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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Comment réactualiser une ancienne communauté?

12 Août 2021, 09:19am

Publié par Henri Bacher

Comment réactualiser une ancienne communauté?

Nous ne parlons pas de rénovation qui serait simplement de garder les anciennes structures, les contenus culturels, théologiques et sociologiques comme si on gardait les anciennes chambres d’une maison, tout en passant un coup de pinceau et en leur attribuant une nouvelle fonctionnalité, une nouvelle décoration. Nous proposons seulement de garder les fondements, le toit et les murs porteurs de la «bâtisse église». Il ne s’agit, bien sûr, pas de travaux immobiliers, mais de reconstruction symbolique, stratégique.

Pourquoi réactualiser au lieu de rénover?

Les premiers chrétiens de Jérusalem voulaient être des rénovateurs de la foi juive. Au début, ils fréquentaient encore le Temple, mais ce sont les chrétiens d’Antioche qui ont pris le relais et ils ont réactualisé totalement le message de la Bible, mais aussi le fonctionnement d’une communauté chrétienne, ainsi que la spiritualité personnelle du croyant. Sans ce changement, la foi chrétienne n’aurait jamais pu se répandre sur la terre entière.

Le réformateur Luther, au début, voulait juste rénover l’église catholique de son époque. Au fil des conflits avec sa hiérarchie, il a complètement réactualisé le contenu de l’église tout en gardant, les fondements, le toit, les murs porteurs résumés dans le Credo, commun, encore aujourd’hui, avec l’église catholique. Nous sommes, actuellement, dans la même situation. On peut tout à fait rester dans son ancienne «bâtisse église», comme l’ont fait les catholiques du temps de Luther, tout en rénovant un peu les «chambres». Pourtant pour percer, il faudra bien que nous actualisions nos contenus théologiques, nos spiritualités personnelles, nos conceptions ecclésiologiques.

La réactualisation du message de la conversion

Nous plafonnons dans l'évangélisation parce que nos appels à la conversion ne s'accrochent plus dans la réalité des gens. C’est comme si nous voulions fixer une bande Velcro sur un support qui ne comporte pas l’interface adéquate. Nos concitoyens ne sont plus catéchisés, donc, ils n’ont simplement plus le vocabulaire pour comprendre nos propositions, sans parler de la structure théologique. On cite souvent l’eunuque éthiopien évangélisé par Philippe (Actes 8), mais celui-ci revenait de pèlerinage à Jérusalem et lisait un texte sacré. Corneille, le romain, s’est converti avec Pierre parce qu’il était déjà en contact avec la foi juive (Actes 10). Ce sont comme des poignées que les premiers évangélistes ont pu saisir.

Il faudra accrocher notre message chrétien à de nouvelles poignées. Une des solutions c’est de mettre l’accent, au départ, sur la Création, deuxième livre de Révélation (Romains 1:20). L’écologie nous a ouvert un boulevard. Je ne parle pas ici de l'importance de la protection de la nature, les pas-encore-chrétiens s’en occupent très efficacement. Dans notre blog, vous trouverez, des idées de prédications qui s’inspirent du «théomimétisme»: copier la Création pour parler de l’action de Dieu sur la terre.

La réactualisation du type de rassemblement

La majorité des chrétiens évangéliques n’ont plus de culture ecclésiastique homogène comme par le passé. A passé par là, le charismatisme des années septante, la culture musicale, qui a évolué d’un chantoir classique, vers la musique rock, pop-rock, le slam tout en reprenant d’anciens standards issus des Réveils du XIXème siècle. La prédication a moins évolué, mais avec l’apparition du numérique sont entrées en scène de vrais stars de la scène comme Joyce Meyer, véritable showoman. S’y sont glissés les thaumaturges comme Carlos Payan où tout est possible à Paris. Frédéric de Coninck, un théologien mennonite, ancien enseignant dans une faculté de théologie évangélique, qui parcourt le Chemin de Compostelle et écrit un livre sur sa pratique. Ėric Zander, promoteur de communautés émergentes en Belgique, avec des églises sans murs, anime aussi un club de motards avec sa BMW de 1100 cm3. Comment ne pas mettre en question le sacro-saint culte évangélique avec quatre chants de louange, une prédication ex cathedra et une cérémonie de Sainte Cène avec gobelets en plastoc, honnis par les protecteurs de l’environnement? Voilà la quadrature du cercle à résoudre!

Quelques pistes

Une communauté vaudoise de Suisse romande, vient de me donner une idée intéressante.  Elle est en train de mettre au point des groupes de personnes qui se rassemblent selon leur affinités socio-culturelles: spirituelles, artistiques, culturelles, sportives, éducatives et tout autre intérêt. Elle prend en compte la diversité culturelle des personnes que nous voulons contacter. Les cours Alpha qui ont été très performants et le sont encore, misent, pour évangéliser, sur un programme uniforme, comme dans le scolaire. Un seul programme pour tous les groupes, liés à un livre à étudier qui sert de fil conducteur. Nous, nous proposons la diversité des formes de socialisation, mais aussi de contenu spirituel. Pas sous forme de livre, mais de contenus et de supports à réinventer.

Comment créer une communauté liturgique du dimanche matin avec de telles disparités?

C’est là le défi principal. Si vous pensez pouvoir, même en adaptant un peu votre culte, intégrer tout ce monde, vous allez au-devant d’un échec. Faut-il donc éliminer le culte dominical? Absolument pas, mais il faudra créer un patchwork de possibilités. En commençant par ce qui est essentiel, non négociable. La prédication n’est plus l’élément liturgique le plus important, puisqu’on peut récupérer sur le net, un nombre impressionnant de contenus bibliques et autres. La louange, non plus, puisque le net regorgent de prestations musicales de très haut niveau. Que reste-t-il et qu’on ne trouve pas sur le net? La prière et le partage communautaire. La notion du contact physique visuel. Pouvoir «se toucher» ou se tirer par la manche. Imposer les mains pour les malades dans une relation de confiance. Pouvoir regarder l’autre les yeux dans les yeux. Sur le net, on reste dans le virtuel.

Les groupes disparates ont la fonction de tendre la main du Christ à l’extérieur de l’église et de former des disciples, c’est à dire des personnes qui pratiquent la foi chrétienne, pas des gens qui s’intègrent en premier, dans une structure ecclésiastique, une communauté avec pignon sur rue, avec sa liturgie. Le culte du dimanche matin, ne servira plus comme lieu d’enseignement (par la prédication), mais sera très utile pour donner la conviction de faire partie d’un corps spirituel (celui du Christ) qui transcende les petits groupes. 

Quelques idées

Le dimanche matin devrait ressembler à une place de marché. Les gens qui y viennent n’ont pas tous les mêmes intérêts. Pensez-vous réellement que Dieu a besoin d’un acte liturgique chronométré pour être satisfait? Gardons en tête, que le vrai but d’un culte, c’est de se retrouver en famille. Si Dieu est notre Père, son plus grand plaisir c’est de voir ses enfants se réunir pour discuter, manger ensemble, s’échanger des tuyaux, s’entraider, se conseiller, porter les fardeaux des uns et des autres, échanger des secrets difficiles à partager avec tout le monde. On a réduit le «manger ensemble» à écouter un enseignement de type scolaire. Le culte du dimanche matin devrait, justement, s’organiser comme une rencontre de famille et non comme un rituel à respecter. Donc pour être pragmatique, on pourrait imaginer qu’on organise un culte classique avec liturgie chronométrée mais qui ne serait qu’une des possibilités offertes. D’autres personnes auraient peut-être envie d’écouter des témoignages tout en buvant un café, d’autres encore souhaiteraient chanter de vieux chants traditionnels, d’autres encore chercheraient qu’on prie pour eux, d’autres auraient besoin d’un conseil avisé pour leurs ados, pour leur couple, pour leurs affaires économiques. Une sorte de bourse d’échange. Les groupes externes ont des compétences, mais auront souvent besoin d’un cercle plus large de compétences. Ma proposition vous paraît utopique, voire loufoque, mais regardez comment le Christ a fonctionné dans son univers socio-culturel judaïque. Ne devrait-on pas retrouver cette liberté de «circuler», de «naviguer» parmi les gens d’église?

Les limites de mes propositions

Évidemment, c’est plus simple, de payer un pasteur qui prêche et organise le rituel à lui tout seul, que de devoir former des personnes qui vont démultiplier l’action du Saint Esprit. Il faudra une sacrée organisation, mais aujourd’hui nos concitoyens sont habitués au service à la carte.   

 

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