La sloganisation du texte biblique
Nous avons bien compris que les internautes sont submergés de sollicitations et que ce ne sont plus de grands lecteurs. On réduit donc la longueur de nos messages lus ou imagés pour mieux capter leur attention. On enseigne maintenant de plus en plus par phrases-clés. Le message se réduit à un slogan publicitaire. Comme l’internaute ne reste pas, en général, sur une seule page internet ou une page Facebook, il est gavé de slogans comme une oie dont on engraisse le foie. Cette sloganisation du texte biblique, tirée hors de son contexte, ne sert pas le message biblique. Il est tellement fractionné, pixellisé, qu’il n’a plus de sens. La plupart du temps, c’est l’ensemble qui donne sens, pas le détail.
On entasse littéralement des “versets-slogans” autour de la figure du Christ (ici représentée par la pierre centrale) que nous proclamons image centrale du christianisme. En réalité, l’impression qui se dégage de cette illustration, c’est que le Christ n’est plus pierre-angulaire, mais une pierre, certes énorme, soutenue par des autres pierres bien plus petites.
Construction systémique
Nous devons aujourd’hui, pour consolider la foi chrétienne, penser en systémique. Créer des systèmes interactifs et interdépendants. Le détail doit s’emboîter avec le détail le plus proche, selon un plan d’ensemble et une dynamique bien définie.
Exemple de construction systémique
Avec cette illustration, qui reprend aussi le thème d’un Christ central, on sent bien que cette pierre centrale, à douze angles, soutient tout le reste. Tout s’emboîte l’un dans l’autre, à partir de la pierre centrale, pour former un tout cohérent et résistant aux secousses sismiques. Ce mur a résisté depuis cinq siècles à toutes les secousses dans la cordillère des Andes péruviennes. Ici, le constructeur n’a pas travaillé au petit bonheur la chance comme dans l’illustration du haut. Il avait un plan d’ensemble en tête et une finalité, celle de résister aux secousses sismiques.
Le signe de croix à la mode évangélique
J’irai même plus loin, le fait de scroller et d’ingurgiter tant de versets bibliques, c’est la même chose que le croyant du Moyen-Âge, qui se signe en passant devant une croix dans la campagne ou devant une église. Devant la page Facebook, on lit peut-être encore le texte, mais on ne la médite plus. On se “signe”. On dit “Amen”. Il est impossible de mettre en pratique tout ce qu’on lit ou regarde de spirituel sur le net.
Comment se comporter sur le net comme acteur de la foi?
1° Ne pas prendre nos performances par clics et like interposés comme le reflet de la réalité. Pour l’internaute, il ne faut pas trop se fier au nombre de clics pour penser que le contenu d’un message numérique vaut le détour.
2° Comme producteur, il faut penser en systémique. On peut tout à fait faire un message très court, entre 30 secondes et une minute, à condition de l’intégrer dans une chaîne de compréhension. La chaîne est plus importante que le détail. Chaque élément de cette chaîne doit enrichir l’ensemble. Souvent, notre seul élément de liaison, entre les messages, c’est le fait qu’on y parle de Dieu.
3° Comprendre que nous sommes en “surcapacité” de production. Grâce aux réseaux sociaux, les chrétiens sont noyés sous les textes bibliques et ces textes glissent comme l’eau sur les plumes du canard. Ils ne pénètrent plus au plus profond d’eux-mêmes.
4° Il faut absolument favoriser les groupes de méditation, d’échanges. Il faut reconnecter le travail avec la Bible au corps de l’église. L’imprimerie a repoussé la spiritualité dans notre intellect et le numérique va la pousser dans nos “entrailles”. Ce n’est que le “corps”, la rencontre de chrétiens en chair et en os, pour échanger, discuter, prier qui va permettre de trouver un certain ancrage dans la réalité des gens.
L’église s’est transformée en service de messagerie
Un peu comme la Poste ou DHL. Nous sommes pris en otage par le puissant levier de diffusion du numérique et nous pensons publicité. Dans le domaine marchand, ce qui fait qu’un message est accepté et transformé en réflexe d’achat, c’est le matraquage publicitaire.
Nous faisons du matraquage biblique, au lieu de nourrir des disciples et de constituer une communauté de disciples. L’église qui va sortir de ce matraquage c’est celle qui ressemble à l’image du haut. Celle que nous devons construire, c’est à l’image des constructions incas.
Vers des réseaux sociaux basés sur le contact physique entre humains
Nous les “messageurs” et je m’y inclus, nous devrions viser des groupes relais en chair et en os, pour aider à assimiler le contenu biblique et le transformer en action. Le disciple, ce n’est pas seulement quelqu’un qui sait, mais c’est quelqu’un qui fait. Nous devrions aider à faire et ça demande de pouvoir se coacher mutuellement. Le système d’éducation basé sur l’école nous a appris à partir d’une base théorique. Actuellement, les professeurs tentent d’y inclure des expérimentations pratiques, mais l’école reste un endroit où l’on ingurgite des connaissances qui seront mises en pratique plus tard. Le système éducatif de nos facultés de théologie ou d’instituts bibliques est largement tributaire de cette manière de faire. Et nous reproduisons cette manière d’enseigner avec les réseaux sociaux.
Il faudrait développer des canevas de travail qui permettent à des groupes de personnes d’apprendre tout en expérimentant. Un peu comme l’apprenti dans le domaine des métiers non académiques. L’apprenti est mis tout de suite dans le bain. Il est accompagné par un “aîné” qui connaît le métier et il a des cours théoriques, pas avant de commencer l’apprentissage, mais au cours de son apprentissage. Prenons l’exemple de la prière ou un groupe de personnes commencent par prier concrètement ensemble pour les sujets amenés par les participants. Pas seulement pour prier, mais pour savoir comment prier. Pour apprendre à copier ce que font les aînés. Alors que l’on part du principe qu’un chrétien sait prier, comme si c’était naturel de prier. Il faudrait développer des mini-communautés apprenantes, pas des écoles comme la Yeshiva ou l’école coranique.
Il y a aura un reflux du réseau électronique social, vers le réseau humain. L’électronique ne va pas disparaître, mais elle devra plus fonctionner en arrière-plan. Soyons honnête, c’est plus facile de balancer des messages sur le net que de se coltiner une vie communautaire qui se heurte à la gente humaine telle qu’elle est.