Vocation pastorale, rétribution salariale et financement du ministère
Selon un article publié par le CNEF (Conseil National des évangéliques de France) il faudra environ 1000 pasteurs, dans les dix prochaines années pour renouveler le staff pastoral du monde évangélique, sans tenir compte des autres courants religieux qui ne font pas partie de ce conseil. Comment va-t-on financer ces besoins et aussi quelle sera l'attractivité salariale pour ces nouveaux pasteurs?
Corrélation entre niveau de formation et salaire
Ces dernières décennies, surtout aussi pour rehausser la formation au niveau du standard réformé, on a lancé plusieurs facultés de théologie avec un cursus universitaire de plusieurs années. On a un peu oublié que les communautés réformées, soit en Alsace, en Suisse, dans plusieurs cantons, les facultés et les églises sont subventionnées par l'état.
De plus un·e étudiant·e qui a passé plusieurs années à se former en faculté souhaite obtenir un niveau salarial, pas forcément, mirobolant, mais, en tout cas, plus que modeste. La mentalité du «vivre par la foi» héritée des réveillés du 19ème siècle s'est considérablement perdue. On accepte de se restreindre, pour de courtes périodes d'engagement, mais fonder une famille et envisager un ministère à long terme, sans revenus en conséquence, demande un niveau de foi assez exceptionnel. Ce qui veut dire que ces pasteur·es qui sortent d'une faculté cherchent une communauté suffisamment «riche» pour les engager. Or, ce genre de communautés ne sont pas pléthoriques, à moins que l'église fasse partie d'une grande fédération qui a mutualisé les salaires. Les communautés «pauvres» se rabattent donc vers des pasteur·es formés dans des instituts de seconde zone, non universitaires et encore ce n'est pas évident. D'où ma question: a-t-on suffisamment réfléchi à la conséquence de l'élévation du niveau, du style académique de formation et l'impact sur le potentiel d'engagement de la part des communautés? Il ne faut pas se faire des illusions, l'Europe se déchristianise à la vitesse grand V. Les communautés et fédérations «riches» vont se raréfier. Autre question embarrassante: pour être un bon pasteur·e, faut-il avoir un niveau universitaire? La start-up chrétienne des Actes, n'avait, à notre connaissance, qu'un seul «académicien» comme moteur promotionnel en la personne du pharisien Paul.
Le modèle universitaire a supplanté l'expérience spirituelle et la trajectoire de vie du futur pasteur·e
Pour preuve: lorsqu'on organise une séquence de formation pour des pasteur·es on invite, en général, un universitaire. C'est logique que celui-ci devienne le modèle par excellence. Une des plus grandes églises françaises actuelle a été fondée par un grossiste en bonbons. À l'origine de la chaîne des Gospel Center en Suisse romande, il y a un agriculteur. D'ailleurs la fédération de la FREE est le résultat de la création de petites communautés, il y a plus d'un siècle, par des vignerons et des agriculteurs vaudois. Ils se réunissaient dans les fermes.
Faut-il laisser tomber le niveau universitaire?
Absolument pas, il faudrait juste lui donner sa vraie place. Non, comme le modèle de formation pastorale par excellence, mais juste celui d'un appoint d'une certaine spécificité qualitative. Le mouvement des églises de la FREE a eu dans sa phase de croissance, au bout de quelques décennies, l'apport du théologien Jacques Blandenier, formé dans une faculté réformée, qui a beaucoup aidé la FREE (anciennement AESR) dans sa maturation. Mais Blandenier est resté pasteur d'une communauté de vignerons et d'agriculteurs. Il n'est pas devenu théologien dans une faculté, même s'il y a donné des enseignements. C'est ça qu'il faut garder en tête. Il a joué le rôle du théologien académique «miroir». Pour montrer quelques pistes théologiques à prendre en compte, à mettre le doigt sur certaines incohérences. Contrairement à aujourd'hui où c'est le théologien académique qui montre le chemin par excellence à suivre. Il n'est plus sur le terrain de monsieur-tout-le-monde, il est seulement sur un terrain académique. Il faut qu'il satisfasse en priorité le standard académique. Le voir vivre dans une communauté, comme gage de sa spiritualité, n'est pas le plus important. À titre d'exemple, la directrice du CFOR au Bienenberg, diplômée de niveau universitaire, est en même temps, pasteure dans une équipe pastorale. Un professeur de théologie devrait obligatoirement avoir une activité pastorale, pas comme simple membre d'une communauté, mais dans un poste de responsabilité.
L'autre problème, c'est que le principe de la formation théologique en académie et selon les normes académiques a été mis au point et généralisé dans un contexte de «pénurie». Aujourd'hui, on a une telle possibilité, par internet, d'accéder au savoir, que ce n'est plus nécessaire de passer quelques années à étudier. Je parle surtout de la théologie, pas des sciences dures. On a besoin de théologiens qui trient le savoir et surtout qui aident à le mettre en pratique, mais la production liée à la pensée et au savoir théologique est largement à disposition, même si le commun des mortels a une certaine difficulté à s'en servir.
Quel serait alors le modèle de formation du futur pasteur·e?
Ne pourrait-on pas s'inspirer de la validation des acquis de l'expérience (VAE) que Pôle-Emploi a mis au point en France? Avec la participation de certaines communautés habilitées à donner leur accord final par une évaluation communautaire. Un accord final qui n'authentifie pas le candidat sur la base de connaissances acquises dans le domaine académique, mais qui discerne, spirituellement parlant, son aptitude à exercer un ministère.