La théologie: architecture ou jardin? (Troisième partie et synthèse)
Comment faire la synthèse, interconnecter la «maison», le «jardin», sans favoriser l'un ou l'autre. La Bible a-t-elle une réponse?
La culture n'offre jamais une approche globale, synthétique de la réalité
Chaque culture traite la réalité selon ses propres outils d'analyse, de conceptualisation et ces outils ne font jamais le tour à 360° comme Dieu. Et forcément, c'est partiel, mais ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas amener les humains à une relation avec Dieu. L'oralité, dont le texte biblique est en partie issu, a autant connecté les hommes et les femmes avec Dieu que par exemple la culture de l'écrit et de l'imprimerie (celle de la maison) ou maintenant celle du numérique (du jardin). Sauf que les deux dernières ont été favorisées par des leviers technologiques et comme en écologie, la technologie déséquilibre les systèmes très profondément. Avec la culture liée à l'imprimerie et à la production de masse des mêmes textes, comme le catéchisme de Luther, avec celle du numérique qui en quelques décennies a su uniformiser le monde par l'image et le son, nous avons de moins en moins de choix. Ces cultures mues pas des leviers technologiques imposent à grande échelle une uniformisation favorable aux dictatures et à la bipolarisation. Le numérique commence déjà a créé un monde d'illettrés fonctionnels. On va de moins en moins lire la Bible et c'est comme une amputation culturelle, mais la culture de l'écrit s'est aussi comportée d'une manière hégémonique en éliminant l'oralité. Est-ce que Dieu a favorisé l'une ou l'autre des cultures? Est-ce que l'écrit est devenu le roi, le favori du Dieu Créateur ou bien est-ce qu'il va favoriser la nouvelle culture du numérique au détriment des anciennes? C'est là qu'on va apporter un nouvel éclairage en partant de la Trinité: Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le Saint-Esprit.
L'évolution, une clé pour comprendre l'action de Dieu parmi les hommes
N'en déplaise à certains scientifiques et théologiens évangéliques qui combattent la notion évolutive de la Création de Dieu. Darwin n'avait sûrement pas raison sur toute la ligne, mais il existe bel et bien un mouvement évolutif, pas seulement en biologie, mais aussi dans les cultures successives. C'est Dieu qui était limité avec les hommes, puisqu'il ne les a pas créés comme des robots finis, mais comme des personnes qui ont dû apprendre leur humanité et leur «religiosité». Il a dû s'adapter aux humains et à leur limitations, avec ses Révélations successives comme celles pratiquées avec les patriarches bibliques, au travers des prophètes, celle des Saintes Écritures et celle de sa Création (Romains 1:20). Il s'est révélé dans un monde qui ne lisait et n'écrivait pas, puis dans un univers lié à l'écriture, pour finir à nouveau dans un monde plus lié à l'oralité électronique qu'au décryptage lettré. Il ne demande pas aux hommes de s'adapter à lui, mais il s'adapte aux hommes, entre autre, en s'incarnant dans un homme qui s'appellera Jésus.
Une approche théologique calquée sur la Trinité
Ce qui nous fait dire que le Dieu qui a été perçu comme le juge, celui de la «maison», lié aussi à l'Ancient Testament, a aussi aménagé un «jardin», le pôle Saint-Esprit, plus développé dans le Nouveau Testament, après la Pentecôte, par les écrits apostoliques. Comme les possibilités d'apprentissage sont encore limitées aujourd'hui, tout en ayant énormément évolué, nous devons relire la succession, les enchaînements de la spiritualité, non pas à l'aune de la culture, mais en s'inspirant de la Trinité. Ainsi nous nous retrouvons entre deux mondes, celui de la «maison» et celui du «jardin» qui sont l'expression du Dieu invisible qu'on ne peut pas voir. Là où il se promène incognito. Celui qui nous fait voir ce Dieu trinitaire, c'est le Christ, parce qu'il s'est incarné. C'est la nouvelle visualisation de la réalité divine: ni un édifice, ni un espace, mais un corps humain. On pourrait dire que la Trinité ressemble à une «maison», un «jardin» et un corps humain qui n'a aucun mystère pour nous, puisque le Christ s'est incarné.
Quelles en sont les conséquences?
La porte d'entrée à la spiritualité chrétienne passe d'abord par le Christ, comme il est décrit dans les évangiles. Le salut devient au travers de sa mort sur la croix, «palpable», concret, visible. Tout le travail de mise en valeur spirituelle au travers de la «maison» par la pensée ou du «jardin» par l'activité sociale peut aisément se réfuter avec l'argument que ça fonctionne comme des philosophies ou des activités que d'autres religions pratiquent également. Mais Dieu s'est incarné dans le monde par le Fils et sa mort et sa vie sur terre sont uniques dans l'histoire des religions. C'est ce qui fait tenir ensemble la «maison» et le «jardin» et qui est en réalité l'expression d'une approche globale, systémique de la spiritualité: Dieu le Père, Dieu le Fils et Dieu le Saint-Esprit.
Ce que promeut le Christ, ce n'est pas une nouvelle théologie dite christique, mais des exemples à suivre. Il insiste sur la mise en pratique. Le christianisme ne pourra survivre que par la mise en pratique de l'évangile, en s'incarnant dans la réalité des gens, pas seulement en diffusant une pensée ou des activités sociales d'entraide.
Comment pratiquement vivre la Trinité dans la communauté chrétienne?
Ce passage s'adresse à nos élites. Je suis convaincu que nous arrivons dans la fin des temps, pas du point de vue apocalyptique, mais comme la fin de l'apprentissage de la spiritualité, calqué sur la Trinité. Il me semble que nous avons, aujourd'hui, fait le tour de la question au travers de la succession des différentes cultures qui ont mis en valeur l'une ou l'autre des facettes de la Trinité. Je ne sais pas combien de temps va encore durer cette fin de partie, mais je constate une maturité de l'expérience spirituelle. Le penseur de la «maison» doit descendre de temps en temps dans le jardin, pour creuser la terre, se mouiller les mains, apprendre à sélectionner les plantes, les croiser, les arroser. Le jardinier a besoin de fréquenter la «maison» pour comprendre les fonctionnements spirituels au niveau de la tête. A quand une formation de nos pasteurs et prêtres qui intègre, dans leur cursus, une approche globale. Pas des cours spécialisés, des stages au «jardin» ou à la «maison», mais la pratique intellectuelle et pratique qui ne favorise pas seulement l'approche culturelle, mais l'approche trinitaire. Le fonctionnement et la formation en systémique, en interrelation tout du long et pas seulement par périodes.