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ÉGLISE. CULTURE. NUMÉRIQUE.

Pourquoi notre évangélisation patine-t-elle?

16 Août 2019, 17:17pm

Publié par Henri Bacher

Malgré nos efforts, nous touchons un plafond de verre. Pour faire croître l’évangile, il faut de la bonne terre, mais nous oublions que la bonne terre se prépare, avant d’y jeter la semence. Nos terreaux occidentaux, ne sont plus préparés, d’où notre manque de récolte. Henri Bacher s’inspire d’un exemple, vraiment déjanté, celui d’un planteur de cannabis, pour donner des pistes de préparation de la terre socio-culturelle.

Fake-conversion?
C’est en observant le style de vie d’un couple vegan, planteur de cannabis, en Suisse romande, que j’ai fait le parallèle avec les réveils du 19e siècle. Précisons qu’ils ne sont pas Chrétiens.

Ce couple, qui vient d’une grande ville, actif au départ, pour le jeune homme, dans la création et la production de clips vidéo commerciaux et sa compagne sortie d’un cursus d’art, niveau bachelor, à Londres et à New-York, m’a beaucoup fait réfléchir. Ils viennent d’acheter une ferme en montagne pour faire de la permaculture, de l’herboristerie et de la culture de cannabis, dit récréatif. Le cannabis étant autorisé par la loi en Suisse.

De plus, ce sont des adeptes de la nourriture vegan. De vrais talibans, Vegan ! Ils me font penser à ces évangéliques du siècle dernier, hyper stricts dans leur éthique protestante, la manière de s’habiller, la non fréquentation du monde qui n’est pas le leur. Nos amis vegans interdisent, par exemple, de venir sur leur propriété avec un sandwich au jambon, beurré à souhait.

Ce sont des personnes qui se sont converties au véganisme, comme à l’époque, on se convertissait à la foi évangélique, convaincu que c’est la seule manière d’être sauvé. À l’exclusion des consommateurs de nourriture spirituelle Catho ou Réformée.

Pourquoi je vous raconte cette histoire ? Nous, les nouveaux apôtres du missionnel, on a tendance à regarder de haut ces « convertis » d’un nouveau genre. Qu’ont-ils à nous apporter ? De plus, c’est un détournement du concept de la vraie conversion spirituelle, une « fake-conversion ».

Une spiritualité dynamique qui fait du sens
Le théologien et sociologue Frédéric de Coninck*, déjà en 1996, disait que nous considérons l’homme comme quelqu’un abstrait de l’espace qu’il habite et que c’est une fiction que nous avons construite et pas le reflet de la réalité. Lui, en parlant d’espace, le situe dans le cadre de la ville. Je l’étendrai aussi à la culture, au contexte sociologique ou politique.

Nous regardons nos contemporains d’une manière fictive. Nous nous fabriquons une fiction, à coup d’analyses sur la postmodernité et autres thèmes prisés par nos élites académiques.

Pour revenir au contexte du 19e siècle, le chrétien évangélique baignait dans la culture de l’école et du livre. Tout le monde était catéchisé et savait lire. Seulement, cet enseignement de la foi chrétienne était comme un tas de bois mort. Sont arrivés les revivalistes comme Spurgeon, Robert Haldane, César Malan, qui n’avaient qu’à y mettre le feu pour développer une spiritualité dynamique qui faisait sens.

Allumer un nouveau feu.
Malheureusement, nous sommes, en tant qu’Évangéliques, toujours dans la même dynamique. Nous avons décrété que le tas de bois mort a encore augmenté et qu’il suffit d’être missionnel pour allumer un nouveau feu. Le hic, c’est qu’il n’y a plus de « tas de bois mort », c’est-à-dire que les gens ne sont plus catéchisés. Les notions élémentaires du christianisme se rapportent à des clichés : un pape et des prêtres avec des costumes qui font plus référence au vêtement féminin qu’à un costume religieux ou des évangéliques qui soutiennent Trump ou Bolsonaro au Brésil. Le péché C’est justement, pour les végans, de manger de la viande et pour le grand public de ne pas prendre soin de son taux de cholestérol, de son corps, etc. Ne pas faire son jogging dominical est plus grave que de manquer un culte.

Le modèle scolaire a du plomb dans l’aile. Il ne fait que se réformer, sans grand succès.

Nos communautés issues du 19e siècle sont calquées sur l’école. Nous animons des écoles spirituelles, dans un monde qui lit de moins en moins. Et les gens ne veulent plus retourner à l’école le dimanche matin, même avec des projections PowerPoint et des rythmes musicaux plus adaptés à notre culture contemporaine.

Alors que faut-il faire ? Transformer le culte en cabaret spirituel Non, il faut reconstruire le « tas de bois mort ». Pas en diffusant de la littérature chrétienne, les gens lisent de moins en moins. Ils n’aiment plus les catéchismes du type scolaire.

La thèse que je défends, c’est que les permaculteurs et autres vegans sont des préparateurs de bois sec. Ceux qui travaillent la terre vous diront que la préparation du terrain est primordiale avant d’y planter la semence. Les réveillés du 19e siècle avaient le terrain préparé par le catéchisme.

C’est génial de voir ce couple de permaculteurs et cultivateurs de cannabis qui se coltine avec la terre, avec la création de Dieu. Ce ne sont pas des entertainers, des amuseurs publics, ils bossent sur la terre de Dieu. Ils s’intéressent à la préservation de la création. Leur activité concerne le premier article de notre Credo. Ils n’écrivent pas sur l’importance de la création, ils la vivent devant nos yeux.

Ce sont des personnes qui acceptent de réduire leur train de vie. Ils se privent d’un certain luxe dont on a l’habitude en ville. Ils se chauffent, par exemple, au bois. Ça ne vous rappelle pas une injonction de l’apôtre Paul : « Contentez-vous de ce que vous avez… » (Hébreux 13 :5-7) ?

Ce qui est encore plus impressionnant, c’est leur « radicalisme » alimentaire. Qui a dit que notre société était laxiste, adonnée au plaisir, jouissive et profiteuse ? Sûrement, mais voilà des modèles qui alimentent notre catéchisme, notre tas de bois sec. 

En fait, ils reconstruisent devant nos yeux des comportements possibles de changement. Tout ça fait partie de la préparation du terrain.

Où sont les allumettes
Notre problème d’église, c’est que nous n’avons pas les allumettes adéquates pour allumer ce nouveau tas de bois. Nous utilisons encore toujours les « allumettes », les « starters » des réveils du 19e siècle. Il faut repenser notre théologie de la conversion, du culte dominical, de la communauté, de l’enseignement catéchétique. Nous sommes toujours dans le recyclage des anciennes doctrines qui ne répondent plus aux besoins d’aujourd’hui.

Ce que je reproche à notre approche missionnelle, c’est qu’on est encore convaincu qu’il faut juste améliorer le fonctionnement « liturgique » de nos communautés, l’accueil, la musicologie. Nous sommes en face d’une rupture sociétale complète, comme du temps de la Renaissance.

* La Ville : notre territoire, nos appartenances Frédéric de Coninck, Éd La Clairière, 1996

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D
Est-ce que nous ne devrions pas aussi repenser notre conception de l'Évangile? Notre évangile propose un salut après la mort (voir le récent contenu de The Turning), et ignore la dimension de l'Évangile du Royaume. Il ignore les demandes simples du Notre Père: de sanctifier le nom de Dieu, de faire venir dans ce monde le Royaume à la suite de Jésus et de faire que la volonté divine soit faite sur Terre.
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H
Merci pour votre commentaire. Parfaitement d'accord avec vous. Comme nous sommes dans un tel changement de culture, il faudrait repenser bien d'autre chose. Vous parlez du Royaume. C'est juste, mais quelle est la connotation d'un Royaume dans la tête des gens? On se heurte à des problèmes très difficile à maîtriser. Une tentative de réponse:<br /> https://youtu.be/RLCM0_QfWAw