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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Le “trumpisme” évangélique, une croyance bien performante?

15 Décembre 2020, 10:05am

Publié par Henri Bacher

Le “trumpisme” évangélique, une croyance bien performante?

Dans mes analyses de la spiritualité chrétienne actuelle, je mets beaucoup l’accent sur la culture. Celle-ci est un élément fondamental pour comprendre nos comportements de chrétien. Il n’y a pas d’activité spirituelle qui ne soit liée à un support culturel qui va la servir, mais aussi la fragiliser. Pour nous, chrétiens occidentaux, notre foi est intimement liée à l’écrit et à la lecture. À tel point qu’on n’imagine pas qu’on puisse être chrétien convaincu et convaincant sans savoir lire, ni écrire. Ce qui s’est passé aux États-Unis, pour les chrétiens estampillés par la presse, d’évangéliques, est en grande partie lié à l’évolution de la culture actuelle.

La croyance évolue sous l’influence de la culture
Pour expliquer ce qui se passe aujourd’hui, je ferais le parallèle avec les changements climatiques. Je vais faire référence à ce que j’appelle le “théomimétisme”: s’inspirer de la création, notre deuxième source de Révélation. Les scientifiques de tout poil imitent bien la nature pour trouver de nouvelles applications technologiques et ça s'appelle le biomimétisme*. Comme dans la création de Dieu, il y a des cycles climatiques, réchauffement, glaciation, dans les cultures humaines successives on pourrait imaginer les mêmes processus. Le Moyen-Âge, culturellement et religieusement, était plutôt une période chaude. Exubérante au niveau de l’expérience spirituelle, comme une mer chaude. La Renaissance a permis l'émergence d’une sorte de glaciation. Les réformateurs luthériens et calvinistes ont bien saisi ce “refroidissement” lié en grande partie à la perception émotionnelle de la réalité. Aujourd’hui, nous sommes dans une période de réchauffement. La culture numérique fait largement appel à l’émotion pour se diffuser, se vendre. Les spiritualités propulsées par la vidéo, la musique, les arts plastiques, le théâtre, le conte, le stand-up font basculer notre perception de Dieu. Les glaciers doctrinaux fondent. De nouvelles “espèces” spirituelles migrent vers le “nord” du continent religieux européen: rêve, intuition, vision, prophétie. Une des plus importantes, c’est les “espèces” liées à la croyance. C’est une “plante” spirituelle qui a tendance à être envahissante. Pour moi, l’élection présidentielle américaine, chez les chrétiens évangéliques, a fait largement appel à la croyance et non à la foi chrétienne.

Croyance et foi
Selon Wikipedia la croyance se définit ainsi:
La croyance est le processus mental expérimenté par une personne qui adhère à une thèse ou une hypothèse, de façon qu’elle les considère comme vérité, indépendamment des faits, ou de l'absence de faits, confirmant ou infirmant cette thèse ou cette hypothèse. Ainsi, les croyances sont souvent des certitudes sans preuve.

Toutes les religions, mais aussi les systèmes politiques ou philosophiques reposent sur des croyances, y compris la religion chrétienne. C’est même un de ses principaux carburants. On croit au retour du Christ sur terre, c’est une croyance parce qu’on n’a aucune preuve. Le fait, que ce soit écrit dans un livre comme la Bible, n’est pas une preuve, à moins de croire que ce livre est directement inspiré par Dieu. Souvent le chrétien a confondu croyance et foi. Le fait d’avoir comparé Monsieur Trump au nouveau Cyrus, c’est une croyance au même titre que le philosophe Marx, croyait, que sa philosophie allait changer le monde. La croyance fait toujours fi des preuves. Pour le "croyant" ce n'est vraiment pas le plus important. Je n’ai aucun problème que certains chrétiens croient qu’un président puisse être le nouveau Cyrus, mais pourquoi n’avoir pas attendu le processus électoral pour avoir la première preuve que cet homme providentiel est dans le bon chemin. La preuve que ces croyants qui militaient pour leur candidat, faisaient fausse route, c’est qu’ils se sentaient fortement mobilisés pour faire la promotion de leur “Cyrus”. Si Dieu est derrière ce politique, il se débrouillera, sans l’apport des chrétiens, pour le faire élire. Il n’y a aucune indication dans la Bible qui nous incite à soutenir des pouvoirs politiques pour diffuser la foi chrétienne. L’exemple de Cyrus est unique dans l’histoire biblique. On ne peut pas en faire un stéréotype. Tous ces chrétiens qui pensent devoir défendre politiquement l’existence du peuple d'Israël, eux aussi véhiculent une croyance, plus qu’une foi. On n’a pas beaucoup entendu les chrétiens évangéliques, sous le régime nazi, pour défendre les juifs et pourtant Dieu a accompli sa promesse. Beaucoup de personnes croient que Jésus est Dieu, les démons le croient aussi (Jacques 2:19). Il ne suffit pas de croire, il faut faire confiance au Christ et lorsqu’on accepte qu’il soit notre maître et Seigneur, une preuve va s’installer en nous. Notre vie va changer de fond en comble.

 

Comment ne pas se laisser envahir par la croyance?
Il est clair que l’espace mental entre croyance et foi est très ténu. Et la relation avec le Christ commence toujours par une sorte de croyance. Voici quelques principes à appliquer lorsqu’on est dans un système de croyance:

1. Ne pas se contenter de l’émotion "croyance", mais chercher des preuves. Je donne un exemple pratique. Nous avons eu un appel pour travailler dans une mission au Pérou. L’appel s’est basé sur la croyance que c’est le Saint-Esprit qui appelait. Nos responsables d’églises, comme eux ne croyaient pas à notre appel, nous ont demandé de ne pas faire d’appel d’argent, ni de faire connaître nos besoins financiers. Nous avons obéi avec beaucoup de peine et au bout de quatre ans, nous sommes partis. L’apprentissage de la confiance en Dieu fut très long, mais nous sommes partis et nous n'avons eu aucun souci financier durant cinq ans et même plus tard, sans jamais faire d’appels d’argent. Nous racontons cette expérience dans un clip vidéo (voir le clip au final du post). La preuve de notre croyance fut le financement miraculeux. La croyance ne se vérifie jamais au début. 

2. Il faut cultiver une certaine méfiance vis-à-vis de nos "émotions-croyances". D’autant plus que la culture qui nous materne nous apprend massivement à utiliser la croyance, comme par exemple le complotisme. Il faut toujours mixer croyance et preuve. Si vous vous dites chrétien (vous croyez), mais que vous n’arrivez jamais à pardonner à celui qui vous a offensé, vous devez mettre en question votre croyance.

3. Si vous croyez par exemple que Dieu vous appelle à un ministère ou à une tâche particulière, demandez que Dieu vous donne des indications précises extérieures à vous et que vous n’aurez pas provoquées. Lors de notre appel pour le Pérou et lorsque la situation était complètement bloquée et que nous étions dans le doute, nous avons dit à Dieu qu’on laissait tomber notre «croyance» à moins qu’il nous donne un signe extérieur. Dieu nous a donné ce signe confirmé par des frères qui n’était pas partant pour notre projet.

Comment réagir en tant que responsable d’église?
On s’est surtout attelé, jusqu’à maintenant, à fustiger les déviances d’un système, quelles qu’elles soient: politique, culturel, philosophique. On a pris les "followers" évangéliques de Donald Trump, pour des demeurés spirituels. Ils ont simplement réagi d’une manière extraordinaire (extra-ordinaire) au message de ce président qui a une maîtrise exceptionnelle de l’outil culturel. Comme nous, évangéliques, on n’a jamais été formé, à comprendre le fonctionnement des outils culturels, sauf à savoir lire la Bible et écrire, on se fait entuber. Nous avons besoin d’éduquer les croyants pour saisir l’impact de la nouvelle culture sur nos comportements. On a l’impression que la foi chrétienne n’a rien à voir avec une quelconque culture. Elle semble se comporter comme les Suisses qui se disent neutres, mais qui n’hésitent pas à exporter des armes et à abriter de puissants financiers qui ont fait leur fortune avec la guerre.

* Biomimétisme, Alain Thiéry et Cécile Breton, Ed. Le Cavalier Bleu, 2017

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