Avons-nous le message pour aujourd'hui? Comment appeler à la conversion?
Notre plus grand problème en évangélisation, c'est que nous n'avons plus le message pour que les gens puissent être encouragés à entrer en contact avec Dieu. Nos élites nous cassent les pieds pour que nous allions dans le monde, que nous quittions ce qu'ils appellent notre zone de confort. Personnellement je suis souvent découragé, parce que je constate que malgré ma formation spirituelle dans un institut de théologie respectable et mon expérience de vie, j'ai l'impression de taper à des portes qui n'ont même plus de serrures. À qui la faute?
Pourquoi cette impossibilité à percer?
Il y a plusieurs raisons et je pense que la principale réside dans le fait que nos anciennes formulations du message-de-la-croix n'ont aucune prise sur les personnes que nous voulons contacter. Nous nous imaginons qu'elles ont en elles des prises où on peut accrocher notre message. Un peu comme les murs de grimpe ou d'escalade.
Or, ce mur intérieur, celui de leur cœur, nous paraît lisse, sans aspérités capables d'accrocher notre message. Leur personnalité culturelle a développé d'autres points d'accrochage que nous ignorons. On pourrait imaginer qu'ils soient magnétiques, sous formes de capteurs, etc.. (ceci est une vue symbolique!). Dans le passé en Europe une majorité de personnes étaient catéchisées. Ce catéchisme, c'est comme ces taquets implantés dans la paroi. On peut s'y appuyer. Ces taquets, ces formes additionnelles, ces protubérances ont disparu et nous continuons à vouloir montrer comment on peut «grimper» dans la spiritualité chrétienne, comme auparavant. Ou au moins mettre le «pied à l'étrier». C'est dommage que nos «professionnels» de la foi dont je fais partie, nous lancent dans le «missionnel» ou maintenant dans le «turning» sans nous équiper avec une manière nouvelle d'aborder les gens. Rassurez-vous, je soutiens ces activités d'évangélisation, mais j'ai l'impression qu'on a omis d'abord de repenser le message d'évangélisation. Mais je ne suis non plus au courant de tout ce qui se trame en arrière-plan.
C'est quoi cette nouvelle manière d'aborder les gens?
Notre évangélisation du passé et qui a fait ses preuves, en leur temps, était focalisée sur le péché (tu es pécheur, tu dois te repentir pour entrer en communication avec Dieu). Elle fait long feu. Même si on entame une relation amicale, on va toujours inciter, en final, nos interlocuteurs à passer par la porte étroite, qui est avant tout, celle d'être convaincu de son péché et du besoin d'être sauvé par le Christ. Dans l'expérience faite avec l'action «Turning» de l'année passée, on parle, en Suisse romande, d'environ 700 personnes qui ont laissé leurs coordonnées de contact et qu'au bout d'une année, on parle de 200 contacts en «prédiscipulat». Je ne connaissais pas ce vocabulaire qui montre bien le plafond de verre qu'on n'arrive pas à percer. Est-ce à dire qu'il faut laisser tomber ce genre d'action? Bien sûr que non et si vous me soupçonnez d'être plus influencé par la mentalité «marketing» que par l'évangile qui n'a pas toujours un résultat immédiat, vous avez raison. Néanmoins, toute expérience d'évangélisation devrait passer par le crible de l'évaluation. On risque de décourager bien des chrétiens, parce qu'ils sentent que ça ne passe pas. Pourquoi, y a-t-il eu autant d'églises qui ne suivent plus l'action «Turning» cette année? Alors, que c'est une évangélisation très pandémie-compatible. Il suffit d'un masque et la distance sécuritaire. L'idéal, quoi! Pas besoin de salles, d'équipements de sonorisation, de «fog machine», de batteries de led, de groupes de louanges.
Je pense que la notion de péché qui nous colle à la peau est toujours d'actualité. Il n'y a même pas besoin de convaincre les gens, mais au lieu de les culpabiliser, il ne faudrait surtout pas le rendre société-compatible. Le péché, reste le péché. Ce qu'il faudrait faire, c'est demander que nos interlocuteurs changent la direction de leur regard. Pourquoi ne pas présenter le message de l'alliance avec Dieu, celui de la réconciliation? Pour éliminer le mal que tu ressens en toi, autour de toi, dans ta famille, dans ton groupe social, dans ton pays, fais alliance avec Dieu, pour éliminer ce mal, pour le contrôler, pour l'endiguer, pour le rendre inopérant, même si tu n'arrives pas à l'éliminer complètement. Dieu sera ton allié pour vaincre le mal. Fais-lui confiance, il saura mieux que toi, comment résoudre tes problèmes. L'avantage de cette approche, c'est de ne pas culpabiliser ton interlocuteur. Dans le style, dont on a abusé par le passé «c'est toi qui es responsable de ton malheur parce que «TU ES PÉCHEUR»! Ce qui n'est pas faux, en soi, mais inopérant dans ce monde qui ne comprend absolument plus la définition du péché-selon-la-Bible. Faire alliance avec quelqu'un, c'est accepter qu'on n'arrive pas tout seul. On ne peut pas éliminer le mal à nous tout seul. Il faut un plus puissant que nous. Un Dieu qui a vaincu le mal, sur la terre où nous habitons et qui nous fait bénéficier de son «expertise».
Une autre difficulté majeure
Elle est de taille. Nous voulons introduire ces «prédisciples» dans des contextes qui leur sont complètement étrangers. L'église traditionnelle n'est plus adaptée à recevoir ces nouveaux adhérents. On les plonge dans un bouillon de culture plutôt rébarbatif pour eux, on les perd ou bien ils restent sur le seuil. Je pense que nous négligeons le fait qu'il y a une couche intermédiaire à développer entre le «païen» et le monde chrétien. On pense que le fait de se convertir prédispose automatiquement à comprendre notre manière de penser, de croire, de se dire, de vivre. Le plus bel exemple est celui de l'apôtre Pierre qui a reçu une vision exceptionnelle avant de rencontrer Corneille, le centurion romain (Actes 10). Nous sommes toujours encore dans cette logique que c'est celui du dehors qui doit s'adapter et non le contraire. Tout le travail des évangélistes des Actes ne fut pas de faire venir les païens dans le moule du judéo-christianisme de Jérusalem, mais de bâtir de nouvelles communautés dans ce contexte, adaptées à la culture romaine. Nous devons mettre en route de nouveaux «récipients» sans faire disparaître le modèle de Jérusalem, sous-entendus nos modèles issus du XIXème siècle ou même du XVIème siècle. Mais ces modèles ne peuvent plus vraiment s'appliquer dans notre monde post-moderne.
Article complémentaire:
une idée d'un catéchisme adapté à la culture numérique