Le croyant n'est plus très régulier pour suivre les rencontres dans la communauté
Un des thèmes le plus consulté sur notre blog, c'est celui de la persévérance. C'est une idée de prédication et personnellement, je pensais que d'autres thèmes étaient bien plus importants aujourd'hui. Ce qui me fait penser que cette recherche recouvre une autre problématique, c'est que les chrétiens ne suivent plus régulièrement un programme proposé. Cela concerne les cultes, mais encore plus les études bibliques, surtout si on se met à proposer un livre entier de la Bible en plusieurs rencontres. Ou une formation échelonnée en plusieurs épisodes. Comment faut-il réagir?
Comment évaluer cette question de persévérance?
Éliminons d'emblée la notion de persévérance liée à la fréquentation d'une activité programmée. Ça nous aurait bien arrangé de pouvoir mettre le croyant sous pression pour assister régulièrement à nos rencontres, même si on s'y ennuie magistralement. La persévérance se résume surtout à porter des fruits selon Luc 8:15.
Dans la nouvelle culture numérique, la nourriture spirituelle dont le chrétien a besoin ne passe pas forcément par nos rencontres programmées pour eux.
C'est bien là que le bat blesse. Le pasteur et les élites directionnels de la communauté sont en compétition avec d'autres prestataires de service, bien souvent plus compétents, atteignables d'un seul clic, même au milieu de la nuit et n'importe où, même à la plage. Alors que dans nos communautés classiques nous mettons en avant le message et l'enseignement agrémenté de musique et parfois d'un clip vidéo.
Faut-il bazarder nos activités cultuelles et d'enseignement?
Ça dépend pour qui! L'autre jour, j'ai demandé à un octogénaire assidu aux études bibliques de sa communauté, sur le nombre de participants de ces rencontres. Sa réponse: une vingtaine ou une trentaine sur plus d'une centaine de membres de la communauté. On pourrait dire que ce n'est pas mal comme fréquentation, sauf qu'il a ajouté que la moyenne d'âge dépassait la soixantaine. Et les autres? Ils trouvent leur nourriture ailleurs, sur le net ou dans les multiples rencontres qu'on leur offre ailleurs.
Quelles conclusions en tirer?
Le job du pasteur devra changer. Le pôle enseignement et l'activité musicale, lors d'un culte, est appelé, non pas forcément à disparaître, mais à laisser plus de place à ce qui devient primordial dans la culture numérique: créer prioritairement du lien social et spirituel entre les croyants. Il faudra donc inventer de nouveaux espaces et activités de rassemblement pour faciliter ces interactions. Le traditionnel «après-culte» ne suffit plus à remplir ce rôle.
Ça ne se trouve pas sur les réseaux sociaux numériques. Le métavers va encore lessiver davantage cette relation de proximité où l'on s'enquiert du bien-être de son prochain. C'est une parfaite illusion de croire qu'on peut créer une vraie relation de personne à personne par écran interposé. À la rigueur c'est possible, lorsque les deux personnes se connaissent déjà personnellement et intimement comme deux amoureux. Ce n'est pas pour des prunes que le Christ s'est incarné. Il a fallu que ses disciples puissent le toucher, sentir son corps transpirer, après une journée de marche, scruter son regard, entendre sa voix, celui du berger, pas celui d'un robot «algorithmé».
La personne qui vient au culte aura besoin de quelqu'un qui puisse prier pour elle, lui proposer la guérison, le conseil spirituel pour orienter sa vie, écouter ses pleurs, ses souffrances, aussi sa joie et pas seulement aux heures de bureau, mais au moment où il en a besoin. Aucune instance numérique ne peut lui offrir ce service.
Exemples d'une activité spirituelle intégrant la notion du «prendre soin»
Lorsqu'on se trouve devant un auditoire assis les bras croisés à écouter un discours, une prédication ou chanter un cantique, il est difficile de discerner qui aurait besoin d'aide, celui qui aurait besoin d'aide a peut-être de la peine à exprimer sa douleur, son désespoir, ses attentes. Généralement, on pense que notre prédication est tellement puissante que les gens vont demander automatiquement de l'aide, touché par le Saint-Esprit. Ce n'est pas faux, mais en même temps aussi très limité. La rencontre de Jésus au puits, avec la samaritaine (Jean 4:7), est un exemple de l'attitude à développer dans nos groupes cultuels ou d'enseignement. Jésus est entré dans une activité normale, la demande d'une boisson, dans un lieu de vie «normal» (le puits), mais il a détecté, grâce à ce contexte quelque chose d'anormal, celui de chercher de l'eau à midi. Ce qui lui a donné la possibilité de s'intéresser au vrai besoin de la samaritaine.
Tout récemment nous avons animé une étude biblique avec un groupe de huit responsables d'un groupe de jeunes, avec l'aide de techniques non conventionnelles, du point de vue «étude».
Les participants n'étaient pas assis à écouter un «discoureur», mais ils jouaient avec des matières comme la peinture, le scotch, le sable d'aquarium, etc... (la normalité du puits). Il y avait aussi un buffet de boissons (comme l'eau que Jésus a bu) et des friandises et chacun grignotait pendant le travail «d'étude», donc ils circulaient. C'était aussi l'occasion de rire des manipulations malheureuses avec, par exemple, la peinture. C'était à la fois studieux et ludique, mais cet environnement est un puissant révélateur des besoins des individus, comme le discernement du Christ par rapport au besoin profond de la samaritaine.
On découvre une personne qui a de la peine à s'intégrer au groupe ou à découvrir ses talents, ce qui permet d'amorcer une conversation pour répondre à des frustrations et des attentes. C'est aussi le moyen de prier pour lui et avec lui pour amorcer une résolution du problème.
Ceci pour dire, qu'il faut sortir de notre univers scolaire et créer des espaces conviviaux (le puits) pour aider les participants à extérioriser leurs besoins. C'est aussi ça qui va rendre attractif nos rencontres «programmées» et peut-être de donner envie de toutes les suivre.
Encore une réflexion en relation avec la fréquentation régulière et suivie
Lorsqu'on organise une série de rencontres sur un thème donné, l'étude d'un livre de la Bible ou par exemple, une formation pour des couples en plusieurs épisodes et en groupe, il y a de fortes chances que les participants ne suivent plus le cursus complet et qu'ils ne viennent que quelques fois. Ce sont des intermittents comme au travail. La culture actuelle nous éduque à privilégier ce qui nous semble le plus attractif sur le moment. On ne persévère plus dans un cursus de bout en bout.
Comment y remédier? Dans la culture de l'école on travaille en linéaire, comme lorsqu'on écrit une phrase. On assemble le tout de bout en bout et c'est à la fin qu'on comprend ce qui est écrit. On peut peut-être louper un mot (un épisode), mais si on n'a pas les éléments essentiels comme le verbe et le sujet, on patauge. Pour notre formation de couples nous avons trouvé une solution pour répondre à ce manque de «persévérance», nous avons mis en double, online, les mêmes modules à travailler en couple et non en groupe. Ainsi, ceux qui loupent un épisode peuvent se rattraper.
Il y a une autre possibilité, c'est de s'inspirer de la création de Dieu. C'est de commencer par une vue d'ensemble comme l'image d'une fleur.
On décrit ou on travaille sur ce que l'on voit ou ressent d'une manière générale, surtout dans le premier épisode, puis dans les épisodes suivants on reprend l'ensemble dans le détails: contexte de la fleur (en vase ou dans la nature), son enracinement, les pétales, le pistil, la tige, etc... Pour l'étude d'un texte biblique, il faut donc commencer par un aperçu d'ensemble, sans entrer dans les détails ou les subtilités. Il est plus facile, dans ce cas de louper un épisode, sans mettre en cause l'ensemble de la formation. De plus, il est aussi plus simple de trouver un raccord à partir d'une compréhension de l'ensemble qu'on a eue au départ.