Recherche théologien numérique (Première partie)

7 Janvier 2021, 09:00am

Publié par Henri Bacher

Recherche théologien numérique (Première partie)

Nous sommes dans un tel changement culturel, aussi important que celui qui a eu lieu lors de la Renaissance, que nous avons besoin de repenser la foi pour la génération actuelle. On perfectionne ce que nos illustres prédécesseurs ont mis au point. On l’adapte à la sauce numérique, mais on plafonne. Peut-être faudrait-il sortir la théologie de l’académie, puisque celle-ci n’est pas un sujet scientifique, mais une réalité spirituelle, impossible de traiter par la science. Jésus n’était ni un scientifique de la spiritualité, ni un rabbin décortiqueur de textes, mais un modèle de foi et d’action, plein de sagesse. Ça s'enseigne où?

Une théologie has been?

Lorsque j’entends qu’un étudiant, d’une de nos facultés de théologie évangélique, soutient un master sur un obscur leader anabaptiste du XVIème siècle, je suis dubitatif. Je sais qu’on peut tirer parti de l’histoire de l’église chrétienne pour se renouveler aujourd’hui. Je sais très bien, qu’on apprend, avant tout, à l’étudiant à penser, à formuler des propositions dans un gabarit universitaire, garant d’une bonne compréhension de la réalité et que le thème choisi n’est pas primordial. Je comprends aussi qu’on veuille élever le niveau de formation de nos pasteurs. On ne se contente plus de ces pasteurs-camionneurs, comme les appelait un de mes amis, sous-entendu, ces personnes qui ont un métier manuel et qui ont juste suivi une formation de niveau école biblique, non universitaire. Mais j’ai l’impression que dans nos facultés, nous formons des “artisans-horloger-spirituels”, des spécialistes du “rouage” qui savent construire une “montre” théologique, alors qu’on devrait faire réfléchir nos étudiants sur le fait qu’aujourd’hui on lit l’heure sur nos smartphones, donc plus besoin de montres et que celles-ci deviennent autre chose qu’un cadran numérique indiquant l’heure.

Où trouver les sources pour se renouveler?

Traditionnellement on s’inspire de la Bible. Évidemment me direz-vous! Sauf que notre théologie est toujours à la merci d’un support culturel. Notre théologie protestante (calviniste, luthérienne, etc…) et évangélique est fortement inspirée par les textes de l’apôtre Paul. Ils étaient plus faciles à manipuler dans la culture de l’écrit. Sauf que Paul a conçu sa théologie en interaction avec le monde juif et moins avec le monde dit païen. Dans les Actes des Apôtres, on voit très bien qu’il commence toujours son travail à partir des synagogues, sauf à Athènes (chapitre 17). Nous sommes encore aujourd’hui tributaires de cette lecture judéo-compatible. Paul à Athènes, lorsqu’il parle dans un contexte païen, change complètement de stratégie. Il ne parle plus du Messie, ni du sacrifice du Christ.

Or, aujourd’hui nous aurions besoin d’avoir des théologiens, pour nous indiquer comment aborder les personnes issues de la culture numérique, non catéchisées, avec des références spirituelles qui viennent d'autres religions ou d’un monde-sans-dieux (areligieux). L’apôtre Paul, lorsqu’il s’adressait au public de la synagogue, avait un public “catéchisé”. Il pouvait accrocher son message dans une réalité spirituelle connue, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui.

Une théologie 4x4, tout terrain

Je sais que je vais hérisser plus d’un avec ce qui va suivre. Sachez que je pose, avant tout, des questions, sans avoir de vraies réponses. Lorsque Paul s’adresse à son public des synagogues, il est souvent questions des non-juifs, que le texte biblique mentionne sous l’appellation “un homme ou une femme qui adore Dieu (sous-entendu le Dieu des juifs - Actes 18:7)” ou comme Corneille (Actes 10:1-2). Ce sont des personnes très proches du judaïsme. J’ai un ami qui n'est pas encore chrétien, dans le sens défini par les évangéliques classiques “né-de-nouveau-baptisé-allant-à-l’église”. Il a une solide formation dans la méditation de type bouddhiste, sans être un adepte du bouddhisme dans sa forme religieuse. Il s’est forgé au travers de la pratique méditative une certaine éthique, des manières de se comporter avec son prochain qui font honneur à l’être humain. C’est une personne qui respecte la foi chrétienne et il a même médité (à la manière bouddhiste) dans l’église de la nativité à Bethléem, lieu chrétien par excellence. De son périple en terre sainte, il a ramené un caillou des bords du lac de Tibériade. J’en ai fait un clip vidéo (voir le clip en final de l’article). Pour moi, c’est un “Corneille”. Le problème, c’est qu’on n’a pas vraiment de théologie pour aborder ces personnes qui sont ouvertes à la foi chrétienne, ni d’ailleurs pour les païens modernes. On applique toujours la théologie élaborée pour le monde de la “synagogue” à quelques exceptions près. Nous sommes comme des missionnaires dans une tribu qui n’a jamais entendu parler du christianisme. Ces premiers envoyés ont commencé par enseigner la lecture pour faire lire la Bible. On est toujours dans le même schéma de transmission. On pense que le texte biblique va parler de lui-même et transformer le lecteur comme par magie, sans avoir l’aide d’une théologie adaptée. Sans se rendre compte que la lecture est écrasée par le numérique qui privilégie le son et l’image. À la suite du Moyen-Âge et avec la Renaissance, la foi chrétienne, surtout réformée, s’est irrémédiablement liée à l’écrit, en éliminant l’image. Aujourd’hui la spiritualité élimine l’écrit au profit du monde des images virtuelles. Donc, bye, bye, mon blog! Heureusement, que je suis aussi réalisateur de clips vidéo.

Une piste à explorer

Bien que Paul n'ait pas vraiment élaboré une théologie pour affronter directement le paganisme, il a donné une piste intéressante dans Actes 17:16-34. Quel théologien (numérique) s'attellerait à travailler son master sur une réalité du XXIème siècle?

Pour ceux que ça intéresse, la deuxième partie va tenter d’ébaucher quelques pistes sur les nouveaux chantiers théologiques à mettre en route.