Le «miraculeux» pour répondre à l'attente de nos contemporains
Un des principaux obstacles pour qu’un pas-encore-chrétien entre dans une communauté chrétienne, c’est le rituel qu’il doit se farcir et qui lui est complètement étranger. Par rituel, j'entends toute activité programmée pour tendre vers un but, celui de mettre les gens au contact avec Dieu: louange, prière, lecture du texte biblique, prédication, Sainte-Cène, geste liturgique. Pour le culte, ça ressemble à une autoroute qu’on emprunte, balisée, cadrée, limitée. On entre par un bout et on ne peut sortir qu’aux endroits autorisés et balisés. Pour des personnes qui acceptent que c'est le prix à payer pour faire plaisir à Dieu ou pour obtenir une certaine bénédiction, ça peut encore se justifier, mais les gens extérieurs à l’église ne se sentent plus obligés de suivre un rituel religieux. Comment peuvent-ils comprendre que le culte peut être lié à une bénédiction? Ils prennent un culte comme une activité socio-culturelle au même titre que la visite d'un musée. Pour se faire plaisir, mais de là à penser que le culte nous connecte à l’au-delà, c’est un pas de foi. Et comment passer de la «visite du musée» à l’expérience avec le divin?
Ce n’est pas le rituel qui pose problème
Chaque être humain suit des rituels. C’est inné à l’homme et même la nature est faite de rituels. Le soleil se lève et se couche et on peut même définir à l’avance à quelle heure il va le faire. C’est un rituel, sauf que le Créateur a pris soin que, malgré le rituel immuable, il ne se montre jamais de la même façon. Les fans de football ont des rituels, des chants, des habillements, des comportements qui leur donnent l’impression de faire corps avec une «cérémonie».
Toute religion est construite sur et avec des rituels. Ils sont pensés pour amener le croyant dans un monde supra-spirituel. On lui promet qu’il peut se contacter avec le divin au travers du rituel: toucher une relique ou s’asperger d’eau bénite procure une bénédiction. Parcourir un chemin de pèlerinage, estampillé “saint” donne le salut. Par exemple, aller à Saint Jacques de Compostelle n'a pas la même signification que de faire le même nombre de kilomètres, dans un paysage quelconque, tout en méditant. On a “chargé” le rituel comme une batterie qu’on charge en électricité. Le protestant/évangélique a en horreur ce genre de pratique. Pour contrer, il a “chargé” la batterie du croyant avec une série de doctrines, de raisonnements très raisonnables, de montages intellectuels. On “pense” Dieu au lieu de le ressentir dans ses tripes. Une batterie est faite pour alimenter une lampe, un moteur, un smartphone. Aller à l’église pour “charger” sa batterie au moyen du rituel émotionnel ou intellectuel, sans jamais l’utiliser, c’est comme écouter une prédication, prendre la Sainte Cène, sans jamais mettre en pratique ce qu’on a compris. Suivre un concert, sans mettre en pratique, c’est comme tremper ses doigts dans un bénitier. On pense que ça suffira. Ce n’est donc pas le rituel qui pose problème, mais le fait qu’il reste “rituel” sans produire des changements de vie.
La construction de pseudos rituels
On se rend bien compte que dans l’église, les anciens rituels n’attirent plus. Donc, on copie les rituels du monde des loisirs. On reproduit ceux d’un concert laïque: les mêmes styles de musique, les mêmes déhanchements, la même gestion de l’espace scénique. La même relation avec le public, sous couvert de connexion avec Dieu. L’ambiance d’un concert de louange chrétien est vite estampillée comme le résultat de l’onction du Saint-Esprit. C'est ce que j’appelle “charger” un rituel d’un pouvoir supérieur qui n’est plus de l’ordre du culturel. Ne me faites pas dire, ce que je n’ai pas voulu dire. Nous avons besoin de nous adapter à la culture musicale contemporaine, mais je ne pense pas qu’il faille gonfler notre activité socio-culturelle chrétienne en la “chargeant” d’une puissance spirituelle qu’elle n’a pas. Je lie le surnaturel aux dons spirituels, pas au rituel même. Dans nos concerts de louanges, on encourage souvent les croyants à «tremper leurs doigts» dans l’eau bénite et on est satisfait. Là où il faut être satisfait, c’est lorsque le croyant, après le concert demande pardon, règle sa vie, part avec une nouvelle espérance qui se traduit par des actes concrets dans sa vie.
Que faut-il donc entreprendre?
Je pense qu’il faut reconstruire l’aspect surnaturel, “miraculeux” de la foi. Ce quelque chose qui ne s’explique pas vraiment d’une manière raisonnable. La diffusion de l’évangile de la bonne nouvelle du Christ a commencé par un phénomène de langues de feu et de la compréhension du message dans sa propre langue. Bien sûr, Pierre a continué avec un discours. Le discours étant une réponse au phénomène surnaturel et non le contraire. Dans nos communautés nous avons gardé le discours, plus facile à gérer que la partie surnaturelle. Certains chrétiens au XIXème siècle, avec la théologie des dispensations, ont réglé facilement ce problème. Ils ont décrété que le «miraculeux» était pour les premiers chrétiens et plus pour aujourd’hui. Je vous concède que la gestion du miraculeux peut être très casse-gueule, mais si nous voulons intéresser des personnes extérieures à nos communautés, il faudrait peut-être habiller nos rituels d’une pincée de «surnaturel». Le problème, c’est que nos contemporains cherchent ce surnaturel dans les médecines parallèles, dans l’astrologie, chez les diseuses de bonne aventure, chez les guérisseurs, dans des pratiques ésotériques, etc. parce que nos rituels évangéliques sont vides de surnaturel.
Comment procéder dans la pratique
Premier conseil
Si vous ne faites pas partie d’une communauté qui pratique publiquement et régulièrement les dons spirituels de 1 Corinthiens 12, n’introduisez pas le «miraculeux» dans vos activités régulières, vous allez perturber et déséquilibrer votre communauté. Commencez par organiser des activités parallèles, tout en indiquant, que l’ancienne manière de pratiquer la foi, n’est pas à mettre au rencart. Présentez la nouvelle activité comme un laboratoire expérimental pour rejoindre les gens de l’extérieur.
Deuxième conseil
Sélectionnez des chrétiens confirmés en qui vous discernez des personnes ayant un don spirituel, comme le don de guérison, de prophétie, de vision, de discernement, etc... ou bien envoyez des personnes sensibles à ce genre de possibilités, dans des communautés qui ont la pratique de cette manière de faire.
Troisième conseil
Constituez une mini-communauté d'expérimentation, avec les “sélectionnés” pour vous faire la main.
Quatrième conseil
Lancez-vous en prenant le début des Actes comme référence. Dans l’évangile, Jésus a d’abord nourri la foule avant de délivrer le message : «Je suis le pain de vie.» Nous, on fait le contraire, on fait d’abord un discours pour trouver des solutions par après. Ce n’est pas faux en soi. Invitez des personnes-pas-encore-chrétiennes à chercher des réponses non par le «discours», mais par des réponses surnaturelles: dans le domaine de la santé, de différents choix de vie, de décisions à prendre pour l’avenir, de soucis à régler avec son conjoint, avec ses enfants. Ce n’est pas une solution ou une stratégie miracle. Le monde est toujours aussi difficile à pénétrer avec l’évangile, mais il me semble que nos contemporains sont plus sensibles à ce genre de propositions qu'à l'écoute des “discours”.
Cinquième conseil
N’essayez pas d’introduire ces nouveaux «adeptes» dans l’ancienne communauté. Vous allez les décourager. Construisez une nouvelle manière de faire communauté sur la base de leur expérience récente. Organisez des ponts entre les deux mondes qui ne soient pas basés sur des rituels cultuels communs ou faites quelque chose de très simple, basique, juste pour marquer le coup.
Une idée
Proposez aux voisins de l’église de prier pour eux pour les encourager. N’employez pas le terme de prières, trop connoté religieux de type catho ou réformé. Changez de vocabulaire en ciblant la notion surnaturelle : “Trouvez avec nous l’énergie spirituelle pour résister à la grisaille ambiante”. «Nous sommes équipés spirituellement pour vous aider.» Sous-entendu: nous sommes connectés à des forces supérieures. Terme qu’il faudra bien expliciter avec les personnes qui viennent demander la prière, pour ne pas rester dans la conception ésotérique de notre monde actuel.
PS: Je ne suis pas un militant de la New Apostolic Reformation (NAR). Ce mouvement prophétique qui s'est mélangé les pinceaux avec l'élection d'un certain président américain. Je veux juste mettre l'accent sur 1 Corinthiens 12, d'une manière simple, non spectaculaire.