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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Une femme pasteure détruit la chaire à la tronçonneuse

24 Janvier 2022, 09:00am

Publié par Henri Bacher

Une femme pasteure détruit la chaire à la tronçonneuse

Courageuse cette femme saint-galloise qui abat la chaire de l'église pour en faire une table... de Sainte Cène, réunir des personnes autour d'une table pour discuter de la foi. C'est une excellente initiative, pas seulement médiatique pour dégommer la sacro-sainte prédication de nos cultes. Par prédication, j'entends cette propension à expliquer ex-cathedra, la Bible et la vie d'une manière scolaire.

Les plus grandes affirmations théologiques se sont souvent faites autour d'un repas

Dans la Bible, la foi et la spiritualité ont été largement diffusées lors d'un repas. Et le Christ a choisi la symbolique du repas (la Sainte Cène) pour parler de son œuvre du salut. Les plus grandes affirmations théologiques se sont souvent faites autour d'un repas.

Pourquoi la prédication-à-partir-de-la-chaire a pris tellement d'ampleur dans nos milieux réformés et évangéliques?

C'est avant tout le fruit d'une simplification de la pratique de la foi par les réformateurs comme Calvin, Luther, Zwingli, Bucer et autres. Un retour sur l'essentiel qui a émondé l'arbre des pratiques ecclésiastiques allant du signe de croix, à l'homélie, en passant par la communion, le pèlerinage, les images saintes, les reliques, la confession, les rites liturgiques et sacramentelles.

En caricaturant, on pourrait dire que le développement de la communauté liturgique non-catholique ou orthodoxe, jusqu'à la fin du 20ème siècle et au début du 21ème reposait sur trois piliers: la prédication, l'étude biblique en groupe et la spiritualité privée (lecture de la Bible, prière et autres livres de spiritualité).

Je ne parle pas bien sûr du catéchisme ou des actes sacramentelles. 

On a perfectionné jusqu'à l'excès la prédication du point de vue exégétique, en répondant parfois à des questions que les gens ne se posaient pas. Le pasteur était très souvent formé dans les sciences bibliques qui ne lui servaient pas à beaucoup dans un village de vignerons ou parmi des ouvriers d'usine. Avec la généralisation de l'accès aux livres, on aurait pu réduire la formation « scientifique » et mettre davantage l'accès sur la vie spirituelle comme disciple. C'est dommage que les formations du style JEM (Jeunesse en mission) n'ont pas donné plus accès au pastorat professionnel. C'est assez intéressant de voir que pour engager un pasteur on le fait, entre autre, comme évaluation, prêcher un dimanche matin. Juste prêcher! On ne lui demandera pas de monter un culte complet avec chants, activités de prières, bénédictions, utilisation des dons du Saint Esprit, etc..., suivi par une animation biblique.

Pour la formation pastorale on a donc engagé des professeurs, des lettrés qui eux se sont évertués à être plus lettrés que leurs élèves et comme la prédication et l'enseignement biblique étaient le débouché principal de leur enseignement, on s'est retrouvé sur des rails qui roulaient avec le charbon « académique ». Il y a bien eu des écoles bibliques de second rang, qui se sont lancées à former des cadres pour la mission, issus du monde manuel et ouvrier. C'était bon pour les petits africains illettrés, mais pour nos communautés européennes, il fallait viser plus haut. 

Faut-il donc donner moins d'importance à la prédication?

Elle aura toujours une certaine place dans la communauté, mais elle devra partager et céder celle-ci à d'autres expressions culturelles: vidéos, art pictural, chorégraphie, musique, etc... Aujourd'hui dans nos facultés de théologie, toutes ces expressions culturelles liées au numérique doivent encore passer par le filtre de l'exégèse « lettrée ». On n'imagine pas un prof vidéaste, qui a le même niveau de reconnaissance que le théologien classique, qui enseigne comment traduire un texte biblique et expliquer un message avec des images. On est encore au stade où l'exégète pond un texte explicatif et demande au vidéaste de mettre des images. On lui répondra: je peux bien faire un clip vidéo, mais mettre en images votre texte n'est pas possible. Nous devons repenser le message en fonction du support numérique. C'est comme les rabbins du temps de Jésus, avec leurs centaines de lois, qui auraient demandé au Christ: mets-nous nos lois en paraboles.

La destruction de la chaire ne suffira pas

Il faudra réinventer une nouvelle manière d'élaborer le message du Christ pour les convives de la table. Il ne suffit pas simplement de discuter et d'échanger des propos spirituels. Et puis entre nous, au bout d'un certain temps, il y aura de nouveaux « exégètes » numériques qui vont imposer leur manière de voir la réalité spirituelle. Et rebelotte!

 

#prédication protestante #culte évangélique

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