cas d'urgence humanitaire (Romains 15:26). C'était l'inverse de ce qui se passe aujourd'hui. Ce sont les nouvelles églises de Macédoine et d'Akaïe qui ont financé l'église d'envoi. Imaginez les églises du sud qui vont financer l'évangélisation en Europe. Ça viendra un jour!

2. Financez des ministères, juste pour des questions alimentaires. Au besoin, donnez des finances de fonctionnement (non alimentaires) pour amorcer, pas pour soutenir à long terme. Aujourd'hui, dans l'hémisphère sud, comme en Europe, nous sommes culturellement dans des espaces instables qui évoluent très vite. L'avantage des réformateurs comme Calvin et Luther, c'est qu'ils ont récupéré des bâtiments existants. Les «réveillés» du 19ème siècle ont souvent commencé dans des espaces privés, comme des fermes ou des appartements. L'église de la Porte Ouverte à Mulhouse a démarré dans un dépôt de marchandise appartenant au fondateur*. 
Je me suis bien rendu compte qu'on m'a fait venir au Pérou parce que, venant d'un pays riche, je pouvais être une source de financement. Sur place, il y avait bien des personnes plus compétentes que moi. Heureusement que j'ai aussi compris que Dieu ne s'était pas trompé, mais ça c'est une autre histoire et ce n'était pas pour les raisons évoquées lors de mon engagement.

3. Ne faites pas d'emblée confiance à des personnes qui viennent auréolées d'un soi-disant prestige spirituel. J'ai assisté, il y a quelques années à une conférence, en France, où un pasteur mexicain était invité comme orateur principal. C'était un brillant communicateur qui avait même ressuscité des morts, selon ses dires. D'ailleurs, il avait fondé un chapelet de communautés. Et pour être ancien dans une de ces communautés, il fallait avoir ressuscité un mort! J'ai fais deux séjours de plusieurs semaines au Mexique, mon fils y était actif dans un programme missionnaire, je n'ai jamais entendu parler, au Mexique, de ce pasteur, malgré mes investigations. Bon, c'est vrai que le Mexique est un pays immense, mais il me semble que ce genre d'évènement se saurait.

* Maintenant mon coeur te voit (page 53) Jean Peterschmitt Ed Philadelphie

Notre expérience personnelle pour un financement de type «envoyé en mission» (à partir de 02:15)

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