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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

La culture numérique génère la confusion. Quelles conséquences pour l'église?

20 Mars 2025, 08:00am

Publié par Henri Bacher

Nous sommes, comme du temps de la Renaissance, dans un bouleversement socioculturel, religieux, politique, économique qui fait basculer un monde connu dans un autre inconnu, difforme, imprévisible. Les églises chrétiennes sont toutes prises dans le même maelström d'incertitudes. Nous pensons que l'histoire du démoniaque de Génézareth relatée dans l'évangile de Marc, chapitre 5, peut nous aider à cerner les enjeux de notre monde actuel.

Petites remarques préliminaires
Le texte biblique que nous prenons en référence traite d'un cas que les chrétiens traitent, en général, sous l'angle de la démonologie, alors que le pas-encore-chrétien l'analyse avec des outils psychiatriques. Nous en tirons plutôt une sorte de parabole. Tout en ne disant pas que la culture numérique a une connotation démoniaque ou qu'elle est inspirée par le diable, quoique, mais que sa manière de se développer a les traits et les comportements qui ressemblent à celui de ce fou.

Quelle est l'origine de cette confusion aujourd'hui?
Elle n'est justement pas spécialement pilotée par des démons, mais par des phénomènes socioculturels, politiques, mais aussi technologiques qui font voler d'anciens tissus culturels en morceaux. C'est comme un camion qui foncerait frontalement dans cette culture bâtie sur le livre et l'école, d'où la brutalité du phénomène. D'autant plus qu'il y a une accélération phénoménale des moyens de communications. On n'arrive plus vraiment à s'adapter, d'où aussi ce reflux sur le conservatisme tout azimut, quitte à donner les rênes du pouvoir à des «fous»!

 

Voici les conséquences de ces chocs frontaux. Nous menons une vie «folle».
O Le contexte dont le fou de l'évangile émerge est un cimetierre. Nos sociétés occidentales «puent» les sépulcres. On est bien plus attiré par les faits divers sordides que par de bonnes nouvelles. La première confusion c'est avec l'autorité (v.5:1). Personne ne peut plus le tenir attaché. Ni loi, ni maître. Ce que revendique bien nos extrêmes politiques. Abattre ce qui peut entraver le business et la libre entreprise de faire du pognon.
O La deuxième confusion, c'est celle du temps (v.5). Tout le temps, le jour et la nuit. Et maintenant, c'est aussi le dimanche. Comme pour le livreur de paquets et autres services liés à la gastronomie, au monde des loisirs et de l'entertainment.
O La troisième confusion, c'est celle du lieu (v.5). Parmi les tombes et sur les collines. Nous sommes tiraillés entre le réel et le fantasmé, le smartphone et le livre, entre autre la Bible, l'épouse ou l'époux et les «friandises» extraconjugales, le travail et le loisir, l'église et la fréquentation des gourous charismatiques (je ne parle pas de ceux qui utilisent les dons du Saint Esprit, mais de ceux qui utilisent la mayonnaise des réseaux sociaux, charme, séduction, etc...).
O La quatrième confusion, c'est celle de la mobilité (v.5). Personne n'a la force de le tenir tranquille. On parle bien d'un mobile, de mobilité, en mentionnant le smartphone. 
O Cinquième confusion c'est celle dans le domaine de la communication (v.5). Il pousse des cris et se blesse avec des pierres. Vous pensez que j'exagère, mais prenez certains politiques, mais aussi des pasteur-es sur les réseaux sociaux qui sont plus des «hurleurs» de messages, avec gesticulations emphatiques, que des «transpondeurs» (contraction des mots anglais transmitter – responder, émetteur – répondeur). Et les questions des blessures? Ce sont tous ces sports qu'on regarde parce qu'ils sont quelque part dangereux. La guerre vue par les clips vidéos des réseaux ressemble à des jeux vidéo. C'est cette propension à être fasciné par la violence.


Quelles sont les parades qu'on développe pour répondre à ces «confusions»?
 

O Nous avons bien compris qu'il fallait changer et évoluer, donc on «habille» le camion à la mode scolaire. On transporte le texte et la manière scolaire d'enseigner sur les camions des réseaux sociaux. Hélas, c'est vraiment la mauvaise solution. Il ne suffit pas d'adapter le texte, sous-entendu, la théologie et la pratique spirituelle au camion. Il faut former de nouveaux conducteurs qui sachent conduire le camion dans les nouveaux méandres des confusions. C'est fini, comme avec l'école où on pensait qu'on pouvait façonner les enfants et, par ricochet, les adultes à se conformer à la culture générée par le système scolaire et dont les courants mainstream du christianisme ont largement profité. L'école leur fournissait, sur un plateau, une «tête» formatée pour réceptionner le message qu'ils ont conditionné en fonction du support culturel. Le problème, c'est que les nouveaux fournisseurs culturels ont changé de «produits» et ce qu'ils livrent ne rentre plus dans nos «têtes», mais ils sont mis au point pour nos «entrailles».
O Le conducteur du camion ne conduit pas son engin avec son potentiel analytique. Il n'analyse pas en premier la circulation, mais il conduit à l'instinct. Je le sais par expérience, j'ai aussi été chauffeur de gros bus de tourisme pendant un temps de latence entre deux jobs.
O Il ne suffit pas d'habiller visuellement son camion pour être réseaux compatibles. La Bible sera toujours en bonne position sur le siège à côté du conducteur pour qu'il puisse trouver dans ce guide la meilleure route, les meilleurs conseils pour éviter les embuches, pour arriver à destination. Celle de l'éternité. Mais Dieu confie ses nouveaux camions culturels à des chauffeurs qui savent conduire avec l'instinct. Rien à voir avec les chauffeurs de salle.

O Le conducteur ne va pas conduire comme un fou (comme celui du texte biblique), mais son souci premier sera de rejoindre la destination finale avec sa cargaison en se gardant de tout accident qui pourrait détruire sa vie.

Que faut-il en tirer comme conclusion?
O Nous ne sommes plus en mesure de changer le monde. C'est une utopie complète que de croire qu'en mettant par exemple un président qui sait manier un vocabulaire à connotation chrétienne puisse changer quoi que ce soit dans la perspective chrétienne.
O Il y a une telle accélération de l'Histoire, une telle concentration du pouvoir entre les mains d'une poignée de personnes, de tels puissants leviers numériques qu'on est perdant dès le départ.
O Jésus était dans le même cas. Le temple allait être détruit. Il n'a pas prêché un renouveau moral pour contrer cette destruction. Il a prêché (pas gesticulé) le message du Royaume de Dieu. Il n'a non plus tenu en haleine ses followers en prophétisant qu'il y aurait un réveil mondial. Il leur a simplement dit «Allez...». Prenez le volant de votre camion tout en les avertissant qu'ils allaient être persécutés. Surtout ceux qui conduisent leur «camion» spirituel dans des endroits qui ne sont pas appréciés par les démons et nos dirigeants sont tout à fait prêts à vous accueillir à bras ouverts, à condition que ce soit eux qui donnent la destination des camions!

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