Au secours, nos pasteurs désespèrent!
Mon post, aujourd'hui, est en référence à un article d'un pasteur genevois qui décrit très bien la situation de beaucoup de pasteur.es de nos communautés évangéliques: leur découragement. Pourtant, c'est un ecclésiastique que je connais et que j'apprécie.
La fracture, mais aussi la facture culturelle
Elle fait mal! Comme nous passons, en Europe, d'une culture fortement formatée par l'école républicaine à celle du numérique boostée par l'émotion, nous vivons les mêmes conflits comme Monsieur Macron avec ses ministres, gérant le ministère de l'éducation. Maintenant, nos pasteurs sont autant « épuisés » que les enseignants. Pourquoi, parce que nos églises ont calqué leur fonctionnement sur celui de l'école. Le protestantisme et les évangéliques apparentés ont prospéré avec le modèle scolaire. C'était une stratégie excellente, pendant tout ce temps où l'école était la reine de la culture et par ricochet le système de formation académique de nos théologiens. Seulement aujourd'hui, elle n'est plus que le marchepied (celui qu'on piétine comme moi) de la nouvelle culture numérique.
Le constat de cette situation?
O L'enseignant scolaire, de base, contrôle le niveau de ses élèves, avant de lui offrir un enseignement pour améliorer son niveau de connaissance. Il contrôle aussi à la fin de la formation si son élève a bien compris la leçon (donc, surtout l'aspect théorique). Par exemple, à l'époque, lorsque l'école avait encore son plein pouvoir culturel, la majorité des enfants n'avaient pas d'argent de poche, ils apprenaient donc les divisions, les soustractions, les multiplications, pour plus tard, quand ils auront quitté l'école. Ils apprenaient à nager sur un tabouret!
Chez les protestants, le catéchisme obligatoire se soldait, par un examen devant toute la communauté et on remettait au catéchumène un diplôme. Comme celui de ma grand-mère catéchisée et confirmée en avril 1897, lorsque l'Alsace a été sous domination allemande. Les cultures sont un support essentiel pour la foi. Pas de foi sans culture. Le problème, c'est quand la culture vacille sous les boutoirs d'une autre culture montante, elle tombe ou devient très marginale. L'autre problème, c'est que le support culturel se transforme également en support religieux. Dans le cas de ma grand-mère, elle connaissait la théorie, mais avait de la peine à la transformer en spiritualité. Aujourd'hui, on peut sortir d'un concert de louange, soit disant, avec beaucoup de joie, de bien-être spirituel et le lendemain, on frouille à l'école, aux impôts, on manipule son mari ou son épouse ou ses enfants pour les faire entrer dans le droit chemin. Le concert fonctionne comme le diplôme catéchétique de ma grand-mère. Le système scolaire, c'est l'ADN culturel du protestantisme.
O L'enseignant scolaire devait connaître sur le bout des doigts les divisions, les soustractions, les multiplications, mais on ne lui demandait pas d'être un modèle pour l'utilisation de son argent. C'est ça la différence avec le pastorat, mais parfois certains l'ont oublié.
Comment remédier à ce problème ?
Devenez surfeur dans votre communauté. Le pasteur ou la
« pasteure surfeuse » ne contrôle pas la vague, c'est elle qui la contrôle. Dans le système scolaire, c'est le pasteur qui contrôlait ses ouailles. Il les soumettait à des normes doctrinales, éthiques et comme en vocabulaire et en grammaire, il fallait écrire sans faire de fautes. Il était producteur, architecte, entrepreneur de la culture. Il se comporte donc de la même façon en communauté chrétienne. C'est à lui de formater sa communauté. Hélas, ça ne marche plus ainsi, d'où la déception qu'on peut lire entre les lignes de l'article cité en entête. Ce n'est pas sa faute, c'est ce qu'on lui a enseigné dans sa formation et qui peut souvent coïncider avec sa personnalité, celui du maître d'école seul référent.
Que veut dire « surfer » ?
En premier lieu, c'est le contexte socio-culturel qui dirige son ministère. C'est la vague « numérique ». C'est un apprentissage que nos facultés de théologie ne maîtrisent absolument pas. La conteuse Marie Ray écrit certes des livres pour enfants, mais elle « surfe » surtout avec les contes. Johanne Rochat, créatrice de contenu, responsable de la commission Enfance de la FREE, « surfe » également à sa manière sur cette nouvelle vague.
L'image du pasteur
Ce n'est plus celui qui « sait » à la manière scolaire, mais celui qui est un excellent surfeur d'existence. Il sera le modèle qui maîtrise sa planche (sa vie) et qu'on va copier. Lorsqu'il va rencontrer d'autres surfeurs, sa parole, ses conseils auront de l'autorité, à condition qu'il ne cherchera pas à faire une étude biblique qui n'intéresse pas le sportif, mais peut-être, il s'intéressera à un conte ou à une parabole qui met en scène ses préoccupations.
Les limites de ma démonstration
Ces limitations sont très importantes. L'école avait l'avantage d'être un instrument de formatage culturel uniforme qui concernait absolument tout le monde. C'était assez facile de former des pasteurs dans un moule aussi standard. Aujourd'hui, la « vague » culturelle produit une grande quantité de modèles très différents. Il faudrait presque développer des formations très ciblées pour chaque spécificité culturelle. On demande au pasteur d'être un ecclésiastique multifonctionnel.
Y a-t-il un modèle en « mosaïque » qui a une fois existé dans l'histoire de l'église ?
Assurément, l'église qui s'est développée au Moyen Âge approchait beaucoup plus de cette spiritualité multifonctionnelle. Il y avait différents courants de monastères, de lieux de pèlerinages, d'activités liées au religieux, comme les processions. Ne nous voilons pas la face, cette configuration existe aussi aujourd'hui. Regardez le nombre d'organisations, d'associations religieuses, d'activités socio-culturelles à caractère spirituel qui se développent aujourd'hui. Ce sont souvent plus les concurrents des communautés chrétiennes qui pompent aussi les finances. La communauté va encore plus se morceler avec le développement des cultes « streamés ». Le pasteur comme figure et garant principal de la spiritualité chrétienne se fond dans une mosaïque multidimensionnelle qui va manquer de structure, surtout que le protestantisme n'a pas de pape ou plutôt qu'il en a de multiples. Au secours!
La « vague » est trop puissante.