Apprendre à mettre la Bible en arrière-plan?
Mon titre semble être une vraie provocation pour les calvinistes et autres évangéliques. Eux, qui ont justement mis les Saintes Écritures au premier-plan. Dans nos activités ecclésiales, prédications, études bibliques, la position de la Bible, en pole position, a été notre marque de fabrique. Suis-je un nouvel hérétique? Ma réflexion est liée au changement socio-culturel que nous vivons et qui demandent de nouvelles solutions, aussi dans la mise en valeur de la Bible. Non pas des solutions idéales - elles n'existent pas - mais des solutions pour intéresser les européens à la spiritualité chrétienne.
Bible, communication entre chrétiens et pas-encore-chrétiens?
C'est bien là le piège de cette culture biblique héritée des réformateurs du 16ème siècle. Nous avons appris à mettre la Bible au centre de nos réflexions, de nos pratiques, de nos cultes et par ricochet elle a aussi été mise entre l'église et le monde extérieur. La preuve, c'est l'avalanche des versets bibliques sur les réseaux sociaux. Ça tourne à la machine publicitaire qui veut nous «vendre» un produit, ici un «produit» religieux. La publicité fonctionne grâce au matraquage, à la répétition du même message, pendant une période importante selon le budget que l'on a à disposition.
Ce qui a été, à l'origine au 16ème siècle, un réel bienfait, s'est sclérosé au bout de plusieurs siècles et devient inopérant.
Le Christ, sur terre, un exemple à suivre
Pour quelle raison, le Christ ne s'est-il pas promené parmi les gens, avec les rouleaux de la Torah sous les bras? Bien sûr, il y avait une question tout à fait pratique. Ces rouleaux étaient très fragiles. Vous me direz, que si le Christ, vivait, en chair et en os, actuellement dans notre culture, il aurait toujours une Bible dans ses poches et l'ouvrirait à chaque occasion. Je n'en suis pas si sûr! Il aurait une Bible dans son sac à dos, c'est sûr, mais il ne passerait pas son temps à expliquer un texte, certes inspiré. D'ailleurs, en son temps sur terre, il ne passait pas son temps à citer les textes de la Torah. Il a vécu concrètement, ce que le texte, qu'il avait dans son sac à dos, prescrivait. En théologie ça s'appelle «incarnation».
Il est plus facile d'écrire (comme moi), de montrer avec des clips (comme moi) la spiritualité, que de la vivre dans son couple, sa famille, avec les gens vivant sur le palier et dans ma cité. Je soupçonne, à mauvais escient, bien sûr, le pasteur ou le prêtre de n'alimenter leurs prêches qu'avec des commentaires qu'ils glanent à droite et à gauche, dans des livres, etc... Ils parleront beaucoup moins de leurs expériences personnelles. Je ne critique pas le pastorat parce que je me mets dans le paquet. C'est astreignant de devoir vivre auparavant ce que l'on prêche.
Que veut dire mettre la Bible en arrière-plan?
Mettre en arrière-plan ne veut pas dire lui donner moins d'importance ou la mettre en sourdine. Le rôle principal de la Bible, c'est de servir de référence, mais nous avons transformé cette référence en argument principal pour convaincre. Or, ce qui va convaincre aujourd'hui c'est l'évangile que nous vivons dans notre vie quotidienne. La mise en pratique. Si le Christ n'avait été qu'un grand spécialiste théologique de la Torah, il aurait fait long feu! Il vivait ce que la Torah préconisait. Il ne la mettait pas entre lui et son public. Nous avons considéré le texte biblique, comme un manuel scolaire dont il faut apprendre le contenu. Dans ma jeunesse, j'ai passé ma confirmation dans le milieu protestant, en me soumettant à un examen de connaissances devant tout le public rassemblé pour la cérémonie. Je devais savoir par cœur des cantiques, des éléments de catéchismes, du credo, d'exposés doctrinaux, etc. Mais on ne m'a pas demandé des expériences de foi, comme par exemple le récit de ma conversion, lorsque j'avais 9 ou 10 ans, un lundi de Pentecôte. Ça, je m'en rappelait ainsi que du message, mais les cantiques et tout le reste, je ne m'en souvient plus.
Non pas partir de la Bible, mais arriver sur elle
Ce n'est pas dans nos habitudes évangéliques, car nous sommes convaincus que le texte sacré va faire automatiquement son effet. Il faut juste le mettre en évidence. Ce n'est pas aussi simple que ça. Surtout que les gens que nous voulons évangéliser ne sont plus catéchisés, donc ils n'ont plus aucune référence pour accrocher un texte. Nous sommes comme devant un mur qui n'a aucun crochet pour accrocher notre «manteau biblique».