Comment investir dans nos productions numériques dans le cadre de l'église?
Comment faut-il gérer le développement des biens culturo-spirituels liés à l'église? Où et comment faut-il investir? Que faut-il produire?
La culture est en pleine évolution grâce ou à cause de puissants leviers technologiques comme la radio, la télé, internet, la téléphonie, les consoles de jeux, les montres connectées et autres supports numériques. Les innovations se succèdent à grande vitesse et les productions numériques actuelles ont une durée de vie très réduite. Ce qui me fait dire qu'il faut être très prudent quant aux investissements dans ce domaine. Le cycle du livre pouvait s'étendre sur plusieurs décennies, aujourd'hui les produits électroniques s'utilisent et se jettent comme un vulgaire Kleenex. Il faut donc être sûr de son produit avant de se lancer. Qui peut prévoir ce qui se passera dans trois ans? Quel support va dominer? Facebook et Twitter vont-ils encore avoir le vent en poupe? Facebook est déjà en reflux parmi les jeunes entre 15 et 20 ans.
Il restera toutefois des tendances. Il est clair que la vidéo deviendra prépondérante et non l'audio ou l'écrit. Tout pense à croire que le support le plus utilisé sera le smartphone, la phablette ou la tablette.
Piratage et gratuité
Un autre facteur, économique celui-là, aura aussi une importance grandissante. Les consommateurs de biens culturels sont de moins en moins enclins à payer. Mettre la Bible à disposition sur internet, sur les téléphones pourra certes se faire contre paiement, mais l'impact sera très réduit. Le piratage est une donne incontournable et je pense qu'il ne faut pas trop vite juger le chrétien qui pirate un bien comme la Bible ou des messages provenant de la sphère de l'église. La Bible et nos-messages-inspirés-du-Saint-Esprit n'appartiennent à personne et je vois mal de pouvoir justifier, devant Dieu, que pour lire la Bible, il faut passer par le tiroir-caisse. Comprenez-moi, je ne conteste pas les pratiques issues du commerce du livre, mais je pense qu'il serait important de repenser nos stratégies commerciales (ou notre "vivre par la foi") dans ce nouveau contexte. Et puis, le piratage est un moyen fantastique de diffusion qui ne coûte rien à l'église. C'est là qu'il faudrait peut-être repenser le modèle économique. A titre personnel, depuis plusieurs décennies nous ne faisons pas d'appel d'argent et nous ne faisons pas connaître nos besoins financiers. Et pourtant, sur nos trois chaînes Youtube nous avons des milliers de consultations. Les diffuseurs chrétiens qui disent qu'ils ne peuvent rien faire de qualitatif sans un apport important de finances, ne sont pas dans la mentalité de l'évangile. Ils raisonnent comme des businessmen.
Le rôle de l'apprentissage
On néglige trop souvent l'apprentissage. Si la Bible papier a eu autant d'impact, c'est qu'il y a eu tout un travail d'encouragement et de formation à la lecture de la Bible. Ce n'est pas parce qu'on a mis le produit sur le marché qu'il a aussitôt été adopté comme support de méditation. La foi réformée, à ses débuts, s'est plus propagée par les cantiques, les fameux psaumes chantés, que par la méditation du Livre. Or, aujourd'hui, on ne peut pas simplement passer du livre à l'audio ou à la vidéo. De plus, on ne médite pas de la même façon à partir du texte écrit, qu'à partir d'une vidéo. Tout reste encore à inventer dans ce domaine. Il ne faut non plus négliger que le théologien qui sort de son institution de formation n'est absolument pas formé à utiliser le support vidéo comme moyen d'enseignement. Je ne parle pas ici de manipulation des appareils, mais de reformulation du message dans un langage vidéo qui n'emploie plus la systématique, l'analyse et le discours comme vecteur de compréhension.
Street-art réalisé par le peintre François à Mexico. Traduction: Donne-moi le fric (à gauche, pasteur évangélique), Donne-moi les clés (à droite, le pape)