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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Le Livre, quelle influence dans l'église?

28 Septembre 2014, 15:58pm

Publié par Henri Bacher

Le livre (1) qui déforme légèrement (3) la structure de pierres

Le livre (1) qui déforme légèrement (3) la structure de pierres

Rien qu'une "courbure"
C’est à Paris, lors d’une exposition, que j’ai photographié, cette installation monumentale créée par un artiste mexicain, dont je n’ai malheureusement pas noté le nom. Pour moi elle symbolise parfaitement ce qui se passe aujourd’hui, culturellement parlant. L’objet blanc (1) à la base du mur de briques, est un livre. Celui-ci va influencer le mur et lui donner une courbure (3), une influence qui ne va pas changer complètement l’organisation des briques entre-elles. Ce mur (2) c’est la civilisation des mass-médias et d’internet. Dans la civilisation du livre, on aurait mis celui-ci comme pierre angulaire pour déterminer l’ensemble de la construction et lui donner la ligne de conduite.

Mur d'images

Mur d'images

Sauver le "soldat Bible" comme Référence
Aujourd’hui, le mur de briques est remplacé par des murs d’images qui sont encore en partie influencés par la civilisation du livre. Un certain nombre de scénarios de film sont tirés d’un livre. Encore que ce n’est pas le support imprimé qui est important, mais l’histoire que le livre contient. On ne pourra jamais mettre en images, un essai philosophique ou les lettres de Paul, même si parfois l’apôtre utilise des paraboles pour se faire comprendre. Par contre, on a tiré un ou plusieurs films avec le Christ comme personnage principal, parce que justement les évangiles racontent avant tout des histoires. La production évangélique imprimée est largement le fruit de la civilisation du livre, de l’école et elle a tendance à ne "soulever" (comme dans l'installation de l'artiste) qu’un tout petit peu le nouveau développement du monde des images. Les écrivains évangéliques du passé ont eu de la peine à raconter des histoires, surtout pour enseigner.

Faut-il donc en conclure que l’écrit est inutile, puisque son influence sur le devenir de la culture tend à disparaître? Avant l’imprimerie l’écrit était confiné dans des espaces spécialisés comme le monastère pour la Bible ou les textes théologiques. On les conservait et on les reproduisait, mais ils n’étaient pas accessibles au grand public. Avec l’imprimerie le texte, n’est plus seulement une référence, ce qu’il a toujours été, mais il se transforme en support de communication. L’imprimé a permis que la référence devienne en même temps communication pour le grand public. Or, aujourd’hui, c’est l’image qui prend le relais de l’imprimé. L’image devient aussi référence en même temps que communication. Ce processus montre en même temps combien il était dangereux, dans le passé, d’avoir éliminé, par technologie interposée, les images. Comme aujourd’hui, par l’intermédiaire d’autres technologies, on marginalise le texte écrit et on fait de l’image une référence “standalone”. Ça ne vous rappelle rien? Images saintes, reliques du Moyen-Âge, etc.?

En fait, la Bible retourne au “monastère”, aux mains des spécialistes qui vont la conserver, la traduire et la dupliquer. C’est le plus grand défi actuel pour la Bible, référence unique pour le christianisme. Il faut sauver le “soldat Bible” comme référence. Le théologien devrait réfléchir comment faire jouer cette référence sans forcer le grand public à lire. Puisqu'il est de moins en moins capable de lire.

Apprendre à parler
Je pense qu’une des pistes serait d’associer l’image à la parole avec un petit p. A la Renaissance, le texte biblique aurait dû s’associer à la parole, au parler et non à l’imprimé, tout en utilisant l’imprimé. Aujourd’hui, nous nous précipitons, y compris moi, sur les réseaux sociaux et le monde des images au lieu de faire parler les gens entre eux. L’église devrait devenir un endroit où l’on parle avec Dieu, avec les autres, avec les gens en dehors de l’église. La plupart du temps, nous parlons par texte ou images interposées.

Je pense que le Christ qui n’a jamais laissé de traces écrites qui incarnait cette mentalité-là. Il parlait et il incarnait ce qu’il disait non pas dans des discours, des images, des textes, mais dans une pratique journalière.

Personnellement, je redoute d’investir trop dans les technologies de communication au lieu d’investir dans une communication orale basée sur ma personne physique et non pas sur l’image que je projette par écran interposé. L’église devrait mettre sur pied des ateliers pour apprendre à parler, à communiquer avec les autres, avec son conjoint, avec ses enfants, avec les pas-encore-chrétiens, avec l’ivrogne, avec le banquier, avec le politicien.

Comment utiliser la Bible comme référence par le truchement du parler?
Pourtant, beaucoup de personnes se sont engagés spirituellement en lisant des livres, comme actuellement beaucoup de personnes font des expériences spirituelles marquantes après avoir regardé une vidéo.

La clé pour moi, c’est de rester dans le déséquilibre. C’est de ne pas choisir et de ne pas croire que le monde des images aura moins d’effets pervers que le monde de l’imprimé qui s’est, entre autre soldé, par deux guerres mondiales sur territoire dit judéo-chrétien. L’important c’est de ne pas se fermer les yeux et d’accepter que nous sommes des personnes qui comprenons mal ce qui se passe dans le monde. Il n’y a que Dieu qui est universel. On est toujours formaté par sa culture qui, elle aussi, est partielle. Ça nous évitera de l’utiliser comme un rouleau compresseur. Je milite pour développer une culture de la tchatche.

Pour être concret
Nous avons mis au point une exploration de la vie chrétienne appelée Christoville sur la base du "parler". Toute notre stratégie d'enseignement est basée sur l'importance de la parole, le parler entre les participants. Nos dix modules sont truffés de questions pour lancer les discussions. Ce ne sont pas des discours filmés suivi de questions, mais on commence par les questions et on prend appui sur ce que les participants connaissent déjà. Plus on parle autour du sujet, mieux ça vaut. 

Cordonnées pour l'artiste du mur de briques transmises par une tierce personne:

L'artiste du mur de brique: Jorge Méndez Blake El Castillo, 2008
Mur de briques, exemplaire du livre de Franz Kafka «Le Château »
La Colección Jumex, Mexico

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L'artiste du mur de brique: Jorge Méndez Blake El Castillo, 2008<br /> Mur de briques, exemplaire du livre de Franz Kafka «Le Château » <br /> La Colección Jumex, Mexico
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