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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Bible et éducation ou « enseigner » la vraie vie ce n’est pas encore « l'habiter »

8 Décembre 2021, 10:22am

Publié par Henri Bacher

Bible et éducation ou « enseigner » la vraie vie ce n’est pas encore « l'habiter »

Lorsque nous pensons que le fait de lire assidûment la Bible va automatiquement changer les comportements humains, nous nous illusionnons. Nous oublions que nous vivons, de plus en plus, dans un monde occidental païen et il faudra mettre l'accent sur une éducation en relation avec le contenu biblique. Or, ce relais entre Bible et éducation fait de plus en plus défaut.

D'où vient cette lacune entre Bible et éducation?

Il ne faut pas oublier que nos églises évangéliques sont souvent issues, surtout théologiquement, des Réveils du 19ème siècle. Ces réveils spirituels ont eu lieu dans le judéo-christianisme où la majorité des personnes étaient catéchisées. À ma connaissance, je n'ai jamais entendu parler d'un réveil, comme en Angleterre, dans le Pays de Galles, dans un contexte païen. Ces catéchisés de l'hémisphère nord avaient la définition des grands thèmes traités dans la Bible. Ce catéchisme avait encore une certaine influence socio-culturelle, mais ne descendait pas dans les profondeurs de l'être humain. Il ressemblait à l'entreposage du bois sec pour l'hiver. Le réveil a permis de mettre le feu à ce «catéchisme», à habiter sa vie spirituelle.

De plus, il y avait un comportement socio-culturel qui facilitait le passage entre texte biblique et comportement personnel. J'ai grandi dans un village agricole et vinicole protestant alsacien, dont tout le monde était catéchisé. Aucun agriculteur et viticulteur ne travaillait le dimanche, même si, lors des récoltes, la pluie menaçait les jours suivants. La majorité des maisons ne fermaient pas la porte à clé puisque les vols étaient presque inexistants. Il y avait donc une sorte d'éducation communautaire à la vie du fait du groupe social qui n'était pas forcément le fruit d'un réveil, mais plutôt d'une éducation ourdie par le pasteur et le régent (instituteur scolaire). Une sorte de colonne vertébrale. D'ailleurs, c'est ce qui manque à la laïcité qui ne peut que s'appuyer sur l'école et n'a plus que les policiers, la justice et l'administration pour s'imposer... et les caméras de surveillance.

Cette colonne vertébrale judéo-chrétienne n'existe plus et les gens ne sont plus catéchisés. Ils ne connaissent plus les normes bibliques, même «sèches». De plus, les réseaux sociaux, soumis aux marchands, ne cherchent qu'à éduquer les gens à acheter et tout est bon, y compris pour les politiques et parfois pour certains pasteurs, à flatter le consommateur. Il ne s'agit pas seulement d'acheter des objets, des produits de consommation courante, mais les écrivains, les philosophes, les journalistes et des pasteurs vendent des idées, les cinéastes occupent nos esprits et nos imaginaires, selon l'expression formulée en 2004 par Patrick Le Lay, alors président-directeur général du groupe TF1.

Les limites de la Bible

La Bible serait-elle limitée? Le texte biblique n'a aucun pouvoir magique de transformation. Ce qui ne veut pas dire que ce texte est à négliger, mais c'est comme celui qui lit une carte routière. Il peut parfaitement connaître le tracé d'une route à partir de la carte, comme il pourra connaître le chemin du Christ en lisant les évangiles, mais lorsqu'il arrive dans la circulation, sur la route goudronnée de la vie, il n'arrive plus à se repérer et très souvent il se perd. Ça nous arrive très souvent, d'avoir visualisé un parcours sur Google Maps et en arrivant sur place, on a de la peine à trouver notre chemin. Hélas, le Saint Esprit n'opère pas comme un GPS, non pas qu'il n'en serait pas capable, mais parce qu'il préfère que nous apprenions par nous même et par le contact avec les autres. Bien sûr, avec les dons spirituels, il se comporte, de temps en temps, comme un GPS, mais c'est plutôt des processus exceptionnels. 

Catéchisme, apprentissage collectif et apprentissage individuel par l'expérimentation

Il faut toujours avoir en tête que Dieu cherche des disciples autonomes dans leur manière de vivre leur vie, tout en appliquant des principes, des valeurs issus de la Bible. Éduquer, à la manière chrétienne, ne veut pas dire connaître les bonnes manières pour se tenir en société.  Dans le jardin d'Eden Dieu se promenait incognito, il n'avait aucun ange pour surveiller Adam et Ève. Comme nous, les parents qui ne voulons pas tenir la main de nos gamins jusqu'à la fin de leurs vies. Ce que d'ailleurs certains parents font... et parfois certains pasteurs avec les croyants dont ils ont la charge. Ceci n'est pas de l'éducation. Ce n'est pas suffisant d'apprendre à dire « bonjour » à Dieu de la bonne manière.

Entre la Bible et le croyant, il y a le catéchisme (ou le système de prédications et d'études bibliques) qui ressemble au guide d'utilisation et de vulgarisation lorsqu'on achète une nouvelle caméra ou un nouveau smartphone, mais comprendre le fonctionnement technique d'un appareil ne donne pas encore l'expérience de la création d'un film. Nous sommes appelés à créer un film de vie que d'autres vont voir. Il y a deux manières de se lancer dans ce type de création, l'une, c'est de faire partie d'un groupe de cinéastes professionnels et amateurs, une sorte de club (église) où l'on s'immerge pour apprendre ensemble. Se critiquer parmi. Copier ce que d'autres font. Réaliser des productions communes avec des personnes qui en savent plus. Partager des idées et les mettre en pratique. L'autre manière c'est de se mettre à apprendre par soi-même, à expérimenter la réalité de Dieu en essayant tout simplement de les vivre, quitte à essuyer des échecs cuisants et à réaliser des clips qu'on jette dans la corbeille de «l'ordinateur» spirituel.

Comment agencer un culte ou des études bibliques, qui ne ressemblent pas à l'explication du mode d'emploi de «l'appareil spirituel».

Le pasteur-théologien me fait penser à ces spécialistes du montage vidéo qui font des tutos pour apprendre à manier une nouvelle caméra. C'est important et souvent je les consulte, mais ça ne suffit pas. Je préconise que le pasteur se contente en prédication ou pour une étude biblique de créer son tuto, mais que dans une deuxième partie, il donne la parole à des personnes qui montrent comment ils ont réalisé leur «film» de vie, d'autant plus que l'auditoire pourra authentifier que le «film» correspond à la réalité. On pourra discuter avec la personne, lui poser des questions, lui demander des tuyaux.

Le croyant, mais aussi le païen souhaite non pas qu'on lui explique ou illustre la vie spirituelle, mais il veut qu'on lui apprenne à habiter cette vie. Comment agencer la matinée du dimanche dans l'optique d'apprendre à habiter sa vie du moment, pas seulement celle de la semaine ou du mois suivant. La mentalité du système scolaire dont s'inspire l'église, fait la plupart du temps apprendre pour plus tard. Par exemple, on enseigne à l'élève à compter, mais dans le temps, le gamin, n'avait même pas d'argent de poche. Comment apprendre à prier en groupe, demander des réponses qu'on pourrait partager le dimanche suivant ou à apprendre à digérer une non-réponse de la part de Dieu. Il faut absolument minimiser l'apport frontal de l'enseignement au profit de cette notion «d'habiter» sa vie. Lorsque Jésus rejoint ses disciples, lors de la tempête, il leur apprend à habiter cette expérience difficile. Je sais que ce n'est pas facile à mettre en pratique. Je n'ai pas de formules toutes faites à proposer, mais au moins je suggère d'aller dans cette direction. Un peu comme les débuts de l'Armée du Salut qui mettait trois éléments en avant (les trois S): «Soup, soap, salvation». Ils partaient de l'idée qu'une personne qui a le ventre vide pourra difficilement entendre parler du salut-en-jésus-christ. Souvent les gens viennent au culte le ventre vide, émotionnellement parlant, mais on leur servira en priorité une excellente prédication bien charpentée théologiquement parlant et peut-être on leur dira qu'on est disponible pendant les heures de bureau en semaines ou bien on leur indiquera une association de relation d'aide. Ce n’est pas ça l'éducation dont je parle!

Comment apprendre communautairement la spiritualité chrétienne?

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