Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

La déconnexion de nos élites

12 Décembre 2022, 09:00am

Publié par Henri Bacher

Par «élite», je pense à un certain nombre de responsables de nos communautés, en partant du professeur de théologie, aux membres d'un conseil et en passant par les pasteurs. Loin de moi de critiquer. Je veux juste tirer une sonnette d'alarme. C'est une chronique de Pierre Haski*, qui parle de la déconnexion du leader chinois actuel qui m'a mis la puce à l'oreille. Xi.Jinping, apparemment n'a pas tenu compte de l'exaspération de la classe moyenne et en particulier de la jeunesse urbaine. Un autre leader guerrier dans l'hémisphère nord, est lui aussi déconnecté de la réalité, d'une part de son armée et d'autre part de la configuration géopolitique de l'Europe. J'ai l'impression que nos élites d'églises sont souvent dans le même cas.
* L'OBS N° 3035

La déconnexion de nos élites

À qui la faute?
C'est justement la question qu'il ne faut pas se poser. Cette question de déconnexion est liée au contexte culturel, à l'évolution de la société, à la position qu'on donne à la personne qui a des responsabilités. Justement, de par la force des choses nos élites ont été placées en «haut». L'église catholique, qui a aussi été une des matrices du 
christianisme, a donné le ton. Même si les réformateurs historiques au 16ème siècle ont donné un coup de pied dans cette hiérarchie, ils ont dû en reconstruire une autre, basée, elle, sur le savoir et la connaissance, l'étude des textes fondateurs. La déconnexion est le résultat d'un processus socio-culturel qui se vérifie dans n'importe quel système de direction, d'organisation, dans le monde économique, politique, culturel, religieux. Les empires naissent et se meurent. 

Comment se constitue un «empire»?
Les élites n'ont jamais un savoir-faire, un savoir-être, une connaissance universelle. Ceux qui sortent de nos facultés sont à la base sélectionnées sur leurs capacités intellectuelles à entrer dans un système d'apprentissage de type scolaire. La personne plus «émotionnelle» dans sa manière de penser l'existence, comme les artistes, n'arrive jamais ou très peu au sommet de cet «empire» appelé académie. À tous les stades de sa progression, depuis les classes enfantines, il est évalué, en majorité (ça a aussi évolué, un peu) selon sa compréhension moulée par le système scolaire. Cet empire recrute donc des élèves, des étudiants qui se soumettent à la «verticalité». Par exemple, on s'inspire toujours en priorité d'un instituteur, d'un prof, placé plus haut. On ne demande pas au prof d'être avant tout un modèle de vie et secondairement quelqu'un qui a des compétences intellectuelles. Dans le domaine académique et dans le cadre de l'église, c'est celui qui a des diplômes, qui a écrit un ou plusieurs livres. C'est une «verticalité» qui a produit de belles choses, mais elle va devoir prendre ses quartiers d'hiver. C'est «l'horizontalité» qui n'écrit plus, qui ne pense plus d'une manière analytique et systématique qui va aussi créé son «empire». Ses leaders seront performeur, influenceur, animateur, saltimbanque spirituel, prophète, thaumaturge, conteur.

Le leader chinois actuel, selon Pierre Haski, s'est entouré de cadres qui épousent sa vision marxiste. Il ne sélectionne pas selon les performances développées sur le terrain, mais il cherche, avant tout la loyauté. Ainsi celui qui est devenu le numéro deux du régime, est l'ancien chef du parti PCC à Changhai (26 millions d'habitants) qui a complètement raté, dans sa ville, la gestion de la pandémie Covid.

Est-il juste d'appliquer cette vision de «l'empire» à l'église?
Oui et non! Je veux avant tout montrer que ce processus, décrit auparavant, est universel, mais dans le cadre de l'église, on peut nuancer. Je ne veux pas attaquer les facultés de théologie. Je lis souvent des livres de théologien. La théologie académique a tout à fait sa place, mais certaines élites, du haut en bas de l'échelle, se développent à partir de la vision de la «tour» dont j'explique les origines dans un autre post.

 

Forcément lorsqu'on est dans une tour intellectuelle, académique, on aspire a faire partie de l'élite, mais on est de moins en moins au niveau de la réalité des gens. On se construit une théologie en consultant des livres, en se référant à ce que d'autres ont élaboré comme propositions, au niveau du haut de la «Tour». 

Comment se reconnecter?
En restant dans la «Tour» il sera de moins en moins possible de se reconnecter avec la réalité culturelle d'aujourd'hui. Jean-Baptiste est sorti de «l'empire» des six cents treize lois judaïques. Jésus n'y est jamais entré. Il «vagabondait» au pied de la «Tour», mais il n'a pas, pour autant endossé le T-shirt du performeur. À la suite de la multiplication des pains, lorsqu'on a voulu le faire roi de la performance, il s'est taillé (Jean 6:15). L'apôtre Paul a quitté «l'empire» des pharisiens pour se reconnecter à la réalité d'Antioche, celui des perdus. Luther, a dû sortir du «monastère». Vouloir se reconnecter ne veut pas forcément dire quitter définitivement une position liée aussi à un salaire, mais c'est de quitter dans sa tête le haut de la «Tour». Dès qu'on veut vous faire «roi», fuyez! Descendez régulièrement au bas de la «Tour», vous mêler avec les sans-grades de la théologie. J'irais encore plus loin. Si vous écrivez des livres, faites des clips vidéos, donnez des conférences, associez-vous à des personnes qui nomadisent sur le plancher des vaches. Ne prenez pas l'artiste, juste pour filmer vos propositions, les illustrer, mettre la cerise sur le gâteau, mais concevez votre théologie et vos messages ensemble, en apprenant l'un à regarder vers le bas de la «Tour» et l'autre vers le haut de celle-ci.

Pour conclure
La culture, socle de compréhension et de diffusion et de la spiritualité, ne doit pas nous diviser. La division est une facette de l'ennemi de Dieu et il sait utiliser les leviers technologiques comme l'imprimerie et maintenant le numérique pour affaiblir l'église et l'handicaper. Chacun devra perdre de sa superbe et de son aura. Il est souvent question d'égo. L'humilité nous sauvera de la destruction du christianisme en Europe, pas l'adaptation à une culture dominante.

 


Une église liquide

Commenter cet article