Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Par où faut-il commencer pour réévangéliser l'Europe?

20 Janvier 2022, 09:00am

Publié par Henri Bacher

Par où faut-il commencer pour réévangéliser l'Europe?

Dans le contexte européen la notion de transcendance est complètement perdue. Les missionnaires de l'hémisphère nord, qui sont partis vers le sud, se sont pratiquement toujours retrouvés avec des interlocuteurs qui croyaient en une ou plusieurs divinités. Aujourd'hui, en Europe, le Dieu du judéo-christianisme est vraiment mort et il n'est même pas remplacé par d'autres divinités ou croyances amenées dans les bagages des migrants. Pas besoin d'avoir peur que, par exemple, l'islam va trouver un écho dans le cœur des européens. Il manque les possibilités de fixation. Un peu comme une bande Velcro qui a des fixations en crochets et de l'autre côté pas de boucles textiles.

La pensée de l'éternité dans le cœur de l'homme?

On s'est longtemps appuyé sur cette notion, plus ou moins suggérée par Ecclésiaste 3:11, pour penser qu'il y a, en tout être humain, une étincelle de transcendance. Hélas, il faudrait déchanter. En tout cas, pour les européens et plus largement pour les occidentaux. Et la première question qui vient à l'esprit, c'est le pourquoi. Pourquoi, il n'y a plus de prise? Pourquoi il y a ce rejet qu'on retrouvait jadis plutôt chez les élites intellectuelles comme certains philosophes et dans le monde de l'art? Aujourd'hui, un nombre croissant, de gens de tout niveau social et culturel professe leur athéisme, leur agnosticisme, cette non acceptation de la transcendance. On parle encore en politique de judéo-christianisme, mais c'est une coquille vide. Ce n'est même plus un fait culturel. On ne veut juste pas s'habiller comme un certain nombre de migrants, ne pas manger comme eux, ne pas parler comme eux ou se marier comme eux. Ça ne donne pas une colonne vertébrale à une nation si on n'est que contre quelque chose ou pire contre quelqu'un.

D'où vient ce rejet?

Il vient de très loin et j'emploierais une image pour ma démonstration.

Par où faut-il commencer pour réévangéliser l'Europe?

La culture qui comprend aussi la théologie, la philosophie ressemble aux strates géologiques accumulés durant des siècles. Il y a différentes couches qui se superposent. Par sédimentation, par éruption volcanique, par changement climatique, etc... Il y a une couche culturelle importante qui s'est installée (qui s'est sédimentée) avec les philosophes des Lumières. Ce n'était pas les seuls qui ont déposé dans le sous-sol culturel et religieux, un certain nombre de « Weltanschauungen » (conceptions du monde). Elles n'ont pas eu que des effets négatifs, loin de là, mais elles ont aussi mis en place toute la pensée qui a marginalisé et puis éradiqué la notion de transcendance en Europe. Le problème, c'est que ces « couches » ont affleuré à certains endroits bien délimités, mais maintenant avec l'érosion socio-culturelle, la mondialisation, les mouvements migratoires (pas seulement en Europe) elles se sont imposées comme structure de pensée principale de la société occidentale. 

La philosophie communiste est née dans le cadre d'une nation dite chrétienne. Lénine a même vécu un certain temps à Genève à l'ombre de la cathédrale calviniste. Le capitalisme effréné, dont la racine se trouvait déjà à l'époque chez les banquiers protestants de Genève, n'a fait qu'accentuer les déséquilibres.

Mais l'érosion a aussi été provoquée par les guerres mondiales, générées dans le creuset judéo-chrétien et toutes les autres comme le Vietnam, l'Irak et récemment celle en Afghanistan qui avait plutôt comme moteur la mainmise sur des ressources stratégiques sous le couvert de la défense de la démocratie. Ne parlons pas des dernières élections présidentielles américaines qui ont décrédibilisé le christianisme évangélique.

Selon les terrains géologiques, les cultures vivrières doivent évoluer

C'est bien là le problème dont nos communautés chrétiennes ne se rendent pas compte. Nos théologies ont été élaborées dans et pour la couche judéo-chrétienne, qui elle a disparu peu à peu par érosion, par effondrements, par déplacement. C'est aussi simple que ça. Par exemple, la plante « conversion » du passé ne prospère plus dans le terreau socio-culturel d'aujourd'hui. C'est comme si nous étions des missionnaires envoyés dans une tribu qui n'a pas de religion, pas de divinités, aucune représentation symbolique du religieux sauf pour les touristes. Ce qui ne veut pas dire que le « religieux » ne se retrouve pas en sous-main. Mais ce n'est plus un religieux avec un dieu bien défini. Par quoi commencerions-nous? Par faire lire la Bible, le livre inspiré par un Dieu dont ils réfutent même le principe? Illusoire!

Comment reconstruire la notion de transcendance puisque la Bible est de moins en moins une référence?

Notre but premier sera de dire qu'il y a une réalité au delà de la réalité humaine, terrestre. Et comment pourra-t-on le faire puisqu'on ne peut plus s'appuyer sur des textes soi-disant inspirés. Ni d'ailleurs sur le christianisme qui a échoué en occident pour arrêter le mal et qui a largement décrédibilisé la pertinence d'un Christ, fils de Dieu, maître du monde qui tient nos destinées entre ses mains. 

L'écologie et le souci pour la préservation des équilibres de la terre nous ouvre un vrai champ d'action

Nous retrouvons aujourd'hui parmi un grand nombre de personnes, cette angoisse de la disparition de la terre. Comment sensibiliser ces « agnostiques » à la notion de transcendance? Ne faudrait-il pas revenir au Dieu Créateur? Comment élaborer une théologie pour sensibiliser nos concitoyens à ce mystère qui dépasse toute intelligence? Comment apprendre à simplement prendre en compte qu'il y a un Dieu qui est au-dessus de tout?

Quand le créationisme évangélique se retourne contre nous

Au lieu de profiter de mettre l'accent sur le Dieu de l'univers qui est à l'origine de celui-ci, nous avons passé notre temps à vouloir authentifier le texte biblique en combattant les philosophies évolutionnistes, comme si Dieu avait besoin qu'on le défende. Nous nous sommes tellement laissés enfermer dans ce combat et nous avons de la peine à utiliser les premiers chapitres de la Genèse pour affirmer et promouvoir la transcendance. La Bible commence par cette affirmation fondamentale qu'au dessus de la création, il y a Dieu, le Dieu de l'infini grand comme de l'infini petit. Il n'y a pas besoin de le prouver. Les scientifiques, s'ils sont honnêtes, ne peuvent découvrir que les vérités scientifiques de l'univers. Les interprétations de ces vérités, c'est là le grand problème. Ce n'est pas au scientifique de dire si Dieu existe ou pas. Cette connaissance du divin ne relève pas des sciences exactes. C'est de l'ordre de la croyance, de l'invisible, de la transcendance, impossible à expliquer.

Et la grande affirmation de ces premiers chapitres, c'est que même si nous sommes des particules très petites de son univers, nous avons la possibilité de le contester, comme l'ont fait Adam et Ève. C'est le cadre d'interprétation que nous devrions utiliser: Dieu est au-dessus de tout, mais nous avons la liberté de le contester, jusqu'à essayer de détruire sa création et l'image divine qui s'y trouve. Nous ne pouvons promouvoir la transcendance divine qu'en faisant aussi la promotion de la liberté de l'homme, aussi celle du scientifique qui pensera différemment les choses de Dieu. Les religions en général et aussi souvent celles liées au christianisme veulent soumettre les hommes, lui dénier sa liberté.

Repenser la connexion avec Dieu à partir de la transcendance et de la liberté

Nos appels à la conversion étaient majoritairement liés à une notion juridique: tu es pécheur et tu seras condamné. Dommage qu'on ait vu surtout l'histoire humaine sous cet angle et non sous l'aspect: tu es libre sur terre de faire du bien, de détruire ton prochain, la terre, mais Dieu veut se relier à toi, lui le maître de l'univers, malgré tes erreurs. Tu ne pourras voir et comprendre cette liberté qu'après ta mort, lorsque tu te retrouveras devant ce grand Dieu de l'univers qui n'aura pas usé de sa force pour te faire plier comme un vulgaire roseau. Ce n'est pas une question morale. Ce sera simplement évident. Juste pour une échelle de grandeur. Tu ne pourras plus rivaliser dans ton orgueil vis-à-vis de ce Dieu.

Je dirais même que Dieu se retire de sa création pour ne pas te casser les pieds. Même dans le jardin d'Eden, il se promenait incognito. Comment promouvoir un Dieu qui s'absente volontairement, mais qui donne des gages du sérieux de sa proposition en envoyant son Fils se faire tuer sur terre. On pourrait même aller plus loin. Pour prouver qu'il respecte la liberté des humains, il a accepté que ceux-ci clouent son Fils sur une croix, sans qu'il y ait une intervention de sa part. Pourquoi avoir peur d'un tel Dieu?

Choisir Dieu dans un espace de liberté

Notre présence sur terre, c'est un espace de liberté pour choisir d'être en relation avec Dieu, sans être sous la pression de celui-ci. On ne peut établir une relation d'amour qu'en étant libre.  En fait, dans notre manière d'évangéliser, nous demandons souvent d'aimer notre juge qui certes nous gracie, mais à la suite d'une condamnation. Mais de présenter Dieu comme un papa gâteau, un Dieu bon qui n'a pas d'exigences, ce n'est non plus acceptable dans une relation d'amour. Je ne serais qu'une sucette pour faire plaisir à Dieu ou une cerise sur le gâteau. Il souhaite qu'on soit des vis-à-vis, de vrais collaborateurs qui feront les choses par amour pour lui et non par obligation. Il faudra toute une vie pour que Dieu puisse vérifier que notre amour est bien réel et non pas dicté par les bonnes circonstances. Allons-nous l'aimer aussi lors d'une maladie ou dans des situations difficiles? La vie sur terre sera donc plutôt un test de sincérité qu'une démonstration de notre haut standing spirituel.

Commenter cet article