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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Gestion des conflits au sein de la communauté chrétienne

27 Septembre 2016, 16:09pm

Publié par Henri Bacher

Lorsqu’on parle de conflits dans l’église, on pense surtout aux conflits liés à la question des relations humaines: mépris, jalousie, esprit de supériorité, manque d’amour, etc. Je voudrais plutôt traiter la question des conflits qui naissent lors des orientations stratégiques, des décisions concernant le fonctionnement du culte ou d’autres activités. Et le bât blesse, lorsqu’on applique à ces conflits le même traitement que l’on réserve aux conflits d’ordre éthique. Ces dysfonctionnements sont dus au changement culturel que nous vivons actuellement. Il faut apprendre à intégrer les contraires, les différences, à gérer la complexité des relations.

Nous venons d’un monde culturel analytique qui a pu progresser en décortiquant à l’extrême la réalité, qu'elle soit mécanique, biologique, psychologique, théologique, etc. Notre système d’écriture est le fidèle reflet de cette culture analytique qui chérit le détail, avant de s’intéresser à l’ensemble. Avant d’écrire une phrase, il faut maîtriser le mot. Depuis l’invention de l’imprimerie, l’église a mis beaucoup d’énergie à maîtriser le “mot” avant la phrase, à tel point que les chrétiens connaissent bien le “mot”, mais ne semblent pas pouvoir comprendre la phrase. La construction de la phrase est un mécanisme analytique. Si nos contemporains n’ont plus de sens à leur vie, c’est peut-être aussi parce qu’ils ne comprennent plus le sens de la “phrase”. En continuant, surtout dans l’église, à traiter la réalité de la communauté sous l’angle analytique, qui a fait son temps, nous allons entrer de plus en plus dans d’interminables conflits, impossibles à résoudre.

Quelques exemples
Lors d’une rencontre d’échanges d’idées et de prières pour l’avenir de l’église, on s’affronte, parce que les uns prônent qu’il faut passer le plus clair de son temps à prier et d’autres veulent discuter et échanger, avant de prier. On s’accuse mutuellement de n’être pas assez spirituel, puisqu’on semble négliger la prière. Et les autres pensent que les émotions générées par la prière, ne favorisent pas une construction bien pensée. Dans un autre domaine, une communauté crée une succursale dans une commune limitrophe. On s’achoppe parce que les uns veulent devenir complètement autonome, “standalone” et les autres souhaitent construire un réseau interdépendant.

Comment contourner le problème
On ne peut pas le résoudre en demandant que chacun mette de l’eau dans son vin. C’est la méthode utilisée par le passé et elle a fonctionné. Aujourd’hui, elle mène à l’inertie, parce qu’on n’est plus dans la culture de l’analytique ou de moins en moins.

Il faut appréhender la réalité par le biais de la systémique. Je prends l’exemple du robinet d’eau. C’est un objet qui fonctionne en systémique. Il y a le tuyau, le corps du robinet qui contient un système de vanne et il y a l’eau. Si l’une des parties fonctionne mal, tout le système se détraque, mais aucune des parties n’est autonome. Elle ne peut fonctionner qu’en interréaction avec tout le reste. Ce qui amène à la conclusion que l’ensemble d’un système est plus important que la somme de ses parties. Avec la culture de l’écrit, on a pris l’habitude de scruter le détail (une des parties du système), de le perfectionner; c’est le “mot” de la phrase. Ce qui a permis d’accéder au niveau de technicité qu’on a aujourd’hui. Seulement, on a poussé trop loin cette manière de penser. Et quelque part on a perdu le sens de ce que nous faisons. Dans le domaine chrétien, la perte de sens est souvent reliée au manque de spiritualité. Et si c’était aussi le fait qu’on n’arrive plus à penser en systémique?

Pour revenir dans le concret de l’église, pour travailler sur l’avenir de l’église, il faut penser “systémique” et faire s’interréagir la prière, avec la réflexion, avec l’expérimentation, etc. Plus il y a de parties qu’on interconnecte, plus le système est performant. Par exemple, avec la prière, à la manière analytique, on parle beaucoup et puis après on termine par la prière, pour “saupoudrer” le tout d’un zeste de spiritualité. Ou bien on prie beaucoup et on pense que l’illumination se fera. A ce stade-là on peut s’inspirer de la création. Toute la création est construite sur la base de systèmes interconnectés. La galaxie où nous vivons est un système interconnecté. Une simple variation d’un des éléments du système peut être catastrophique pour la terre. Nous devons réapprendre à penser comme Dieu pense.

Comment pratiquer la systémique en église?
Reprenons le système du robinet pour chercher de nouvelles stratégies pour l’avenir de l’église. Avant de s’intéresser au résultat et de chercher des solutions pratiques pour l’avenir, il faut d’abord se poser la question de l’utilité de ce que nous voulons entreprendre. Est-ce que nous voulons réparer un vieux robinet, poser un plus gros parce que les besoins en eau ont augmenté? Où sont les gens qui vont s’en servir? Vivent-ils à côté du robinet? Ou bien, sont-ils très loin, mais comme nous ne pouvons ou ne voulons pas déplacer le robinet, on construit un chemin d’accès, pour rejoindre le robinet. Il est clair que la prière est une partie essentielle du système. Dès qu’on a commencé notre recherche, il faut à chaque étape, consulter Dieu. Ce qui veut dire qu’on s’arrête à un moment donné dans les discussions et on remet la problématique du moment dans la prière pour recevoir des instructions divines. Nous sommes des collaborateurs de Dieu, pas des robots spirituels. Nous devons construire un système d’interréaction avec le St Esprit. Dieu est créateur et il nous demande de créer puisqu’on est fait à son image. On va peut-être imaginer un robinet complètement déjanté et Dieu nous dira: essaye, on verra bien!

Quand on aura trouvé l’emplacement du robinet, on va se pencher sur la manière de construire les plans de ce robinet. Parce que les plans vont devoir tenir compte de son utilisation. Vous voulez désaltérer des parents avec enfants, il faudra prévoir un robinet facile à manier par des enfants.

J’arrête ici ma parabole du robinet, car vous comprenez facilement la manière de procéder. En analytique, on fait les choses les unes après les autres et parfois, on oublie dans quel but on le fait. Ou plutôt, que ce n’est pas le but (l’emplacement du robinet) qui va déterminer la construction du robinet, mais l’idée qu’on se fait de ce que devrait être un robinet-selon-la-pensée-de-Dieu.

Les attitudes à adopter
Dans ce genre de conflits, il ne faut surtout pas “spiritualiser” ou “moraliser” les conflits. Lorsqu’il y a conflit, il faut d’abord définir quelle est sa source. Majoritairement, ces conflits viennent de la culture ou de l’entrechoc de plusieurs cultures: celle de la culture d’église, de la famille ou de la société où vit la personne ou d’où elle est issue lorsqu’elle est migrante. Or, la culture est constitutive de l’identité d’une personne. Si vous touchez à la culture d’une personne, vous touchez à son identité et pouvez durablement la déstabiliser. La spiritualité fait partie de la culture, mais elle ne recouvre pas l’ensemble de la personnalité humaine. La foi chrétienne va permettre de christianiser la culture, mais elle ne la remplacera pas. La culture c’est comme un filet à provision. Ça dépend ce qu’on met dedans, mais la foi ce n’est pas le filet et la vie ce n’est pas seulement parler de foi du matin au soir. La foi doit irriguer notre vie, pas l’inonder. Il faut apprendre aux gens à décrypter leurs émotions lors d’un conflit. Ce n’est pas parce qu’on est mal à l’aise dans une réunion qu’il y a une mauvaise influence. C’est peut-être juste un inconfort culturel et dans ce cas, on fait avec, mais il n’est pas nécessaire de claquer la porte. Pour ceux qui dirigent une réunion de travail, c’est important de sensibiliser leur public à ce type de conflits qui sont parfaitement normaux. Une de mes amies soutenait mordicus qu’il fallait dire “amen” à haute voix, lors d’une prière exprimée dans un groupe. C’est une manière d’approuver la prière de l’autre. C’est typiquement une réaction de type culturel. Dire ou ne pas dire "Amen", ce n’est pas une marque de spiritualité. Si je comprends que c’est une réaction culturelle, avant tout, je peux aisément passer par dessus.

 Gestion des conflits au sein de la communauté chrétienne
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