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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

L'importance de l'innovation dans l'église

24 Septembre 2020, 13:41pm

Publié par Henri Bacher

L'importance de l'innovation dans l'église
Nicolas Colin, éditorialiste à L'OBS*, écrit «que toutes les entreprises, grandes ou petites, doivent innover en permanence si elles veulent rester compétitives. L'innovation n'est jamais une promesse de succès, mais l’absence d'innovation est toujours une garantie d'échec». Il fait aussi référence à l'économie fordiste du début du XXème siècle, marquée par la stabilité et l'optimisation où l'innovation était une phase exceptionnelle et transitoire, mais en aucun cas une activité en continu. Quelles conclusions en tirer pour l'église?
*L'OBS N°2775

Ce que n'est pas l'innovation en église
L'innovation, ce n'est pas le relookage d'une ancienne activité. Ce n'est pas juste un lifting, une chirurgie esthétique pour se refaire un peu la frimousse «théologique». Ce n'est même pas en intégrant des chants du style «Glorious» que vous allez innover ou mettre des canapés à la place des chaises, tout en gardant la liturgie du passé. Lorsque Steve Jobs a lancé sa gamme des iPhone à la pomme, il a vraiment été innovateur. Ça n'existait pas auparavant, tout en s'appuyant, sur la téléphonie. Innover en église ne veut pas dire qu'on va liquider le Credo ou le transformer radicalement. C'est développer des modèles de vie, des stratégies, des contenus, des services qui devraient atteindre un nouveau public. Je déplore que notre vision dite «missionnelle» n'est souvent qu'un relookage, un nouveau «packaging» spirituel dont le contenu est le même qu'il y a quatre siècles.

Des exemples d'innovateurs dans l'histoire de l'église
Les réformateurs comme Calvin ou Luther étaient des innovateurs à leur époque! Ils n'ont pas relooké le pèlerinage, les images saintes, le rituel de la messe, etc... Ils ont d'abord éliminé ce qui gênait l'innovation et puis ils ont développé de nouvelles approches spirituelles qui correspondaient à la nouvelle mentalité issue de la Renaissance.
Avant eux, il y a eu bien des innovateurs comme Jean Huss, Jérôme Savonarole. Malheureusement eux et leurs idées ont fini sur le bûcher. Parlons aussi des innovateurs à l'intérieur de l'église catholique du Moyen-Âge, comme Saint François d'Assise. Il a quitté à poil la cathédrale d'Assise, sous les yeux des notables de la ville, dont ses parents, pour signifier qu'il voulait rénover la spiritualité en laissant tomber tout ce qui faisait son «habillage» théologique, ritualiste, religieux du passé. Et puis, revenons au livre des Actes. L'apôtre Paul était un innovateur. Il n'a pas essayé de relooker les rituels judéo-chrétiens de Jérusalem pour l'adapter au monde culturel d'Antioche. Il a donné un coup de pied dans la fourmilière, enfin plus précisément, c'est le Christ qui lui a donné le coup de pied.

Quel type d'innovation faut-il développer?
Contrairement à ce que vous pourriez penser, je milite de moins en moins pour développer des images, des clips vidéos, des messages sur support numérique. La première phase d'adaptation à la culture numérique s'est déjà bien passée. Je suis surpris, mais aussi sincèrement ébloui par la capacité de nos communautés à s'adapter au numérique, en quelques mois, sous l'influence de la pandémie Covid19. C'est bien la preuve que l'église n'est pas tellement en retard dans sa capacité à innover technologiquement parlant, même s'il y a encore du chemin à faire. Car c'est réellement une innovation que de «balancer» un culte sur le numérique. Ce qui me pose problème, c'est qu'actuellement en Europe, il y a, disons, sans vraiment exagérer, des millions de messages numériques à contenus chrétiens qui circulent sur la toile. Pourquoi, alors que le message chrétien est si facilement accessible, il y a si peu d'adhésion à la foi chrétienne? Je suis aussi très perplexe quant aux contenus que nous développons sur nos différentes plateformes de diffusion qui sont, pour la plupart, de haut niveau technique et esthétique. En regardant de près, je me rends compte que nous ciblons en priorité les chrétiens. La plus grande partie de nos clips ou textes sont incompréhensibles pour un public non catéchisé. Nous sommes en Europe, en face d'un continent à évangéliser, au même titre que les premiers missionnaires dans l'hémisphère sud. Par quoi allons-nous commencer? Alors que nos concitoyens connaissent mieux les dégâts causés par la religion que les bienfaits? Faut-il donc innover dans les contenus? Produire des messages mieux adaptés? Apprendre à mieux cerner les besoins de nos concitoyens? C'était un peu les messages que je diffuse sur mon blog. Aujourd'hui, je ne suis plus si sûr que c'est la bonne solution.

Un exemple à suivre: l'évangélisation de la France par des moines irlandais
C'est un chapitre de l'histoire religieuse française qui n'est pas très connu.
 
Ils s'appelaient Gildas, Guénolé, Brieuc, Malo, Colomban, Boniface ou Alcuin... Dans les pays celtiques, l'Irlande et la Grande-Bretagne actuelle, le monachisme constituait alors l'élément principal de la vie ecclésiale: les monastères étaient pratiquement les seuls foyers de l'enseignement théologique et de la vie spirituelle. Dès lors, des missionnaires ou des émigrants celtes commencèrent à exporter leur spiritualité et leur culture vers l'Europe continentale. Ces moines ont diffusé en Gaule l'idéal monastique, à tel point que la grande figure religieuse du VIIe et la première moitié du VIIIe siècle ne sera plus l'évêque mais l'abbé, à la fois ascète et missionnaire.* Ces implanteurs de spiritualité chrétienne n'ont pas commencé leur ministère dans les agglomérations, mais au fond des forêts. Ils se sont installés, ont commencé à défricher le terrain, à vivre leur spiritualité axée sur la méditation, le travail qui leur permettait de vivre en autarcie. Peu à peu se sont installés dans leur environnement des personnes attirées par leur style vie, sûrement aussi par l'aspect économique. Ne pourrait-on pas copier ce genre d'innovation? Nos «forêts» c'est le monde non catéchisé. Est-ce que nous ne pourrions pas installer des groupes de chrétiens qui vivent leur foi, en travaillant, en expérimentant leur foi au milieu d'un monde non chrétien? Le point de diffusion de la foi chrétienne ne serait plus «l'évêque», sous-entendu la communauté existante qui évangélise, mais «l'abbé», le groupe qui s'implante dans la forêt. Utopique, me direz-vous?

L'exemple monastique pour infléchir l'environnement pas-encore-chrétien
Les mouvements monastiques ont eu, en général, trois devises fondamentales: pour combattre l'insoumission, la non acceptation d'une autorité telle qu'elle soit, ils ont prôné la soumission aux règles d'une communauté monastique, à l'immoralité ambiante, ils opposaient le vœu de chasteté, à la cupidité du monde de l'argent, ils pratiquaient la pauvreté, la vie «pauvre». Bien sûr, vous allez me dire, par exemple, que beaucoup de monastères hébergeaient des personnes qui vivaient pauvrement, mais que le monastère était plutôt très riche. La sexualité refrénée a parfois produit d'autres déviances et la pauvreté n'a pas empêché le réseau des monastères clunisiens* de se construire un réseau européen avec un tel pouvoir que certains chanoines étaient devenus des conseillers de la papauté.

Ce que nous en retenons, c'est que nous avons besoin de créer des foyers (en pandémie on parle de «clusters») de contre-exemples des valeurs de la société ambiante. Nous avons trop misé sur le message évangélique sous forme écrite et maintenant sous forme numérique pour changer la société. Nous devons revenir à des personnes, des couples, de petites entités communautaires qui vivent la foi au quotidien et dont la manière de vivre se voit.

Un exemple embryonnaire que nous vivons actuellement
Nous expérimentons depuis plusieurs années ce genre d'approche. Nous avons favorisé la création d'un petit réseau de personnes qui essayent de vivre leur foi d'une façon concrète, dans un immeuble. Partager des expériences de vie, se former mutuellement, s'entraider dans des tas de domaine, s'épauler dans les difficultés, mais aussi créer ensemble des activités artistiques qui n'ont pas toujours l'évangélisation comme but. C'est un dur travail de type «monastique» qui n'a pas toujours des résultats immédiats et spectaculaires, mais qui visent la «forêt» de notre monde contemporain.

* Source:  https://www.la-croix.com/Archives/1996-08-16/L-evangelisation-de-la-France-_NP_-1996-08-16-410611

* Abbaye de Cluny

 

L'importance de l'innovation dans l'église
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