Église «Zoom»: modification en vue?
La pandémie va laisser un certain nombre de dégâts, mais aussi ouvrir les yeux sur de nouvelles possibilités. Un peu comme une rivière en crue qui arrache, déplace, creuse, casse. Parfois la crue a même dévié le lit d’un courant d’eau. Il faudra nettoyer, revitaliser, réactiver, reconquérir des espaces endommagés. Quels sont les enjeux d’avenir pour l’église?
Cette pandémie a cassé des “enclos” socio-culturels et les brebis se sont échappées vers d’autres espaces. Internet et le streaming ont facilité énormément cette évasion et les pasteurs n’ont eu que peu de moyens pour freiner cet exode. Sauf de se mettre péniblement à “zoomer” leur culte. Mais comme peu de responsables étaient préparés à devoir changer de “braquet” et de style de communication, ils ont fait au mieux, sans se rendre compte que d’autres églises mieux préparées ont augmenté leur audience. Ceux qui ont tiré leur épingle du jeu, ce sont les communautés qui faisaient déjà du streaming avant la pandémie et qui avaient déjà adapté leur culte au format vidéo/internet. Car le problème principal, c’est que le culte traditionnel ne peut pas se transposer tel quel dans un format vidéo. C'est un peu comme le film qui adapte le contenu d’un roman. D'ailleurs, le cinéaste ne pourra jamais mettre le bouquin d’un théologien en film. Il va chercher des histoires qui sont racontées dans des livres et puis, il va juste s’en inspirer, pas forcément transposer ligne par ligne, chapitre par chapitre le contenu imprimé. On me dira qu’après la pandémie, tout retournera dans l'ancien «lit» de l’église. Il suffit juste de faire un peu d’ordre. Je ne suis pas aussi sûr que ça. Toutes les personnes qui ont suivi, par exemple, les retransmissions de l’église Portes Ouvertes de Mulhouse vont se retrouver avec d’autres modèles de spiritualités qui leur aura fait du bien. Ils ne vont plus se satisfaire de la tambouille de certaines communautés. La vidéo a pris un essor considérable. Les musiciens, les conteurs, les vidéastes, les stand uppers ont été sollicités bien plus que des prédicateurs à l’ancienne, bible-en-main. Ce n’est souvent pas très intéressant de filmer un prédicateur qui lit un texte en chaire composé pour être lu comme un livre.
Si on observe une personne qui suit un culte en streaming, elle zappe souvent les parties qui ne sont pas intéressantes pour elle. Elle a au bout de son doigt la possibilité de passer à autre chose ou simplement de se mettre en pause, pour boire un café ou regarder une autre émission. Tandis que dans l’église traditionnelle, dans n’importe quelle rencontre, on est captif. On ne peut pas s’éclipser, sauf en pensant à autre chose ou en rêvant pendant que le prédicateur termine son discours pesant et hautement théologique. Et si la pandémie nous apprenait qu’on peut se cultiver spirituellement sans être “captif” d’un rituel obsolète? Jésus n’était pas un “envoyé” de Dieu qui enfermait ses auditeurs dans un “enclos” culturel, mais qui captivait son auditoire de façon à ce qu’il reste ou bien se taille parce que le message ne leur convenait plus (Jean 6:66). Comme les églises ont adopté le modèle de l’école pour faire communauté, on n’imagine pas l’écolier aller jouer dans la cour de l’école, parce que l’enseignant n’est pas intéressant à écouter. Ce système captif a beaucoup d’avantage pour le pasteur, mais les gens de l’extérieur de l’église (et même à l’intérieur) sont des personnes formées au zapping. Comment organiser la vie de la communauté pour alimenter les zappeurs? Il ne faut pas se faire des illusions. Les intermittents du culte et des activités scolaires de l'église vont se multiplier, car les chrétiens n’ont plus besoin de la communauté physique pour se ressourcer du point de vue des connaissances spirituelles. Ce dont ils ont toujours besoin, c’est de communion fraternelle, pas de rituels qui donnent l’impression d’être en communauté. Même si dans toute rencontre, comme un repas, il y a un certain rituel, sauf que le repas laisse toujours la possibilité de se lever de table, de ne pas manger certains ingrédients, de causer avec son voisin, de rire, mais aussi d’être sérieux. Ce qui tue la communion fraternelle, c’est le rituel standardisé et les gens ne veulent plus de ce rituel.
Il y a quelques années, j’ai assisté à une expérience communautaire du type zapping. C’était un culte à choix multiple. Il y avait, le dimanche matin, un atelier d’étude biblique, un de danse, une conférence sur un sujet éthique, etc. Il y avait juste un moment spirituel très court avec l’ensemble des participants. C’est une grosse organisation, mais qui a aussi le mérite de mettre en route des personnes talentueuses faisant partie de la communauté. On pourrait imaginer des groupes qui font de la cuisine (histoires d’avoir des possibilités d’échange, hors paramètres religieux), un banquier qui donne des conseils pour la gestion financière en tant que chrétien, un atelier musical, etc…). Autrement dit, il faudrait éliminer ou limiter les cultes standards.