L'église aux prises avec la culture du point de vue historique
Nous vous proposons une simulation à partir de l'architecture de la façade sud de la cathédrale de Rouen pour comprendre l'évolution de la spiritualité chrétienne au travers des grandes phases culturelles de l'histoire. C'est bien sûr très caricatural, mais permet de mieux comprendre les influences qui nous ont construits surtout en Europe. Ce n'est donc pas la conception originale et le message des architectes inscrits dans la pierre. Vous trouvez leur interprétation dans le sixième document à télécharger.
L'espace du cosmos
Cet espace nous le retrouvons aussi dans la Bible avec l'histoire des patriarches comme Abraham. C'est le monde de l'oralité. Il n'y avait pas encore de texte inspiré dont les croyants pouvaient se nourrir. Paradoxalement, c'est un monde que nous commençons à mieux comprendre aujourd'hui, dans la culture du savoir, tout en haut de l'édifice, parce qu'elle s'inspire de l'oralité que nous appelons «oralité électronique». On ressent un message avant de le penser intellectuellement parlant. C'est le règne d'un Dieu qui se révèle par des rêves, des visions, au travers d'un feu qui parle. Ce que nous appelons aussi foi «archaïque».
L'espace du territoire (vu à partir de l'Europe)
Grosso modo, il se développe, pour l'église à partir de la conversion de l'empereur romain Constantin et jusqu'aux réformes protestantes et luthériennes du 16ème siècle. Les débuts du christianisme, relatés dans les Actes des Apôtres se concentrent, non sur un territoire, un pays, une région, mais sur des individus, des familles et se vivent dans les maisons. Petit à petit cet espace, qui prend comme modèle la structuration politique, au bout de trois siècles, construit des églises au milieu du village. Le pape catholique est l'alter ego de l'empereur. Les églises se répartissent un territoire d'influence et on est intégré dans la communauté chrétienne là où l'on vit. On adhère à la foi par immersion dans un tissu socioculturel appelé judéo-christianisme. Du point de vue culturel, c'est encore un espace largement tributaire de l'oralité. L'écrit et la lecture se concentrent dans les monastères. Les moines représentent l'élite intellectuelle, comme nous l'entendons aujourd'hui, mais la foi se vit et se transmet avec les yeux (les images saintes, les reliques, les liturgies très visuelles, l'habit du staff ecclésiastique), l'ouïe (les homélies, la confession), les pieds, les mains, le corps entier (les processions, marcher sur les chemins de pèlerinages, toucher des objets consacrés, se signer, avaler l'hostie, se mettre à genoux, voire s'infliger des pénitences en rampant sur les genoux). Cet espace est surtout lié au politique et les politiques se sont servis de l'église pour assoir leur pouvoir.
L'espace des marchandises
C'est l'espace que nous connaissons le mieux en tant que communauté réformée ou évangélique. C'est le début d'un changement culturel fondamental avec d'une part la Renaissance et de l'autre l'invention de l'imprimerie. Ce nouveau modèle culturel mettra également bien des siècles pour arriver à son apogée. Actuellement nous sommes entre deux espaces, celui dont l'école républicaine a été le moteur principal de développement et la culture numérique du savoir qui se ressource en grande partie, dans le domaine culturel, mais aussi religieux en puisant dans l'oralité du cosmos, d'où la même couleur rouge sur les deux espaces. Le charismatisme est une résurgence de ce monde pétri par les rêves, les visions, le prophétisme, les guérisons miraculeuses, les révélations, les convictions, etc...
On n'a pas l'habitude de définir cet espace sous l'angle des marchandises, mais si l'Europe et le monde occidental sont devenus riches, ce n'est pas à partir des ressources naturelles, mais à partir du développement du commerce. Le commerçant devait lire, écrire, calculer ce que lui offrait le système scolaire. Tout naturellement, comme sur l'espace du territoire qui s'est inspiré du politique pour promouvoir son message, l'église des réformateurs s'est développée sur le modèle scolaire et en partie par l'aspect économique. Exit le pape, mais le cursus et le diplôme «scolaire» sont devenus le garant hiérarchique de la spiritualité, jusqu'à pousser le système d'enseignement au paroxysme pour faire passer tout le staff pastoral dans le moule académique.
Le financement par les chrétiens étatsuniens de l'évangélisation du monde, n'aurait pas eu le même impact sans leur apport. Il y a eu aussi des revers comme le fait que la plus grande partie des chrétiens en Irak ont été éjectés de leur pays par la guerre et les mensonges d'un certain Georges Bush qui logeait des séances de prières «évangéliques» à la Maison Blanche. Combien de fédérations d'églises, de particuliers évangélistes se financent aux Etats-Unis? Combien d'entrepreneurs lancent leurs boîtes commerciales sous couvert d'évangélisation, de productions de vidéos, d'enseignements spirituels? Ce n'est plus le levier politique qui est utilisé, mais celui de l'argent.
Reste que sur cet espace la foi se transmet surtout par instruction.
L'espace du savoir
La foi va bénéficier de puissants leviers de communication, comme le numérique. Cet espace devient mondial et son moteur principal pour ce qui concerne la culture et la religion sera le carburant «émotion». On apprend à ressentir et à prendre pour comptant ce qu'on ressent et non ce qu'on pense, comme les enseignements de l'espace des marchandises.
Cet espace est toujours lié à l'espace précédent et peut-être il sera le marchepied de l'antichrist qui aura les clés culturelles et financières pour contrôler la population mondiale. Ce qui est déjà le cas aujourd'hui où une poignée d'entreprises font main basse sur le monde.
La chute de «l'empire»
Il est aussi vrai que toute civilisation se fragilise à la fin de son expansion ici symbolisée par la rosace de cette façade de cathédrale. L'espace du cosmos a perdu son impact avec l'invention de l'écriture. La fin du Moyen-Âge a été retoquée par l'émergence de la Renaissance et la fin du système scolaire de l'espace des marchandises va se fondre dans l'espace du savoir.
Ce qui me fait dire que l'évolution de nos cultures est en train de se terminer au niveau mondial en «rosace» très fragile dont l'antichrist pense cueillir le fruit mûr à son avantage. Les empires qui ont disparu étaient régionaux, couvrant certes de grands territoires, mais aucun ne pouvait contrôler le monde entier. C'est possible aujourd'hui! Nous sommes dans la fin des temps, mais c'est uniquement Dieu qui sifflera la fin de la partie, comme il l'a promis.
Chercheurs et auteurs qui m'ont inspiré pour ce post:
• Les technologies de l'intelligence, Pierre Lévy,
La Découverte, 1990 L'intelligence collective, Pierre Lévy, La Découverte, 1994
• La cinquième discipline, Peter Senge, First, 1990
• De l'homo sapiens à l'homme interactif, Collectif sous la direction de Bernard Cathelat, Denoël, 1998
• De l'image numérique à son imaginaire, Guy Milliard, Iderive, 1992
Je vous l'accorde, mes références bibliographiques ont l'air de dater, mais ces chercheurs et auteurs ont vu déjà à l'époque, l'évolution future que nous commençons à vivre aujourd'hui.
Si vous souhaitez explorer dans les détails les quatre espaces, voici le développement au format PDF.
Conte de Henri Bacher pour illustrer la guerre entre les familles Scripturo et Imago.