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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Les dérives en vue dans nos communautés avec la culture numérique

22 Avril 2024, 07:00am

Publié par Henri Bacher

Nous sommes les premiers à encourager nos communautés à se ressourcer dans la spiritualité du Moyen-Âge, mais en même temps nous voulons attirer votre attention qu'on ne peut pas s'inspirer de cette période historique sans trier le bon grain de l'ivraie.

Notre concept d'inspiration pour se renouveler
Nous le résumons avec cette phrase extraite d'un de nos posts:

Aujourd'hui nos «cépages» théologiques ont besoin de se renouveler dans le passé et j'irais beaucoup plus loin que les réveils du 19ème siècle. Il faut aller au Moyen-Âge, surtout à partir du 10ème siècle. Ce n'est pas parce que les 14ème et 15ème siècle ont produit de la «piquette» spirituelle qu'il faut négliger les belles réalisations d'avant.

Nous allons vous présenter deux types de dérive
La première est un relookage d'une pratique très catho et qui épouse la technologie du numérique: le fait de brûler un cierge à l'église. Je vous rappelle que les zurichois ont largement plébiscité le réformateur Zwingli, parce qu'il a aboli le trafic des cierges dans les églises: ça soulageait leur porte-monnaie entre autre! Je n'ai pas peur que les évangéliques mordent à cette pratique, mais ça fait aussi partie de ces résurgences moyenâgeuses que, bien sûr, je ne veux pas promouvoir, même si prier avec une bougie allumée peut aider à se concentrer pour méditer, mais de là à faire un business, ça va trop loin. Quel pauvre Dieu qui a besoin qu'on lui allume un cierge, lui qui a créé des myriades de soleils.

Par contre, la deuxième expérience avec l'intelligence artificielle me pose un vrai problème, surtout que c'est un pasteur qui en fait la promotion dont la communauté fait partie du CNEF.

Bien que je milite pour l'emploi des images et des clips vidéo pour les prédications et l'enseignement, je suis aussi convaincu qu'on ne peut pas s'aventurer n'importe comment dans le monde visuel, alors que la Bible interdit l'utilisation des idoles et autres représentations visuelles pour servir de médiation entre Dieu et nous. Encore que les images générées par l'IA, pour ce message, ne sont présentées que pour illustrer, mais c'est là qu'on retrouve la fibre catho (du Moyen Âge) dans toute sa splendeur. C'est la fuite dans un monde fantasmagorique, irréel, sublimé par une imagerie pieuse. Le Christ s'est incarné pour rejoindre le plancher des vaches et toute l'imagerie qu'il utilise, c'est celle du quotidien (les paraboles tirées des activités humaines) et du miraculeux à effet direct sur les personnes: délivrance, guérison, multiplication des pains. Il ne cherche pas à ce que les personnes qu'il fréquente s'évadent dans une superstructure mentale qui ressemble à un trip hallucinogène. C'est aussi un peu la tendance de nos supers concerts de louanges. Je vous rappelle que le Christ a recommandé que les trois disciples qui ont vécu l'expérience de la Transfiguration n'en parlent pas jusqu'à sa résurrection (Matthieu 17:9). C'est là que j'apprécie le texte qui ne permet pas de s'envoler dans un monde imaginaire de contes de fées. Le texte, dans ce cas, permet de rester «smart», «cool», plus neutre, émotionnellement parlant qu'avec des images. D'ailleurs, je n'utilise que des images paraboliques ou tirées de la Création de Dieu. D'ailleurs, c'est là qu'on retrouve les limitations de l'IA : elle ne peut s'inspirer que de l'existant qui circule sur le Net, donc elle fait une compilation logique. Elle ne pourra pas inventer et créer des images complètement inédites et que seul l'Esprit-Saint peut inventer et qui collent au besoin réel de la personne. Je ne pense pas que l'Esprit va inspirer des machines, il passera toujours par les humains. Toutes les religions poussent leurs adhérents dans l'irrationnel phantasmé, le fabuleux, l'incompréhensible, un monde imaginaire qui n'existe pas dans la réalité palpable. La crucifixion est réelle, de même que la résurrection et l'ascension du Christ attesté par des témoins. L'imaginaire du ciel, de l'enfer ne peut pas se traiter comme la crucifixion. Cette une réalité qui existe, mais que le texte ramène à quelques textes très succincts.

Justement, parlons du pasteur qui fait la promotion de ce genre d'imagerie
Je ne veux absolument pas lui jeter la pierre et le traiter de déviationniste. Les images qu'il met en ligne par le truchement des commentaires pour illustrer son message, ne sont ni idolâtres ni tendancieuses, mais encouragent plutôt les chrétiens dans la fuite dans un univers qui n'a plus grand chose à voir avec la réalité de ce que vivent les gens. Elles fonctionnent comme un trip sous les effets de la drogue. Attention, je ne suis pas en train d'accuser ce pasteur de «dealeur» spirituel, mais nous devons aider les chrétiens à résoudre leurs problèmes dans la réalité où ils vivent. La spiritualité ne doit pas devenir une échappatoire, mais une source de guérison, de salut. Le Christ a toujours ramené les gens dans leur réalité, disons dans leur «merde», sans leur décrire un univers fabuleux, idéalement beau comme une vierge à l'enfant en peinture, alors que cette femme a sûrement dû passer par de sacrés moments difficiles, comme toutes les femmes sur terre.

Nous sommes tous à la merci d'une culture, y compris moi
Ce pasteur a passé une grande partie de sa vie en Argentine. Il n'est en France que depuis environ une dizaine d'années. Il est donc beaucoup plus tributaire d'une culture catho-compatible. Cette imagerie d'exaltation du super naturel fait partie de son ADN culturel. On ne se débarrasse pas facilement de ses «ADN».

Pour l'encourager, je lui dirais que j'ai passé quatre années au Pérou, dans une culture catho qui m'a beaucoup aidé à forger une spiritualité plus visuelle et émotionnelle, mais aussi à saisir les limites d'une telle spiritualité à base émotionnelle. Je lui conseillerais de ne pas renier son ADN culturel, mais de le passer au tamis d'un évangile qui ne peut renier les bons formatages issus de la Renaissance que l'Amérique du Sud a peu expérimentés. Le problème, c'est que la culture réformée s'est laissé encapuchonner par le côté rationnel, analytique, froid de cette culture, comme aujourd'hui nous nous laissons mariner comme une bonne viande, par la culture émotionnelle d'aujourd'hui, boostée entre autre par l'IA.

 

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