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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Pour un ou une responsable de communauté comment vivre nos déséquilibres socio-culturels?

25 Avril 2024, 07:00am

Publié par Henri Bacher

Dans nos ministères, nous sommes chahutés et je pense que beaucoup de pasteurs en souffrent et certains en parlent ouvertement. Voici donc quelques clés, juste, avant tout, pour comprendre d'où vient ce déséquilibre. À ma connaissance, je pense qu'aucune instance formatrice ne traite cette problématique. Dans ce post, le mot pasteur concerne aussi les dames! 

 

Nous sommes entre deux pôles qui interagissent
Ces deux pôles se sont souvent ignorés mutuellement, pour ne pas dire combattus. Nous proposons une visualisation de type caricatural pour mieux saisir la réalité. À vous d'y apporter les nuances nécessaires. Pour plus de compréhension, nous avons simplifié le vocabulaire en sortant aussi d'une définition qui colle au mot. Pour nous, «Charismatique» recouvre plutôt le pôle sensible de la spiritualité lié à l'émotion et par extension aux dons spirituels. Nous prônons l'entrée dans l'ère du Saint-Esprit qui met l'ère de la parole écrite dans un rôle 
complémentaire, alors qu'elle était la reine de nos spiritualités.
Notez que j'ai mis «parole» en minuscule. Par «Évangélique», c'est le pôle froid, plus doctrinal, analytique, systématique, lié à la compréhension d'un texte fondateur. On peut aussi y mettre le réformé classique.

 

Quelques réflexions complémentaires pour comprendre le fonctionnement de ces deux pôles
 

Nous partons du lieu où le pasteur étudie et formule ses messages. Il est assis, concentré sur ce qu'il pense. Il consulte des livres, ce que d'autres ont pensé et formulé. Il va peut-être parcourir les réseaux sociaux pour se faire une idée, mais il n'est absolument pas mobile physiquement. Il ressemble au scribe du monastère catholique.

Avant tout, il «pense» la spiritualité et avant de la mettre en pratique, il vérifie que ce qu'il formule est «juste». Il prône la Vérité. Le pasteur est un spécialiste du mot, de la phrase théologique. Ne vous faites pas de soucis, j'opère de la même manière en écrivant ce post. Cette remarque, je la fait pour montrer qu'on ne peut jamais faire abstraction de son contexte socio-culturel. L'important, c'est de comprendre que nous sommes terriblement partiels, qu'on soit évangélique ou charismatique. Pourtant, chaquer développement culturel développe des axes principaux. Pour la culture de l'écrit et de la lecture qui se marginalise à vitesse grand V, c'est la PENSÉE qui était dominante. L'approche théologique ressemble plus à une articulation philosophique qu'à une révélation spirituelle qui sort du milieu d'une pratique en phase avec son environnement et comme celui-ci, pour la constitution de ses messages, ressemble à une bibliothèque, vous comprendrez rapidement la limitation de son ministère. Ça a bien fonctionné dans une culture formatée par le système scolaire.

Le «charismatique» part aussi de son lieu. Il est dans un monde mobile. Notre culture actuelle a comme base de fonctionnement la mobilité dans tous les domaines. Cette mobilité inclut les relations de couples, de familles. Il y a même une mobilité des croyants entre les communautés. Un chrétien d'une communauté classique, participera à des concerts du groupe catho Glorious, ira à Taizé, fréquentera à l'occasion une communauté plus «chaude» comme Hillsong, tout en restant, peut-être, dans son environnement cultuel traditionnel.

Le grand champion de la mobilité était le Christ. Il ne faisait que ça: circuler parmi les gens, les situations. Comme Fils de Dieu on pense souvent que sa théologie, il l'a apportée du ciel comme un «logiciel spirituel» préinstallé, dont il allait juste se servir puisqu'il avait le code d'accès direct. Peut-être, mais je pense plutôt, qu'il a aussi dû élaborer sa théologie en situation et j'en veux pour preuve l'épisode de la femme adultère relaté en Jean 8:1-11. Je fais aussi le parallèle avec Hébreux 5:8 où il est dit que le Christ a dû apprendre par la souffrance.

Dans l'épisode sus-mentionné, pour donner une réponse à ses détracteurs, Jésus fait une pose et se met à faire des traits sur le sol, avec son doigt. Il refait deux fois ces gestes de type graphique. Pour moi, il utilise une technique que beaucoup d'artistes mettent en pratique: il se concentre à partir d'une activité avec ses doigts. Ma femme, qui caricature sous le pseudo de Ma', a passé sa scolarité à gribouiller sur du papier tout en écoutant sa prof. Si je relate cet épisode, c'est surtout pour montrer que Jésus réfléchit, pense en situation. Il ne recrache pas ce qu'il aurait pu entendre à la synagogue. Les maîtres de la loi répètent ce qu'on leur a appris. C'est ce que font souvent nos profs de faculté. On forme de bons répétiteurs d'Évangile qui respectent la Vérité-formulée-selon-les-critères-officiels. Comme dit plus haut, ça a fonctionné, mais maintenant, on aurait besoin de pasteurs et de pasteures qui élaborent des théologies, des messages, des pratiques en situation, en se coltinant à et avec ce que les gens vivent.

Le dilemme, le casse-tête

Nos responsables sont formés à penser. Leurs têtes sont 
volumineuses, disproportionnées par rapport à l'ensemble du corps (en mouvement / mobile). Comme ils sont restés assis pendant toute leur formation entre deux pages de livre ou de Bible, ils ne savent pas pédaler, jongler avec les circonstances, les idéologies, les croyances. Et surtout, on ne leur a pas appris à s'équilibrer dans la vie. Ne parlons pas de la vie culturelle. Conséquences?
Ils sont déséquilibrés dans leur pensée, mais aussi dans leur pratique. Le pire, c'est que certains, de par leur personnalité, maîtrisent très bien le «monocycle culturel», mais comme leur formation théologique, ne leur a pas appris à élaborer une nouvelle théologie «cycliste», ils se mélangent les pinceaux. Ils enseignent une spiritualité qui n'est plus adaptée à la mobilité. Or, Dieu est le Créateur d'une création qui est tout sauf statique. Ce sont les humains qui sont obligés de mettre tout en «boîte théologique» pour mieux diffuser leur pensée. C'est aussi plus facile d'enseigner une matière bien paramétrée et standardisée.

Notre concept d'élaboration et de création
O «Pédaler» avec nos concitoyens consiste à utiliser pour nos messages des paraboles tirées de ce que les gens connaissent, de ce qu'ils voient sur les réseaux sociaux. Nous ne mettons plus en avant le texte biblique comme porte d'entrée à la spiritualité. Même s'il peut encore fonctionner comme impact premier dans certaines circonstances. Pour une raison toute simple, c'est que nos concitoyens lisent de moins en moins, ne connaissent plus le vocabulaire biblique, ne prennent plus la Bible comme une référence, comme autorité. C'est un livre qui a autant de valeur qu'un bon Nobel de littérature, mais sans plus. Le christianisme et la Bible sont honnis par la majorité. Par contre, toutes nos productions doivent se contrôler, en arrière-plan, par le texte biblique. Nous devons redécouvrir les vraies questions: pourquoi pédaler? Quel sera le parcours? En rond, dans un vélodrome, dans un circuit appelé église? Quel sera le but? Où se trouve-t-il?
O «S'entraîner». Un équilibre ne s'acquiert pas en pensant, mais dans la pratique. Lorsque nous parlons de communauté de palier, ce n'est pas un concept théorique, mais nous l'élaborons à partir d'une expérience faite sur un vrai palier d'immeuble. 

En conclusion: une histoire complètement laïque pour illustrer l'importance de raisonner et de penser en situation, ce que le conteur appelle l'intelligence du vivant.

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