Comment l'école Pierre à Lyon, deviendra probablement le futur modèle de formation de notre staff pastoral
Nous nous penchons sur un problème crucial pour l'avenir de nos formations en vue d'une charge pastorale ou de leader. À l'heure où nos facultés de théologie s'étoffent de plus en plus en cadres enseignants de haut niveau, avec des doctorats en théologie, en sciences religieuses ou en sociologie, nous osons attirer l'attention sur un autre style de formation.
L'origine de l'École Pierre à Lyon
Elle est née d'une synergie entre plusieurs influences, tant catholiques, qu'évangéliques. À la base, il y a le groupe de musique Glorious, catholique, mais intégrant aussi des chanteurs d'origine évangélique. Ils sont aussi de mèche avec l'église Hillsong à Lyon ou avec Matt Marvane, pasteur évangélique.
Au départ, ce sont surtout des musiciens qui apportent une nouvelle sonorité. Tout naturellement, ils se sont mis à former des musiciens et des musiciennes à l'art de la louange chantée.
Le journal Ouest-France – non d'obédience religieuse – donne un compte rendu percutant d'un concert de Gorious. Il fait ressortir la dynamique de ce groupe musical.
L'école de musique se développe en greffant d'autres activités comme l'audiovisuel, le graphisme, la théologie, le leadership. C'est ce développement complémentaire qui me fait dire qu'elle est à la pointe d'un nouveau style de formation.
Pourquoi mettre en avant une école qui ose concurrencer la formation classique de nos leaders?
Le système de formation, que ce soit en faculté ou pour de simples cours en streaming, s'inspire de la manière de former de l'école républicaine. Donc, à la base, la sélection des candidats se fait à partir du niveau scolaire. Il est très difficile, aujourd'hui, d'accéder à une formation pour occuper une responsabilité de leader, avec juste le niveau « école obligatoire ». Même si officiellement, surtout pour des cours online, le prof ne sélectionne pas les participants, ceux-ci s'excluent eux-mêmes en ayant la difficulté de suivre le type de raisonnement lié à la culture de l'écrit et de la lecture. Ça ne veut pas dire que nos facs ne font pas d'effort pour intégrer des aspects artistiques. Sauf que cet effort se greffe sur une manière de penser la réalité qui a de moins en moins cours aujourd'hui. Ça donne un collage hétéroclite, peu solide.
Les nouveaux formateurs, comme à l'école Pierre, mais aussi dans un type de formation comme 42.fr, qui forme des informaticiens en sélectionnant les candidats sur la base du talent, utilisent une approche tout à fait inédite. Pour entrer dans cette école (42.fr), il suffit de réussir le test de la création d'un programme. Les personnes qui participent à cette sélection ont juste un thème et une limite de temps. Ils peuvent travailler sur les machines de l'école à n'importe quelle heure, de minuit à midi, en saucissonnant. leur temps de travail, en cherchant l'inspiration à l'extérieur. Beaucoup de nos jeunes sont de géniaux bricoleurs, sans même avoir un bac ou une maturité fédérale, comme en Suisse.
L'avenir appartient aux institutions de formation qui favorisent le talent
Aucun système de formation ne détient la palme universelle. Le système scolaire laisse sur le carreau tous ceux qui n'ont pas la fibre scolaire. Tout le monde n'a pas le talent d'un musicien, d'un graphiste, d'un vidéaste, d'un acteur ou d'une actrice pour entrer dans la danse des réseaux sociaux. C'est l'autre désavantage. Sauf que la culture bascule dans le monde de l'oralité électronique. Nous avons des amis asiatiques qui arrivent à vivre en France, sans vraiment maîtriser le français et encore moins l'écrit. Ils font les courses au supermarché ou bien voyagent, car beaucoup d'indications se font par icônes (images) interposées. De plus, ils ont des traducteurs oraux en direct sur leurs smartphones, sans passer par l'écrit.
De locomotive, la culture scolaire liée à l'écrit et à la lecture devient un simple wagon
Je vous signale que la plus grande partie de la Bible est sortie de la sphère de l'oralité et nous retournons dans ce monde qui a généré de grands croyants comme Noé, Abraham, Job et un certain nombre de prophètes. Les premiers disciples du Christ ne sortaient pas d'une sphère scolaire, comme une Yeshiva, et pourtant, ils ont mis en route un bouleversement mondial.
L'autre élément-clé de la formation de l'école Pierre, c'est la durée
Eh, oui! Une année à consacrer à plein temps pour se lancer dans le ministère, car les possibilités de se perfectionner se sont démultipliées. Par le Net, par de nombreux tutos en ligne, en copiant ce que d'autres font. Il n'y a plus besoin de passer plusieurs années à mémoriser des aspects doctrinaux, liturgiques, des pratiques exégétiques, des interprétations bibliques. Dans une année de formation, il faudra surtout apprendre à trier, connaître les principes de base pour faire un choix. Où trouver la bonne information?
Cette question de durée est aussi liée au financement. Ces formations que proposent nos facultés sont très chères. Finalement, il faut faire partie de la classe moyenne pour accéder à ce genre de formation et comme le « vivre par la foi » des pasteurs du passé n'a plus vraiment la cotte, on va de moins en moins se précipiter dans ce genre de formation très onéreuse.
Y a-t-il des solutions?
Pas tellement! Le monde évangélique occidental est en perte de vitesse, avec aussi des impacts financiers grandissants. Même les Etats-Unis, grands pourvoyeurs de soutien, surtout aux institutions de formation, doivent rétrécir leurs ambitions.
Les facultés évangéliques ont copié le modèle protestant qui a été surtout, en Alsace et en Suisse, subventionné par l'état ou le système scolaire. Ce qui veut aussi dire que faire passer les futurs leaders par le tamis d'une faculté me paraît illusoire.
Il y a bien sûr des alliances qui pourraient se faire entre des écoles comme Pierre et les facultés évangéliques, mais ces dernières ne voudront jamais laisser le « lead » théologique et pédagogique. Or, on est fondamentalement dans un changement de culture et les outils intellectuels du passé n'adhèrent plus à la réalité d'aujourd'hui.